Sculpteurs romantiques pour Orléans (1) : un bénitier d’Antonin Moine

3/12/20 - Acquisition - Orléans, Musée des Beaux-Arts - L’œuvre avait fait grande impression lors de l’exposition Paris Romantique (voir l’article), à la fois par sa beauté et par sa rareté : un bronze d’Antonin Moine (ill. 1), figurant son projet original pour un bénitier de la Madeleine, a été acquis par le Musée des Beaux-Arts d’Orléans auprès de Jacques Fischer, marchand d’art parisien.


1. Antonin Moine (1796-1849)
Bénitier de la Madeleine, vers 1840
Bronze - 56 x 45 x 29,5 cm
Orléans, Musée des Beaux-Arts
Photo : MBAO
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Deux bénitiers monumentaux en bronze avaient été commandés à Antonin Moine par Jean-Jacques-Marie Huvé, l’architecte qui termina l’église de la Madeleine à Paris. « Deux figures en plâtre ; faisant partie d’un bénitier destiné à l’église de la Madeleine ; l’une représentant l’Église, et l’autre la Foi » furent exposés au Salon de 1836. Deux représentations de ce bénitier tel que Moine l’avait prévu furent publiées respectivement par L’Artiste (ill. 2) et par Le Magasin pittoresque (ill. 3). Il est intéressant de constater que les deux gravures, faites chacune d’après un dessin du sculpteur, sont légèrement différentes entre elles, notamment dans la position des ailes de l’ange central.


2. Illustration du bénitier de la Madeleine d’Antonin Moine paru dans L’Artiste en 1836
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3. Illustration du bénitier de la Madeleine d’Antonin Moine paru dans Le Magasin Pittoresque en 1836
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Les figures féminines, fortement inspirées de la Renaissance italienne, déplurent à certains catholiques par leur aspect trop sensuel. Les deux bénitiers, tels qu’ils étaient prévus à l’origine (on ne connaît aucune représentation de ce qu’aurait pu être le second), ne furent donc jamais menés à bien en grand format ni installés dans l’église. La commande fut transformée en deux bénitiers plus petits, chacun formés seulement d’une figure d’ange en marbre, toujours par Antonin Moine, qui sont ceux que l’on peut aujourd’hui voir à la Madeleine (ill. 4 et 5). Leurs modèles en plâtre sont aujourd’hui conservés dans l’église de Ville d’Avray (Ange tenant un ostensoir et Ange tenant un calice).


4. Antonin Moine (1796-1849)
Ange tenant un calice
Marbre - H. 130 cm
Paris, église de la Madeleine
Photo : Didier Rykner
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5. Antonin Moine (1796-1849)
Ange tenant un encensoir
Marbre - H. 130 cm
Paris, église de la Madeleine
Photo : Didier Rykner
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Les deux grands plâtres présentés au Salon de 1836 furent transformés par l’artiste en figures de L’Espérance, grâce à l’adjonction d’une ancre, et de La Religion, avec une croix. Longtemps exposés devant la façade de l’église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, ils sont désormais conservés au Musée du Petit Palais (ill. 6 et 7).


6. Antonin Moine (1796-1849)
L’Espérance, 1836
Plâtre - H. 220 cm
Paris, Petit Palais
Photo : Didier Rykner
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7. Antonin Moine (1796-1849)
La Religion, 1836
Plâtre - H. 220 cm
Paris, Petit Palais
Photo : Didier Rykner
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Si le bénitier ne fut donc jamais exécuté dans son intégralité, la maison Susse en proposa un temps deux exemplaires : l’un de petite taille, à 75 francs, l’autre de grande taille, à 650 francs. Un seul exemplaire de grande taille est connu : celui qui vient d’être acquis par le Musée des Beaux-Arts d’Orléans, mais qui ne porte aucune marque de fondeur. De même, le biographe de l’artiste, Jean-Loup Champion, a vu il y a de nombreuses années (il en parle dans son article sur l’artiste publié en 1998 [1]) un petit modèle en bronze du bénitier, tandis qu’un autre exemplaire (ill. 8) est récemment entré dans une collection particulière parisienne. Ce dernier ne porte pas non plus de marque de fondeur.


8. Antonin Moine (1796-1849)
Bénitier de la Madeleine, vers 1840
Bronze - 18 x 13,7 x 8 cm
Paris, collection particulière
Photo : Didier Rykner
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Il arrivait que les catalogues de Susse ou de ses confrères proposent des modèles qui n’eurent pas de succès et qui parfois ne furent pas commercialisés ou tirés à très peu d’exemplaires. Le bronze acquis par le Musée des Beaux-Arts d’Orléans, comme les deux petits modèles connus, sont-ils des fontes Susse commandées sur catalogue ? Ou plus vraisemblablement, compte tenu de l’absence de marques, s’agit-il de tirages effectués hors commerce, comme modèle ou pour des clients privés ? Il est difficile de se prononcer.

Notons, pour terminer, que la gestation interrompue de cette paire de bénitiers qui aurait été sans aucun doute un des chefs-d’œuvre de la grande sculpture romantique, comparable par son importance aux groupes en marbre de Rude, Pradier ou Marochetti aujourd’hui visibles dans la Madeleine, ne permet de connaître qu’un seul d’entre eux, avec les figures de l’Église et de la Foi. On pourra remarquer d’ailleurs que la composition d’ensemble telle qu’on la voit dans les gravures de L’Artiste et du Magasin pittoresque montre des variantes importantes, comme les ailes de l’ange central, orientées vers le bas, ou pointant vers le haut. C’est cette dernière option qui a été retenue dans les deux bronzes que nous connaissons.

Le Musée des Beaux-Arts d’Orléans, un des conservatoires du romantisme français, tant en peintures qu’en sculptures, était tout désigné pour accueillir ce groupe remarquable, venant ainsi rejoindre notamment un ensemble sculpté de Henri de Triqueti, qui fut également actif à la Madeleine dont il a réalisé les portes en bronze. Notons enfin qu’Antonin Moine avait récemment fait son entrée dans ce musée avec un pastel, une autre facette de son talent, acquis il y a quelques mois (voir la brève du 5/4/20), et qu’un dessin de Jean-Victor Schnetz pour la Madeleine avait été acheté en 2018 (voir la brève du 9/2/18).

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