Louvre : les travaux d’Hercule de Jean-Luc Martinez (3). Les Antiquités grecques, étrusques et romaines

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1. Salle des bronzes avant les travaux.
Le sol en marbre a été supprimé et remplacé par du parquet. Les murs ont été peints en rouge, les vitrines enlevées.
Photo : Didier Rykner
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Nous avions commencé, l’année dernière, une série d’articles sur les travaux menés par Jean-Luc Martinez au Musée du Louvre. Après ceux qui ont concerné la Salle des États (voir l’article), dite aussi salle de la Joconde, des travaux inutiles mais dont le résultat au moins n’a pas été trop mauvais (voir la brève du 7/10/19), a été lancé ce qui, selon le « contrat de performance 2020-2024 » du Louvre, constitue « le chantier muséographique majeur conduit par le Louvre », soit « la campagne de réaménagement des Antiquités grecques, étrusques et romaines (2018 - 2024), dont la première étape est la rénovation des salles étrusques et italiques ». Cette première tranche concerne l’ancienne salle des bronzes, la salle Henri II et la salle des Sept Cheminées qui accueilleront désormais les collections étrusques (voir l’article).

Pour la salle des bronzes (ill. 1), la destruction sans raison du sol de marbre et l’enlèvement des vitrines est d’autant plus scandaleux qu’il s’agissait d’un aménagement des années 1930, qui avait donc une valeur historique. Tout cela pour rien. Le plancher a été refait en parquet flottant, et les murs peints en rouge. La salle n’est pas rouverte, mais il paraît que cela ressemble désormais à une pizzéria…


2. Salle des Sept Cheminées avec les tableaux de l’Histoire d’Esther par Jean-François de Troy et à gauche La Course d’Atalante et Hippomène de. Noël Hallé
Photo : Mossot (CC BY SA-3.0)
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3. Jean-François de Troy (1679-1752)
L’Évanouissement d’Esther
Huile sur toile - 320 x 470 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : Domaine public
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Quant à la Salle des Sept Cheminées, un endroit idéal pour y exposer des tableaux grand format (rappelons qu’on y a vu autrefois la grande Assomption de Giovanni Battista Piazzetta ou la Mort de la Vierge de Caravage), ils accueillaient récemment les toiles monumentales de Jean-François de Troy, cartons préparatoires pour l’histoire d’Esther, qui comptent parmi les chefs-d’œuvre de l’art français du XVIIIe siècle (ill. 2 et 3).


4. La Salle des Sept Cheminées au début des travaux
(on voit encore à gauche les tringles désormais supprimées)
Photo : Didier Rykner
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Mais cela est terminé. Pour installer l’art étrusque dans cette salle manifestement hors d’échelle pour lui, et alors qu’on pourrait parfaitement laisser ces tableaux accrochés au mur, Jean-Luc Martinez a décidé que plus jamais aucune peinture n’y serait montrée. Il a donc fait scier et enlever des murs les tringles anciennes (elles remontent à l’aménagement de cette pièce par l’architecte Duban) qui s’y trouvaient et que l’on peut voir sur les photos (ill. 2 et 4). Pourquoi fait-il cela ? Nous avons bien entendu interrogé le Louvre, qui évidemment ne nous a pas répondu [1]. Mais l’interprétation la plus largement répandue chez nos interlocuteurs est que Jean-Luc Martinez se venge ainsi du département des peintures qui a longtemps été celui qui a dominé le Louvre. Tout cela est réellement pathétique. Au moins la restauration du décor de cette salle promet-elle d’être spectaculaire (nous avons pu en voir des photos en cours de restauration).


5. Salles des Antiquités Grecques et Romaines au Louvre dans l’ancien appartement d’Anne d’Autriche
Photo : Didier Rykner
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6. Salles des Antiquités Grecques et Romaines au Louvre dans l’ancien appartement d’Anne d’Autriche
Photo : Didier Rykner
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D’autres travaux prévus ne sont pas seulement pathétiques, ils sont au-delà du scandaleux, car ils concernent des salles qui ont été réaménagées, d’ailleurs fort bien, entre 1997 et 2010, et qui sont toujours en excellent état et n’ont aucunement besoin de travaux. Il s’agit de celles du département des Antiquités Grecques et Romaines (ill. 5 et 6), notamment de l’ancien appartement d’Anne d’Autriche avec ses plafonds peints et sculptés respectivement par Giovanni Francesco Romanelli et Michel Anguier (ill. 7 et 8).
Nous ne connaissons pas la teneur exacte de ces travaux sur lesquels on peut réellement s’interroger. En revanche, nous connaissons son coût : 40 millions d’euros ! 40 millions d’euros pour des travaux inutiles, dix ans après la fin du précédent chantier, à une période où le Louvre est quasiment vide et doit avoir ses caisses renflouées par l’État à hauteur de 46 millions d’euros [2].


7. Salles des Antiquités Grecques et Romaines au Louvre dans l’ancien appartement d’Anne d’Autriche
Photo : Didier Rykner
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8. Salles des Antiquités Grecques et Romaines au Louvre dans l’ancien appartement d’Anne d’Autriche
Photo : Didier Rykner
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9. Plafond décoré par Giovanni Francesco Romanelli et Michel Anguier dans les anciens appartements
d’Anne d’Autriche au Louvre
Photo : Didier Rykner
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Une fois de plus, et les autres articles que nous préparons vont montrer encore d’autres graves dysfonctionnements, le Louvre de Jean-Luc Martinez se révèle un bateau ivre sans direction et sans pilote, ou plutôt avec un pilote qui ne sait pas naviguer. Combien de temps cela va-t-il encore durer ? Et combien de temps avant que nos confrères cessent de lui donner la parole sans l’interroger enfin sur son incompréhensible politique ?

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