Louvre : les travaux d’Hercule de Jean-Luc Martinez (2). Les Étrusques remplacent les bronzes grecs

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Jean-Luc Martinez est un président-directeur bâtisseur. Malheureusement pour lui, le Louvre est à peu près terminé. Il doit se contenter d’un bâtiment de réserves à Liévin, peu prestigieux et très contesté, il lui fallait donc faire quelque chose à Paris, sur le palais lui-même. S’est-il interrogé sur un emplacement à créer pour la peinture anglaise, privées d’un emplacement permanent depuis des années ? Non. Il a plutôt décidé de repeindre et de mieux éclairer la salle des États où se trouve la Joconde et la peinture vénitienne, avec les brillants résultats que l’on connaît (voir ces articles). Mais cela ne suffisait pas. il fallait encore davantage mettre sa marque sur les salles. C’est ainsi qu’il décida d’installer des salles étrusques à la place des bronzes grecs, dans la salles des bronzes (ill. 1), la salle Henri II ainsi que dans la salle des Sept Cheminées (ill. 2). Rappelons que cette dernière est particulièrement adaptée à l’accrochage de grands formats, mais les grands formats ne semblent pas vraiment intéresser Jean-Luc Martinez. Ce seront donc les étrusques qui viendront s’installer ici.


1. L’ancienne salle des bronzes grecs
vidée d’une grande partie de ses vitrines
en attente des travaux
Photo : Didier Rykner
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2. La salle des Sept Cheminées
État actuel en attente de travaux
Photo : Didier Rykner
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Les travaux ont commencé, mais ils ont été interrompus en raison du mouvement des agents de surveillance qui a entraîné la décision de déplacer la Joconde. Désormais, les travaux sont reportés en septembre et ces salles sont vides d’œuvres. Dans la salle Henri II (ill. 3), il reste encore des vitrines qui datent des années 1997-1998. Celles-ci sont miraculées : toutes devaient être envoyées à la casse, mais au dernier moment le département des Objets d’Art a réussi à en récupérer quelques-unes. Celles plus anciennes de la salle des bronzes dont l’aménagement date d’après la guerre et est dû à l’architecte Ferrand seront, elles, envoyées en réserve et seule la vitrine centrale sera conservée. Le sol en marbre (ill. 4), qui date lui aussi de l’après-guerre, sera entièrement supprimé pour être remplacé par du parquet. Nombreux sont ceux qui se demandent au Louvre à quoi riment des travaux comme ceux-ci, qui ne correspondent à aucun besoin réel, et qui vont détruire à grand frais des salles parfaitement fonctionnelles.


3. La salle Henri II vidée d’une grande partie de ses vitrines en attente des travaux
Photo : Didier Rykner
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4. Sol de marbre de la salle des bronzes
grecs destiné à disparaître
Photo : Didier Rykner
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Qu’on aime ou non le plafond de Cy Twombly (nous faisons partie de ceux, nombreux, qui ne l’aiment pas), celui-ci a été conçu pour une salle dont le sol était fait de marbre. Certes, à l’origine - on le voit dans une aquarelle de Fontaine de 1820 (ill. 5) - celui-ci était en parquet, mais tout y a changé (la hauteur n’est plus la même, le plafond non plus). Quel besoin a-t-on de remplacer un sol en marbre en bon état par du parquet pour revenir à un état qui n’a en fait jamais existé ?
Une des justifications de ces travaux [1] serait de faire passer des câbles sous le parquet. Cela ne tient pas car nous tenons de bonne source que l’installation électrique est parfaitement aux normes et que toutes les gaines nécessaires existent. L’autre explication serait de mettre en valeur les collections étrusques dont une partie est en réserves. Mais en quoi cela justifie-t-il d’envoyer en échange beaucoup de bronzes grecs dans ces mêmes réserves ? Dans les embrasures des fenêtres il y avait aussi des réserves fermées contenant environ 5000 petits bronzes, ainsi que des bijoux. Toutes ces œuvres, exposées ou non, vont être envoyées à Liévin ! La cerise sur le gâteau, c’est que toujours selon des sources internes, les collections étrusques ne sont pas suffisantes pour justifier l’occupation de ces trois salles, tandis que la salle des Colonnes (ill. 6) où vont être installés les bronzes est une belle salle d’apparat du Musée Charles X où il n’y a presque pas de place pour installer des vitrines sauf à en ruiner la qualité architecturale.


5. Pierre-François-Léonard Fontaine (1762-1853)
Ouverture de la session du Parlement par Louis XVIII au Louvre, 1820
Paris, Musée du Louvre
Aquarelle, plume, encre brune,
pierre noire - 28,3 x 28,5 cm
Photo : RMN-GP/G. Blot
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6. Louvre, salle des Colonnes
future salle des bronzes grecs
Photo : Tangopaso (domaine public)
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Ce sont les travaux d’Hercule de Jean-Luc Martinez. Il y en a d’autres prévus, tous coûteux, tous à peu près inutiles, et qui augmentent encore le nombre de salles vidées de leurs œuvres. Notons que depuis janvier la salle Daru est fermée au public pour un « chantier des collections ». Ce chantier des collections - en réalité le stockage des œuvres de la salle des États - prive ainsi le public du Sacre de David, d’Atala au tombeau de Girodet, de La Grande Odalisque d’Ingres ou encore du Serment des Horaces. Ne pouvait-on utiliser à cet effet le Salon Denon, où sont exposées beaucoup moins d’œuvres que les autres puisqu’elle abrite la boutique de souvenir (voir l’article) ? Mais il ne fallait pas priver les visiteurs, après qu’ils aient fait plus de deux heures de queue pour la voir, d’acheter leur Rubik’s Cube, leur tee-shirt ou leur mug à l’effigie de la Joconde !

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