13/6/23 - Marché de l’art - Londres et Paris - Plusieurs chefs-d’oeuvre du XVIIe seront mis aux enchères par Sotheby’s à Paris les 13 et 14 juin, mais les peintures les plus importantes, de différentes époques, seront vendues à Londres en juillet, et l’on peut actuellement les admirer dans les bureaux parisiens de la maison. Peinte vers 1490 par un artiste de Bruges, La Pentecôte est attribuée au Maître des Portraits de Baroncelli (ill. 1). L’œuvre fut acquise par Pieter Rapaert au tournant du XVIe et du XVIIe siècle et resta dans la même famille pendant plus de trois siècles, ce qui lui valut le surnom de « Pentecôte Rapaert ». Son commanditaire et sa destination restent néanmoins inconnus, et son format est relativement inhabituel. Il est d’autant plus difficile d’identifier les deux donateurs à genoux de part et d’autre de la scène, que les écussons au-dessus de la cheminée ont été effacés.
-
- 1. Maître des Portraits Baroncelli (actif à Bruges vers 1490)
La Pentecôte
Huile sur panneau - 106 x 122 cm
Sotheby’s Londres, 5 juillet 2023
Photo : Sotheby’s - Voir l´image dans sa page
La Vierge et les apôtres se tiennent dans un intérieur hollandais du XVe siècle animé de multiples détails, qui s’ouvre sur un paysage à l’arrière-plan, selon une formule qui rappelle les œuvres de Van Eyck et de Petrus Christus.
Ce tableau avait été rarement exposé au public avant son prêt au Groeningmuseum de Bruges. Son attribution a fluctué au fil des années, d’abord présenté comme une œuvre de Hans Memling, puis de Justus de Gand ou encore de Jan Mostaert. Finalement, les historiens de l’art ont proposé d’y voir la main d’un peintre actif à Bruges dans la dernière décennie du XVIe siècle, influencé par Memling et par Petrus Christus : le Maître des portraits Baroncelli, qui doit son nom aux portraits de Pierantonio Bandini Baroncelli, et de sa femme Maria Bonciani, tous les deux exposés aux Offices.
-
- 2. Pierre-Paul Rubens (1577-1640)
Saint Sébastien
Huile sur toile - 124 x 97,8 cm
Sotheby’s Londres, 5 juillet 2023
Photo : Sotheby’s - Voir l´image dans sa page
Également dans cette vente londonienne (dont nous reparlerons début juillet), un Saint Sébastien de Rubens (ill. 2). Une autre version est conservée à la Galleria Corsini de Rome, plus grande et dotée de quatre anges. Le tableau de Sotheby’s semble précéder la peinture de la Galleria Corsini, c’est ce que suggère l’imagerie scientifique, qui révèle différents repentirs.
Les deux tableaux ont été présentés côte à côté dans l’exposition de Stuttgart en 2021, une confrontation qui avait permis de montrer la supériorité du Saint Sébastien de Sotheby’s. Les historiens néanmoins ne sont pas d’accord sur sa date ni sur son lieu d’exécution. Certains y voient une œuvre italienne, réalisée vers 1606-1608, d’autres considèrent que Rubens l’a peinte à Anvers, vers 1609-1610.
On n’en connait pas d’esquisse préparatoire, mais un dessin attribué à Van Eyck dans le carnet de Chatsworth montre trois représentations de Sébastien dont l’une très proche du tableau de Rubens est peut-être une copie de celui-ci.
-
- 3. Jacques-Louis David (1748-1825)
Portrait du général Claude-Marie Meunier (1770-1846)
Huile sur toile - 73 x 60.1 cm
Vente Sotheby’s Londres, 5 juillet 2023
Photo : bbsg - Voir l´image dans sa page
Le XVIIe est également incarné par Velázquez, auteur du portrait de Monseigneur Cristoforo Segni, majordome du pape Innocent X, qu’il peignit vers 1650, lors de son deuxième voyage à Rome, probablement avec la collaboration de Pietro Martire Neri.
Enfin, le XIXe siècle est magnifiquement représenté par un portrait de Jacques-Louis David, celui du du général Claude Marie Meunier, peint vers 1812 (ill. 3). Il s’agit du gendre du peintre, mari de sa fille Émilie dont l’effigie se trouve quant à elle au Fine Arts Museum de San Francisco. David réalisa ainsi plusieurs portraits de famille entre 1810 et 1813 environ. Il représenta la sœur jumelle d’Émilie, Pauline, et le mari de celle-ci, Jean-Baptiste Jeanin qui embrassa lui-aussi une carrière militaire ; ces deux tableaux sont conservés l’un dans la Collection Oskar Reinhart à Winterthur, et l’autre dans une collection particulière. Le portrait de l’épouse de David, Marguerite-Charlotte Pécoul est visible à la National Gallery of Art de Washington.
-
- 4. Giovanni Francesco Barbieri, dit Le Guerchin (1591-1666)
Saint Jérôme pénitent
Huile sur toile - 118 x 102 cm
Sotheby’s Paris 13 juin 2023
Photo : Sotheby’s - Voir l´image dans sa page
À Paris, plusieurs peintures du XVIIe siècle italien sont proposées, notamment l’une des compositions les plus connues du Vénitien Carlo Saraceni, Judith et Holopherne, dont cinq versions autographes sont connues ainsi que des copies d’atelier ou tardives.
Du Guerchin, deux versions de Saint Jérôme son aujourd’hui identifiées, celle de Sotheby’s (ill. 4) et une autre détenue par un collectionneur américain. Le saint est présenté à mi-corps, contrairement au tableau de l’église Saint-Thomas d’Aquin à Paris, où il est vu en pied, esquissant malgré tout un mouvement similaire, se retournant dans un cas vers la croix, dans l’autre vers la Vierge.
-
- 5. Luca Giordano (1634-1705)
Saint Barthélemy
Huile sur toile - 136 x 99,4 cm
Vente Sotheby’s Paris, 13 juin 2023
Photo : Sotheby’s - Voir l´image dans sa page
Dans la même vente, un autre saint moins extatique, Barthélemy, est peint par Luca Giordano (ill. 5). Cette œuvre de jeunesse témoigne de l’importance de Ribera pour le peintre napolitain qui s’imprégna de l’art du Caravage par son intermédiaire, du moins dans la première partie de sa carrière. L’exposition du musée de Montpellier, consacrée à l’Âge d’or de la peinture à Naples, illustrait ces différentes influences (voir l’article). Rien ne souligne la sainteté du personnage, sinon l’instrument de son martyre, le couteau qui va l’écorcher vif. Ce tableau est dans la même veine que les peintures de philosophes réalisées par Giordano, par Ribera également, qu’on avait pu voir à Lille dans une exposition intitulée « Portraits de la pensée » (voir l’article).
-
- 6. Nicolas Mignard (1606-1668)
Angélique et Médor, 1639
Huile sur toile - 87,2 x 75,7 cm
Vente Sotheby’s Paris, 13 juin 2023
Photo : Sotheby’s - Voir l´image dans sa page
Du XVIIe français, une composition de Nicolas Mignard fut peinte en 1639 alors qu’il se trouvait à Avignon, après son second séjour à Rome (ill. 6). Elle témoigne clairement de l’influence de Nicolas Poussin que l’artiste côtoya en Italie. Le peintre a puisé son sujet dans le Roland furieux de l’Arioste, et met en scène Angélique et Médor. La princesse orientale païenne soigna le beau soldat sarrasin blessé par une flèche. Ils furent par la suite recueillis par des bergers et purent laisser libre cours à leur amour. Mignard choisit le passage où le jeune homme grave leurs initiales entrelacées : « Parmi tant de plaisirs, là où Médor voyait un bel arbre ombrager source ou pur ruisseau, il enfonçait dedans quelque pointe ou couteau, et aussi dans un roc moins dur, s’il s’en trouvait ; et dehors en mille endroits était écrit, de même en mille endroits sur les murs de la maison, « Angélique et Médor », de diverses manières ensemble entrelacés par des noeuds différents ».
-
- 7. Henri Lehmann (1814-1882)
Vierge à l’Enfant
Huile sur toile - 92 x 64,7 cm
Vente Sotheby’s Paris, 14 juin 2023
Photo : bbsg - Voir l´image dans sa page
Le XIXe enfin, est représenté par deux tableaux de Gérôme, Nyssia et le Tigre à l’affût qu’on avait pu admirer à Paris Fine Arts Paris en 2019 chez Arnaud Charvet ; une composition directement liée à la peinture conservée au Musée de Houston. Enfin, une très belleVierge à l’Enfant de Henri Lehmann témoigne de son admiration pour la Renaissance italienne, lui qui passa par l’atelier d’Ingres (ill. 7).