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Comment s’échapper d’un musée ?

1. La Conciergerie de Paris
Ancienne cellule de la Révolution
Photo : Conciergerie
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S’il est possible de mourir d’ennui, alors il est temps de pointer du doigt une cause de mortalité préoccupante : les monuments et les musées. Heureusement, certains d’entre eux ont pris conscience de la menace qu’ils représentent ; craignant d’être mortellement assommants, ils tentent d’y remédier en se métamorphosant en lieux ludiques et con(viviaux).

C’est ainsi que le Centre des Monuments Nationaux se gargarise de proposer, cette année encore, une Murder Party à la Conciergerie de Paris (ill. 1). Qu’est-ce qu’une Murder Party (ou «Fête du Meurtre») ? C’est un jeu de rôle qui consiste à mener une enquête policière pour résoudre un meurtre. « Pendant 90 minutes, les participants se glisseront dans la peau de brillantes recrues de la Police judiciaire pour résoudre le mystère suite à la découverte d’un corps dans l’une des anciennes cellules de la Révolution ».
Deux questions taraudent les lecteurs de cet alléchant programme : primo, les nuls peuvent-ils intégrer ces «brillantes recrues» ? Oui. Qu’ils se rassurent, quelques indices sont soufflés aux esprits les plus laborieux. Secundo, pourquoi se glisser dans la peau de policiers du XXIe siècle plutôt que dans le costume - moins anachronique et sans doute plus aéré - d’un sans-culotte [1] ? Parce que la télévision est une référence plus séduisante que l’Histoire. Vous aurez ainsi le sentiment d’être l’acteur de l’une de ces innombrables séries diffusées sur la plupart des chaînes, Les Experts, R.I.S. police scientifique, Section de recherches, Cold case... Elles suivent toutes la même trame, relativement simple : un meurtre a eu lieu. Un coupable un peu trop idéal passe et repasse devant l’écran. Mais oh surprise, le méchant se révèle être un autre. Il est arrêté. Le Bien triomphe. Fin.
Pourquoi l’histoire du Palais de la Cité - qui fut résidence des rois du Xe au XIVe siècle, et prison révolutionnaire - n’est-elle pas racontée telle quelle ? Marquée par de multiples rebondissements et des personnages hauts en couleur, elle a pourtant de quoi captiver un auditoire. Sans doute est-elle trop compliquée, il ne faudrait pas ennuyer le visiteur avec des détails.

On ne cesse de parler de la nécessité de démocratiser la culture, d’ouvrir les musées et les monuments au plus grand nombre, d’encourager les gens à en franchir le seuil… Mais une fois qu’ils sont entrés, on détourne leur attention. On leur suggère d’oublier où ils sont, de ne pas regarder ce qui les entoure. Comme si les visiteurs d’un zoo étaient d’abord invités à s’accroupir pour observer des pigeons.
C’est étrange, tout de même, que des personnes censées étudier, conserver et valoriser des œuvres d’art aient peur qu’elles n’intéressent pas suffisamment le public. Ou bien est-ce le public qui est jugé incapable de les regarder ? Alors on l’éduque par le jeu. Entre deux devinettes, on insère subrepticement…

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