Les fragments du jubé de Notre-Dame enfin révélés

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1. France, début du XIIIe siècle
Torse drapé
(Fragment du jubé de Notre-Dame)
Pierre calcaire polychrome
Photo : Didier Rykner
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Au mois de juillet dernier, nous avions écrit un article sur « l’obstruction de l’INRAP » qui ne voulait pas donner accès aux fragments de sculptures du jubé de la cathédrale découverts à l’occasion des fouilles préventives à la croisée du transept. Il est dommage que cet institut ne nous ait pas alors précisé les raisons liées à ce refus. Car comme nous l’a dit le responsable des fouilles aujourd’hui même, à l’occasion de la première présentation de ces œuvres à la presse, en présence de la ministre de la Culture Rachida Dati, il y avait de bonnes raisons à cela, liées à leur conservation préventive, ce que nous envisagions alors mais qui ne nous avait jamais été confirmé par l’INRAP. En réalité, ces œuvres à la polychromie très fragile ne pouvaient, avant d’avoir été étudiées, être manipulées pour être montrées. Si tel est toujours le cas - leur restauration consistant à fixer cette polychromie doit bientôt commencer [1] - il est désormais possible d’en montrer l’essentiel.


2. France, début du XIIIe siècle
Tête
(Fragment du jubé de Notre-Dame)
Pierre calcaire polychrome
Photo : Didier Rykner
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3. France, début du XIIIe siècle
Tête
(Fragment du jubé de Notre-Dame)
Pierre calcaire polychrome
Photo : Didier Rykner
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Et comme nous pouvions nous y attendre, le résultat est éblouissant. Parmi les pas moins de 1035 fragments retrouvés de taille diverse, dont 700 présentent une polychromie parfois très bien conservée, certains sont d’une qualité telle qu’on peut affirmer sans exagérer qu’il s’agit d’œuvres parmi les plus exceptionnelles de la sculpture mondiale, toutes époques confondues.
Nous avons d’ailleurs reconnu parmi les pièces auxquelles nous avons pu avoir accès quelques-unes de celles qui se trouvaient encore dans le sol lors de notre visite du chantier de fouille (voir la brève du 25/3/22). Ainsi de cette figure drapée (ill. 1) ou de cette tête (ill. 2), dont la polychromie, est encore bien conservée sur toute la surface, jusqu’aux pupilles des yeux peintes en bleu. Il est rare, voire unique, de contempler des sculptures du début du XIIIe siècle dans un un si bon état de conservation.


4. France, début du XIIIe siècle
Christ portant sa croix
(fragment du jubé de Notre-Dame)
Pierre calcaire polychrome
Photo : Didier Rykner
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5. France, début du XIIIe siècle
Frise végétale et éléments d’architecture
(fragment du jubé de Notre-Dame)
Pierre calcaire polychrome
Photo : Didier Rykner
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Nous reproduisons ici quelques-unes des plus belles œuvres que nous avons pu admirer dans ce bâtiment, situés dans un lieu dont l’adresse est logiquement maintenue secrète, dans la région parisienne. Il conserve également - mais nous n’avons pas pu les voir, car cela nécessite une procédure assez lourde en raison de la pollution au plomb - tous les vestiges de la charpente (pas moins de 15 000 fragments) et des pierres calcinées retrouvées après l’incendie et minutieusement répertoriés pour être étudiés.


6. France, début du XIIIe siècle
Personnage (les doigts du pied sont sculptés alors qu’ils n’étaient pas visibles)
(fragment du jubé de Notre-Dame)
Pierre calcaire polychrome
Photo : Didier Rykner
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7. Stockage provisoire d’éléments du jubé
Photo : Didier Rykner
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Si les plus gros fragments sont visibles dans des caisses (ill. 7), d’autres plus petits sont conservés dans des boites stockées soigneusement sur des étagères (ill. 8). Il est pour l’instant impossible de les toucher et de les manipuler, et nous ne pouvons donc que deviner certaines des merveilles qui s’y trouvent. Tous les éléments gardant des traces de polychromie seront traités afin de stabiliser cette couche picturale, et tous seront numérisés afin d’aider à la reconstitution virtuelle la plus fidèle possible du jubé, ce qui devrait également aider à la présentation muséographique au musée de l’Œuvre.


8. Stockage provisoire d’éléments du jubé
Photo : Didier Rykner
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9. France, début du XIIIe siècle
Éléments d’architecture
(fragment du jubé de Notre-Dame)
Pierre calcaire polychrome
Photo : Didier Rykner
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9. France, début du XIIIe siècle
Tête
(Fragment du jubé de Notre-Dame)
Pierre calcaire polychrome
Photo : Didier Rykner
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Cela amène nécessairement à la question de la poursuite des fouilles du côté du chœur, où l’on sait que d’autres parties du jubé sont très certainement encore enfouies. Nous avons déjà à plusieurs reprises abordé cette question, sans que la position du ministère de la Culture et du président de la République ne bouge pour l’instant d’un pouce. Ils refusent inexplicablement que le chantier puisse continuer en dehors des opérations de sauvetage. Une position incompréhensible : on dispose en effet à la fois de l’opportunité et du financement nécessaire, et rien n’empêcherait que les travaux puissent se poursuivre en même temps que la cathédrale serait ouverte au public. Il suffirait de déplacer le nouvel autel vers l’ouest afin que les messes puissent se dérouler normalement, tout en confinant le chœur, si nécessaire derrière une enceinte transparente qui permettrait à tous les visiteurs de voir les fouilles en cours. Un tel chantier durerait peut-être de six mois à un an. Et permettrait de trouver d’autres sculptures de la même qualité.


10. France, début du XIIIe siècle
Pieds
(Fragment du jubé de Notre-Dame)
Pierre calcaire polychrome
Photo : Didier Rykner
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11. France, début du XIIIe siècle
Éléments décoratifs végétaux
(Fragment du jubé de Notre-Dame)
Pierre calcaire polychrome
Photo : Didier Rykner
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Non seulement cela n’est pas prévu, mais les agents de l’INRAP ont interdiction de parler de ce sujet, ce qui est proprement incroyable. Redisons-le, et les photographies sont là pour le démontrer : il serait impardonnable de laisser dans le sol de la cathédrale de telles splendeurs. Les fouilles doivent se poursuivre.

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