Wintzenheim, un nouveau vandalisme en perspective ?

1. Wintzenheim
A gauche, l’église Notre-Dame de l’Assomption
A droite, la chapelle Herzog
D’après une carte postale ancienne
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La commune alsacienne de Wintzenheim, proche de Colmar, s’était déjà tristement faite remarquer il y a quelques mois en saccageant les sculptures extérieures de la chapelle Hertzog (voir article). Construction néogothique édifiée entre 1860 et 1862, elle était pourtant inscrite comme Monument historique... ce qui ne semble pas avoir perturbé outre mesure la DRAC d’Alsace (voir article) !

Or, voici qu’un autre édifice religieux fait parler de lui à Wintzenheim : Notre-Dame de l’Assomption de Logelbach dont des éléments du clocher se sont récemment effondrés sur le parvis.
Construite entre 1925 et 1927 à proximité immédiate de la chapelle Herzog (ill. 1), ce bâtiment est particulièrement remarquable. Il s’agit de la première utilisation du béton armé pour un église en Alsace et du deuxième exemple de ce type de construction en France, juste après Notre-Dame du Raincy.
Le temps et les intempéries, comme l’absence d’entretien, ont progressivement eu raison de la solidité des parties hautes qui aujourd’hui s’effritent dangereusement. A ce propos, on ne soulignera jamais assez que c’est en inspectant régulièrement les édifices que l’on peut prévenir les risques plutôt que de guérir les accidents... on connaît depuis longtemps les faiblesses du béton dans la construction ! Toujours est-il qu’il incombe aujourd’hui à la commune, qui a fait interdire l’accès au site, de régler le problème. On peut donc craindre le pire.


2. Wintzenheim
Eglise Notre-Dame de l’Assomption
Le maire souhaite supprimer les deux
derniers étages et non les restaurer
Photo : D. R.
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Le maire, Serge Nicole, a d’ores et déjà prévenu que les deux derniers étages du clocher (ill. 2) devrait être supprimés, qu’une reconstitution à l’identique ne serait pas forcément le choix retenu et qu’il fallait s’habituer à la nouvelle silhouette de l’église : « J’ai dit aux fidèles qu’il fallait tout doucement se préparer à l’idée de ne plus voir ces deux tourelles [1] » ! Le 18 octobre dernier, on pouvait lire dans Les Dernières Nouvelles d’Alsace : « "Nous attendons un diagnostic de stabilité afin de trouver une solution à moyen terme", indiquait le maire. "Elle est en train de s’écrouler mais là personne ne s’en soucie !", ajoutait-il un peu remonté par les multiples critiques formulées à son égard sur sa gestion du dossier de la chapelle Herzog. » Serge Nicole devrait donc être heureux de notre article qui prouve que contrairement à ce qu’il pense, certains s’y intéressent. Rappelons-lui à cette occasion que le premier à devoir s’en occuper est celui qui a la charge de ce patrimoine, c’est-à-dire lui et la commune puisque cette église appartient à la ville depuis 1992.
Peut-on imaginer la décapitation du clocher ? Cela ruinerait complètement la silhouette de l’édifice et son intégrité historique et artistique. D’après des témoins, lors de la dernière réunion publique, il n’était question que de sécurité, d’expertise, de coût, jamais de l’intérêt du monument et du respect de son intégrité. Décidément, pour le maire de Wintzenheim, il n’est possible de restaurer un monument qu’en le vandalisant. On imagine l’état du patrimoine français si ce type de personne avait été en charge des affaires depuis deux siècles.

Cette église n’est pas protégée au titre des monuments historiques, ce qui est un scandale au regard de son importance et qui démontre une fois de plus l’absurdité de l’affirmation par Michel Clément, directeur du patrimoine, qu’en France tout ce qui mérite d’être protégé l’est. Seule la DRAC semble pouvoir intervenir désormais. D’après le procès-verbal des délibérations du conseil municipal en date du 25 septembre 2009, celle-ci a proposé le classement à la mairie. La DRAC donc prendre ses responsabilités et engager d’urgence une action de classement d’office qui interdirait pendant un an toute action irréversible de la mairie, puis faire établir un diagnostic par l’ABF assisté du LRMH (Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques) ou d’un établissement habilité pour le patrimoine béton [2], et enfin transmettre à la commune les éléments nécessaires au cahier des charges pour procéder à une restauration digne et respectueuse.

Une fois de plus, un important édifice Art Déco est menacé. Comment l’Etat pourrait-il rechigner à subventionner un tel chantier alors que de toute part il célèbre - à raison - le « Patrimoine XXème ». Contrairement à la chapelle Herzog où la DRAC n’a pu que constater les dégâts, les intentions du maire sont à l’encontre de la clairement affichées. Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas.

English version

* « Un fonctionnaire ayant souhaité garder l’anonymat en raison du devoir de réserve dont l’interprétation extensive du ministère de la culture a pour but exclusif de museler son personnel. »

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