Vandalisme avéré à l’Opéra

Trois loges sans leurs cloisons
Photo : Didier Rykner
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14/12/15 - Patrimoine - Opéra de Paris - Mentir, ce n’est pas bien. Mentir à La Tribune de l’Art, ce n’est pas très malin car nous n’avons pas pour habitude de laisser passer cela. Mentir devant un tribunal administratif, c’est franchement très bête… C’est pourtant ce que vient de faire l’Opéra de Paris comme nous le présentions dans une brève récente. Lors de l’audience qui se tenait aujourd’hui devant le tribunal administratif de Paris, où la SPPEF demandait, en référé, l’annulation de l’autorisation donnée par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) à l’Opéra [1], une scène surréaliste s’est déroulée. Alors que la présidente demandait à plusieurs reprises avec insistance : « j’aimerais savoir ce que sont devenues les cloisons », l’avocat de l’Opéra a fini par répondre, un peu embarrassé : « Je crois pouvoir vous dire qu’elles ont été détruites. » Il s’est alors tourné vers le conservateur régional des monuments historiques, Dominique Cerclet, et vers le directeur des travaux de l’Opéra de Paris qui se sont contentés de regarder penauds le bout de leurs chaussures.

Les cloisons ont donc bien été détruites comme nous l’affirmions avec prudence dans notre précédente brève. Certaines, en dur, ont été démolies à la masse, d’autres ont été jetées à la benne, seul un quart environ a été sauvé. Rappelons que l’avocat de l’Opéra avait dit exactement le contraire à trois reprises lors de la précédente audience en référé, ce qui avait été repris dans les attendus du jugement et avait d’ailleurs joué dans la décision finale.

L’Opéra confirme donc qu’il a vandalisé un monument classé. C’est extrêmement grave, évidemment. Il l’a d’ailleurs vandalisé sans l’autorisation de la DRAC car, aussi incroyable que cela paraisse, celle-ci aurait pu donner l’autorisation d’effectuer ces travaux. D’ailleurs, elle l’a donnée, au moins partiellement, deux jours avant le premier référé. Normalement, le ministère de la Culture devrait être là pour protéger les monuments historiques. En Île-de-France, manifestement, c’est parfois l’inverse. Et lorsque l’on entend les arguments employés par Dominique Cerclet, on a parfois froid dans le dos. Celui-ci a en effet osé dire que ce combat contre la suppression des loges rejoignait « le combat contre Chagall et l’art dégénéré ». Qui parlait d’art dégénéré, sinon les Nazis ? Les opposants à la dénaturation de l’Opéra sont donc comme les Nazis.
Les insultes sont manifestement tout ce qui reste à Dominique Cerclet, car les arguments lui manquent un peu. Alors qu’il montrait au tribunal des photos du prototype déplié, et que Julien Lacaze, vice-président de la SPPEF, faisait remarquer au tribunal qu’il s’agirait « au mieux de l’état que présenterait la salle à mi-temps », le conservateur régional répliquait : « je ne préjuge pas de l’usage de l’Opéra ». Donc, en gros, celui qui donne l’autorisation des travaux se lave les mains de la manière dont le dispositif sera utilisé. Les cloisons pourraient être enlevées en permanence, cela ne gênerait pas Dominique Cerclet, qui s’en lave les mains et « ne préjuge pas de l’usage de l’Opéra ». Il n’est là que pour donner l’autorisation, et après lui le déluge.

Signalons que la SPPEF songe très sérieusement aux suites pénales à apporter à cette affaire. Il n’est pas certain que le vandalisme sur monument historique classé, même réalisé sous les yeux et avec l’assentiment tacite de la DRAC, puisse bénéficier d’une complète impunité.

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