Une réunion de « concertation » sur les Serres d’Auteuil

Anne Hidalgo et Claude Goasguen lors
de la réunion de "concertation"
Photo : www.paris16info.org
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Il est toujours fascinant d’assister à des réunions de « concertation » menées par la Mairie de Paris. Celle qui était organisée le 29 juin dernier à la Mairie du XVIe arrondissement était obligatoire puisqu’il s’agit de modifier, une fois de plus, le PLU, pour permettre la réalisation des projets urbanistiques de Bertrand Delanoë. Il s’agit d’un de ses exercices favoris. Le PLU d’origine était-il si mal conçu qu’il faille à chaque fois le changer ? Toujours est-il qu’il est prévu, dans ce processus, des réunions de concertation avec les habitants et la mise à la disposition du public d’un registre où celui-ci pourra faire ses observations. Bien entendu, la concertation a eu lieu à la veille des départs en vacances et l’enquête au mois de juillet, ce qui limitera forcément la possibilité de s’exprimer à ceux qui sont en congés à cette période. Et la concertation, comme l’a déploré une conseillère municipale présente dans le public, est réduite à sa plus mince expression. Il s’agissait surtout pour la Mairie de Paris, représentée notamment par Anne Hidalgo l’adjointe à l’urbanisme, et la Fédération Française de Tennis, de vendre leur projet, en utilisant le discours habituel dont nous avons ici maintes fois démontré les mensonges [1] .

Malgré cela, la salle des Mariages était comble et l’ambiance particulièrement électrique, les élus se faisant huer plus souvent qu’à leur tour par une foule pratiquement entièrement acquise aux opposants. Rares étaient ceux, dans l’assistance, qui croyaient aux déclarations d’amour envers les serres d’Auteuil que proféraient tour à tour non seulement Anne Hidalgo mais aussi Claude Goasguen, le maire du XVIe arrondissement, UMP, dans une union sacrée très émouvante. Pourtant, chacun sait (et une dame dans le public l’a rappelé) que ce dernier était au départ très opposé à la destruction programmée du jardin des Serres d’Auteuil qu’entrainera le projet. Mais entre temps, la consigne, venant du plus haut niveau de l’Etat, s’est imposée : sur le XVIe arrondissement, il est hors de question de s’opposer à Bertrand Delanoë. Il n’est donc pas étonnant que le Conseil de Paris ait voté comme un seul homme, à quelques exceptions près (dont celle d’Yves Contassot qui était d’ailleurs présent à cette réunion de concertation) l’extension de Roland-Garros sur le jardin des Serres.

Il est inutile de détailler les arguments en présence, nous renvoyons le lecteur à nos précédentes analyses, notamment à celle-ci et à celle-là. On notera cependant quatre points :

 l’intervention remarquée de Marc Barbaud qui, jusqu’au mois de mai, dirigeait le jardin et qui a réaffirmé son opposition au projet comme il l’avait déjà fait dans les colonnes de Ouest-France (voir ici) où il affirmait notamment : « Ces serres sont adaptées aux familles de plantes, à leur taille, leur volume d’air, leur luminosité. Les déménager, c’est en perdre à coup sûr une immense partie ». A son intervention, Anne Hidalgo a seulement su répondre qu’il n’était pas au courant de la situation actuelle du jardin. Qu’il a quitté il y a quelques semaines seulement ! Pour reprendre l’une des phrases préférées d’Anne Hidalgo (qu’elle utilise pour affirmer les pires contre-vérités) : « Les faits sont têtus ».

 le témoignage d’un ancien adjoint au maire chargé de l’urbanisme entre 1983 et 1989 qui a affirmé qu’au moment de la précédente extension de Roland-Garros, Philippe Chatrier, l’ancien président de la FFT aujourd’hui décédé, s’était engagé devant lui solennellement à ce que celle-ci soit la dernière dans ces lieux. « J’ai du mal à croire maintenant aux promesses de la FFT et de la Mairie de Paris » a-t-il affirmé. On le comprend. D’autant que ses affirmations sont corroborées par un document officiel que nous avions publié, l’avis du commissaire-enquêteur qui donnait son accord à la condition d’ « un engagement solennel de la Ville de Paris de ne pas permettre de s’étendre sur les serres et le square des Poètes ». Les faits sont têtus.

 la confusion volontairement entretenue par Anne Hidalgo entre la couverture du périphérique, solution alternative crédible qui permettrait de conserver Roland-Garros à Paris sans annexer les serres, et la couverture de la bretelle de l’autoroute A13, bien plus coûteuse [Confusion si bien entretenue que nous nous y sommes laissé prendre : il s’agit de l’inverse, la couverture de l’A13 étant la bonne solution et d’un coût réduit.]. Selon Anne Hidalgo, la couverture du périphérique s’élèverait donc au bas mot à 550 millions d’euros. On aimerait savoir alors pourquoi la même opération n’a coûté que 85 millions d’euros en 2005-2007 pour la Porte des Lilas (lire ici) et 58 millions pour la Porte de Vanves (lire ici). Les faits sont têtus.

 l’aveu de Régine Engström, directrice des Espaces Verts et de l’Environnement à la Mairie de Paris, qui explique désormais que les collections de plantes vont être « recomposées ». Résumons : la surface des serres chaudes va être réduite de 2300 à 1200 m2, aucune surface n’est actuellement disponible pour abriter celles qui ne pourront rester sur le site dans le jardin botanique de Vincennes, aucun budget n’est prévu pour construire de nouvelles serres, nul ne sait ce qu’elles deviendront pendant les travaux ni comment elles survivront à ces multiples déplacements, et de toute façon, les collections seront « recomposées ». Sans qu’aucune plante ne soit détruite comme l’a répété Anne Hidalgo contre toute évidence. Les faits sont têtus.

Pour conclure, signalons un point que cette réunion n’a pas abordé et qui commence seulement à être connu. Le projet de convention que la Ville de Paris va signer avec la FFT prévoit, « en cas de blocage irrémédiable et définitif du projet de modernisation » (en gros, si les associations obtiennent gain de cause et font échouer ce projet), le paiement d’indemnités colossales (20 millions d’euros, plus le montant des frais engagés par la FFT). Voilà l’un des héritages que Bertrand Delanoë menace ainsi de laisser à son ou à ses successeurs (à l’horizon 2020...). Et en tout cas aux Parisiens.

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