Une nouvelle proposition d’attribution pour la Sainte Cécile de Dulwich

1. Ici attribué à Alessandro Turchi,
dit L’Orbetto (1578-1649)
Sainte Cécile
Huile sur toile - 173,5 x 126,7 cm
Dulwich, Picture Gallery
Photo : Dulwich Picture Gallery
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La révélation récente de la Sainte Cécile récemment restaurée de la Dulwich Picture Gallery (ill. 1) a soulevé beaucoup d’intérêt en raison de son attribution incertaine. « La Dulwich Picture Gallery sauve la Sainte Cécile de la ruine – mais qui l’a peinte ? : alors que le tableau baroque retrouvé est exposée à la suite des travaux de restaurations, la chasse à son auteur commence » fut, par exemple, l’accroche théâtrale de l’article de Mark Brown dans The Guardian (29/12/11). La peinture est décrite, plus timidement, dans le communiqué de presse du musée comme « un bel exemple de l’école bolonaise baroque du XVIIe siècle, peinte par un artiste du cercle des Carrache ». Des attributions à Francesco Guarino [1] et, dans La Tribune de l’Art, à Carlo Bononi (voir l’article), ont déjà été suggérées. J’aimerais, cependant, proposer un autre nom.

La plus frappante caractéristique de cette peinture est sa riche gamme colorée de vert, de rouge, de jaune et de mauve. Celle-ci est typique de l’œuvre d’Alessandro Turchi, dit l’Orbetto, particulièrement dans la juxtaposition du rouge et du vert, qui est un signe distinctif des œuvres tardives de cet artiste.


2. Alessandro Turchi, dit L’Orbetto (1578-1649)
La Mort de Cléopâtre
Huile sur toile - 255 x 267 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : D. R.
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Alessandro Turchi est né à Vérone en 1578 et son développement artistique a été complexe avant qu’il ne s’installe finalement à Rome en 1614. Ses œuvres de jeunesse font écho à Véronèse et à la tradition maniériste lombarde, tandis que son style de la maturité montre l’influence de l’école bolonaise, en particulier de Guido Reni et du Guerchin, et se distingue par sa palette riche, aux tons véronésiens. A Rome, il collabora avec Carlo Saraceni et Giovanni Lanfranco au décor de la Sala Regia du Palais du Quirinal, tout en recevant des commandes d’autels et de peintures de cabinet, entre autres, de Scipion Borghèse, de Cassiano dal Pozzo, et des familles Aldobrandini et Barberini. Son élection en 1637 comme Prince de l’Académie de Saint-Luc témoigne de sa position prédominante dans les cercles artistiques romains. Sa réputation hors d’Italie se mesure à la présence de ses œuvres dans les collections du cardinal de Richelieu et par la commande par Louis Phélypeaux de La Vrillière d’une peinture pour la galerie de son Hôtel de la Vrillière, un ensemble décoratif qui incluait aussi des œuvres de Guido Reni, Guerchin, Nicolas Poussin et Pierre de Cortone [2]. La contribution de Turchi, La Mort de Cléopâtre (1640), (ill. 2), un de ses tableaux les plus importants et les mieux connus, montre la même riche combinaison de couleurs que la Sainte Cécile de Dulwich.


3. Alessandro Turchi, dit L’Orbetto (1578-1649)
La mort de Cléôpâtre
Huile sur toile – 128 x 98 cm
Collection particulière
Photo : D. R.
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4. Alessandro Turchi, dit L’Orbetto (1578-1649)
Sainte Cécile
Huile sur toile - 133 x 104 cm
Collection particulière
Photo : D. R.
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De plus, le traitement des draperies volumineuses de ce dernier tableau renvoie également à d’autres œuvres tardives de Tuchi, telle qu’une petite Mort de Cléopâtre, une autre Sainte Cécile et le Saint Jean l’Evangéliste récemment attribué (ill. 3 à 5). La manière de faire les sourcils est aussi un autre trait distinctif comme on peut le voir en comparant la tête de Cléopâtre (ill. 6) à celle de la Sainte Cécile de la Dulwich.


5. Alessandro Turchi, dit L’Orbetto (1578-1649)
Saint Jean l’Evangéliste
Huile sur toile - 97,7 x 72,3 cm
Paris, Galerie Maurizio Nobile
Photo : Galerie Maurizio Nobile
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6. Alessandro Turchi, dit L’Orbetto (1578-1649)
La mort de Cléôpâtre, détail
Huile sur toile – 128 x 98 cm
Collection particulière
Photo : D. R.
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English version

Chris Michaelides

P.-S.

Précisons que j’ai tenu à publier les deux articles attribuant cette peinture pour l’un à Bononi et pour l’autre à Turchi. Mais personnellement, je pense plutôt, comme d’ailleurs Franco Moro, Patrice Marandel et Anchise Tempestini notamment, qui ont exprimée leur opinion sur la page Facebook du Connoisseur, que la bonne attribution est Carlo Bononi.

Didier Rykner

Notes

[1« This week’s art diary », The Guardian, 3 janvier 2012. La suggestion a été faite par John Spike mais la réponse du musée a été : « C’est une bonne théorie […] bien que […] l’œuvre pourrait ne pas être tout à fait assez bonne pour être un Guarino. »

[2Pour une recension des œuvres de Turchi dans les collections françaises au XVIIe siècle, voir Nicolette Mandarano, « Dipinti di Alessandro Turchi nelle collezioni parigine negli anni Trenta e Quaranta del Seicento », in Rome-Paris, 1640, sous la direction de Marc Bayard, Rome, Académie de France à Rome, 2010. Voir aussi : Alessandro Turchi, detto L’Orbetto, 1578-1649, a cura di Daniela Scaglietti Kelescian, Milan, Electa, 1999.

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