Une entrée du XVIIIe siècle des catacombes menacée de destruction

1. Vue de l’intérieur de l’ancienne
entrée des catacombes
(état 9/8/17)
Photo : Didier Rykner
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Un scandale patrimonial menace, à nouveau, d’impliquer la Ville de Paris.
Lors du chantier préparant le futur musée du général Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris - Musée Jean Moulin qui sera installé dans la barrière d’octroi de Claude-Nicolas Ledoux, place Denfert-Rochereau, les ouvriers sont tombés sur une découverte inattendue, mais à laquelle on pouvait tout de même s’attendre ! Il s’agit en effet d’un kiosque en pierre de taille construit par Charles-Axel Guillaumot, architecte du roi et créateur des catacombes, qui se trouvait au-dessus d’un escalier d’accès à l’ossuaire municipal (ill. 1). Cette construction était encastrée dans des adjonctions modernes et n’était plus utilisée depuis le début des années 1980, lorsqu’une nouvelle entrée des catacombes, près de l’autre bâtiment de Ledoux, avait été construite. On s’interroge pour savoir comment on avait pu ainsi oublier l’existence de cet édifice en si peu d’années, et comment celui-ci n’avait jamais sérieusement été répertorié ni étudié.

Cet édicule a été construit en 1799 à côté des barrières d’octroi de Claude-Nicolas Ledoux et probablement en lien avec lui (les deux architectes se connaissaient). On peut distinguer, sous un revêtement moderne de plâtre, le mot « Catacombes » inscrit sur le linteau (ill. 2). L’intérieur est simple, en pierre de taille, et un oculus assure l’éclairage par l’arrière. On peut voir sur le mur du fond une inscription (ill. 3) donnant la profondeur de l’escalier, soit 58 pieds et 11 pouces, qui a par la suite été traduite en mètres, soit 19,1322 mètres. La même inscription se trouve en bas de l’escalier. Le tout est encore enchâssé sur la partie gauche dans les constructions plus récentes (ill. 4) qui en avaient fait oublier jusqu’à l’existence, tandis que la partie droite est presque entièrement dégagée (ill. 5).


2. Inscription « CATACOMBES » sur le linteau, en grande
partie encore recouverte de plâtre
Photo : Didier Rykner
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3. Inscription de la profondeur sur le mur du fond
Photo : Didier Rykner
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Les travaux, à l’origine, prévoyaient la destruction de l’ensemble, l’architecte n’ayant pas vu qu’il conservait des éléments anciens ! Dès la découverte effectuée, le chantier a été très heureusement arrêté jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur la destruction ou la conservation de l’édifice notamment par la directrice du Musée Carnavalet, Valérie Guillaume et Delphine Lévy, directrice de Paris-Musées. Or, cette décision, qui nous a été communiquée ce soir par Paris-Musées, n’est en aucun cas satisfaisante. Nous vous la livrons telle quelle :

« Dans le cadre des travaux de relocalisation du musée de la Libération dans le pavillon Ledoux Ouest, Place Denfert Rochereau, menés par la Ville de Paris pour le compte de Paris Musées, des travaux de démolition ont mis à jour l’ancienne entrée des Catacombes. Constituée de murs en pierre de taille, deux inscriptions ont été découvertes, l’une apparaissant partiellement sur le linteau de la porte d’entrée (cette inscription, en partie recouverte d’enduit, semble indique le mot « Catacombes »), l’autre sur une pierre du fond de l’édicule, précise la profondeur du niveau des catacombes.
En accord avec l’architecte en chef des monuments historiques missionné pour l’opération, qui a émis un avis dès la découverte de ces inscriptions, et la directrice du musée Carnavalet, conservatrice en chef, responsable du site des Catacombes, des précautions ont été prises pour déposer l’ensemble des pierres de tailles constituant le linteau avec inscription du mot Catacombes, le mur avec inscription de la profondeur ainsi que le mur faisant la liaison. Des précautions sont prises également pour leur stockage et conservation pendant la durée du chantier
Paris Musées et les services de la Ville de Paris ont demandé à l’architecte et à la scénographe missionnés pour l’opération, d’étudier la mise en valeur de ces éléments afin de les relocaliser dans le cadre du projet.
 »


4. Vue de l’extérieur de l’entrée des catacombes, côté gauche,
recouverte de matériaux modernes (état 9/8/17)
Photo : Didier Rykner
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5. Vue de l’extérieur de l’entrée des catacombes, côté droit
avec les pierres de taille dégagées (état 9/8/17)
Photo : Didier Rykner
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On comprend donc, malgré une certaine ambiguïté volontaire ou non, qu’il s’agit de démonter une partie - et une partie seulement - de l’édifice pour ensuite le « relocaliser » ailleurs sur le site, l’attention semblant d’ailleurs porter principalement sur les inscriptions. Or c’est bien l’ensemble, construit par l’architecte des catacombes, qui doit être conservé à cet endroit précis. Transformer ces inscriptions en objet muséographique n’est pas admissible car il s’agit bel et bien de la destruction d’un monument historique. Si celui-ci n’est pas protégé, il se trouve dans le périmètre d’un autre monument historique, classé, le pavillon d’octroi de Claude-Nicolas Ledoux. Les destructions, telles qu’elles ont dû forcément être validées par l’Architecte des Bâtiments de France, concernaient des bâtiments qu’on pensait sans intérêt historique. La redécouverte de cet édicule (qui aurait évidemment dû être repéré par l’architecte en charge du projet) est un nouvel élément qui annule l’autorisation donnée par l’ABF, et celui-ci doit d’abord à nouveau donner son avis. On ne comprend pas bien pourquoi il serait impossible de conserver cette construction à cet endroit là, d’autant que l’escalier doit être remis en service comme escalier de secours du musée de la Libération qui comprendra une partie souterraine, le poste de commandement du colonel Rol-Tanguy.

6. Future plaque de l’esplanade Charles-Axel Guillaumot
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Tout ceci est d’autant plus absurde et incompréhensible que l’architecte Guillaumot doit être honoré le 4 octobre prochain par la Mairie de Paris elle même qui inaugurera non loin de là une esplanade qui lui sera dédiée. Le Conseil de Paris avait voté cet hommage en avril 2013 à l’unanimité. La plaque précise que Charles-Axel Guillaumot était : « Premier Inspecteur général des carrières (1777-1807). Architecte des bâtiments du roi, concepteur des Catacombes. Il consolida les carrières de Paris. « Il sauva la capitale de l’effondrement ». »

Signalons enfin que le projet du nouveau Musée Carnavalet prévoit « une visite virtuelle des Catacombes » Peut-être pourra-t-on visiter cette entrée des catacombes, reconstituée en 3D, après que l’original aura été détruit ?


7. Photo ancienne (avant 1937) de l’entrée des catacombes
Photo : Studio Paul Meurisse
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Addendum (9/8/17, 22 h 51) : Nous rajoutons à cet article une photo ancienne (ill. 7) provenant du fonds du studio Paul Meurisse, qui date d’avant 1937, reproduisant l’entrée des catacombes dotée alors d’une belle porte qui a sans doute depuis longtemps disparu.

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