Un premier retour de dépôt après notre article Le musée secret de la République ?

28/5/09 – Dépôts des musées – Paris, Ministère des Affaires Etrangères – Le ministère des Affaires Etrangères, par la voix de son porte-parole Frédéric Desagneaux, a cru bon d’envoyer à Libération, qui avait relayé notre article Le musée caché de la République, un « droit de réponse ». Il affirme par ailleurs qu’il enverra séparément une mise au point à La Tribune de l’Art que nous n’avons toujours pas reçue mais que nous publierons bien volontiers.
Il reste que ce droit de réponse est curieux à double titre.

Le 11 mai 2009, nous avions interrogé par mail le Quai d’Orsay pour lui soumettre la liste des œuvres dont nous disposions et leur demander de nous confirmer leur présence au ministère ainsi que leur localisation. Les destinataires étaient Eric Chevallier, directeur de la communication et de l’information, porte-parole et conseiller spécial de Bernard Kouchner, patron de Frédéric Desagneaux, et Romain Nadal, sous-directeur de la presse, dont Frédéric Desagneaux est le patron.
Première curiosité donc : pourquoi la réponse à certaines de nos questions n’arrivent-elles qu’après la parution de l’article et sous la forme d’un « droit de réponse » officiel ?

Nous nous réjouissons donc de savoir que le tableau de Nicolas Lancret, La Leçon de flûte, n’est plus dans l’appartement du ministre. En revanche, il n’est certainement pas à sa nouvelle localisation depuis « trois décennies » comme le prétend monsieur Desagneaux. La fiche de récolement de ce tableau porte en effet la mention : « vu le 12/07/2001 par [nom d’un conservateur du Louvre] dans le salon rouge de l’appartement privé du ministre ». Il aurait en tout cas été plus simple pour le Ministère de nous préciser la nouvelle localisation avant la parution de l’article comme nous le lui avions demandé.
Nous applaudissons le retour au Louvre du Jean-Baptiste Oudry, Chien en arrêt sur un faisan. Il est cependant intéressant de noter la date de ce retour : le 13 mai 2009, comme en atteste le reçu du Louvre. Sachant que ce tableau était déposé au ministère des Affaires Etrangères depuis 1897, on reconnaîtra que la coïncidence est extraordinaire : le 11 mai nous demandons des informations sur la localisation des tableaux déposés par le Louvre en nous étonnant qu’il y en ait encore, et le 13 mai celui-ci est rendu au musée du Louvre. Doit-on y voir, avant même sa publication, un résultat tangible de nos révélations ? On ne peut en tout cas que s’en féliciter.
Quant au tableau d’Edouard Dubufe, il s’agit selon le ministère des Affaires Etrangères d’un simple prêt. Peut-être, mais le château de Versailles nous a fourni, le 14 avril, à notre demande, la liste des dépôts effectués depuis 1995. Le Congrès de Paris se trouve dans cette liste, à la date de 2008. D’ailleurs, quelle différence entre un prêt à long terme « sans limitation de durée » et un dépôt (qui, rappelons-le, est de cinq ans renouvelable sans limitation) ?

Il est également curieux que le Quai d’Orsay se croit obligé de répondre à notre article sur des détails, alors que le cœur du problème n’est pas même évoqué. Nous précisions dans notre enquête qu’il « serait […] injuste de condamner systématiquement les responsables politiques ou les dépositaires » puisque « ceux-ci ne savent souvent rien de ces dispositions et pensent en toute bonne foi avoir le droit pour eux ».
Nous avons ainsi bien pris soin de ne pas nommer les dépositaires lorsque rien ne laissait penser qu’ils connaissaient les irrégularités de ces dépôts. Il était bien loin de notre pensée d’accuser Bernard Kouchner de quoi que ce soit dans ce domaine.
On aurait cependant attendu du ministre des Affaires Etrangères, s’il fallait absolument qu’il réplique à cet article, une réponse différente. Il aurait pu, en prenant acte de ces dépôts, reconnaître qu’il paraissait choquant que le Quai d’Orsay et les ambassades conservent des œuvres appartenant aux musées nationaux et déclarer que ces tableaux ou ces sculptures seraient rendus au plus vite à leurs légitimes propriétaires.

Une chose est sûre. Il sera difficile désormais pour les affectataires, et particulièrement le ministre des Affaires Etrangères, de feindre l’ignorance sur la situation que nous dénoncions dans notre article.

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.