Trois importantes préemptions à la vente de la collection Ribes

3 3 commentaires

11/12/19 - Acquisitions - Paris, Musée du Louvre et Versailles, Musée national du château - Le Centre des Monuments Nationaux s’est beaucoup démené pour réunir la somme nécessaire à l’achat de la pendule musicale du Garde-Meuble. Malheureusement, il a échoué, pas de beaucoup selon nos informations. Souhaitons que l’objet, vendu 1 452 500 € (avec les frais) puisse un jour revenir et être acquis pour l’Hôtel de la Marine. Tant qu’un musée étranger ne l’achète pas, tous les espoirs demeurent permis. Il reste que le scandale que nous dénoncions dans notre éditorial est bien réel, et que le ministère de la Culture (soit sous Aurélie Filippetti, soit sous Fleur Pellerin) en est entièrement responsable (on sait, en tout cas, que le directeur des Patrimoines était à l’époque Vincent Berjot).


1. Marguerite Gérard (1761-1837) et Jean-Honoré Fragonard (1732-1806)
L’Élève intéressante, 1787
Huile sur toile - 64,6 x 55 cm
Préempté par le Musée du Louvre
Photo : Sotheby’s
Voir l´image dans sa page

Le Louvre a pu heureusement se rattraper en partie en préemptant, pour 1 032 500 € (frais inclus), le très beau tableau de Marguerite Gérard et Fragonard, L’Élève intéressante (ill. 1) dont le titre est connu par la lettre de l’estampe de Géraud Vidal. Il s’agit de la première toile importante peinte par Marguerite Gérard à l’âge de vingt-six ans, qui représente probablement [1] Anne-Louise Chéreau, issue d’une famille de graveurs et d’éditeurs d’estampes. Celle-ci regarde une estampe d’après Fragonard, la Fontaine d’Amour. C’est ce même Fragonard, maître de Marguerite Gérard, que l’on reconnaît dans le reflet de la boule métallique, aux côtés de son élève devant son chevalet en train de peindre, et deux autres personnages, sans doute Marie Anne Fragonard (femme de Fragonard et sœur de Marguerite Gérard) et un homme qui peut être Henri Gérard (frère de Marguerite et d’Anne-Marie) ou le graveur Géraud Vidal [2]. Le tableau, s’il fut indiscutablement réalisé par Marguerite Gérard, l’a certainement été avec l’aide de Fragonard, qui aurait notamment peint le chat qui s’accroche au tabouret pour jouer avec le chien.
Il est intéressant de comparer cette toile à celle d’Anne Vallayer-Coster, Portrait d’une violoniste de 1773, quatorze ans avant cette œuvre. On retrouve dans les deux - même si celle de Marguerite Gérard est plus ambitieuse dans sa composition - un personnage féminin assis, de profil, regardant avec une expression comparable, mélange d’intérêt et d’une certaine mélancolie, l’une le violon avec lequel elle va jouer, l’autre une gravure. Il n’est pas étonnant ainsi que le Nationalmuseum de Stockholm, qui avait acquis chez Sotheby’s le premier tableau il y a quatre ans (voir la brève du 7/4/15), ait voulu acheter celui-ci. Il en a été l’heureux acquéreur pendant une demi-seconde, le temps que le Musée du Louvre fasse valoir son droit de préemption. Tant pis pour Stockholm, un musée remarquable, et tant mieux pour nous.


2. Jean-Baptiste Séné (1748-1803)
Alexandre Régnier et Jean Hauré
Écran de cheminée
Hêtre redoré - 120 x 81 x 45 cm
Préempté par le château de Versailles
Photo : Sotheby’s
Voir l´image dans sa page

Mais c’est Versailles, sur lequel nous comptions le plus, qui s’est comporté de la manière la plus flamboyante. S’il n’a pas pu acheter le meuble à hauteur d’appui de Gilles Joubert, retiré de la vente (et c’est peut-être mieux car il semble finalement que ce meuble avait été modifié), il a brillamment emporté, pour 137 500 € (frais inclus) l’écran de cheminée livré en 1787 pour Louis XVI (ill. 2). Ce meuble avait été réalisé par l’ébéniste Jean-Baptiste Sené et le sculpteur Alexandre Régnier sous la direction de Jean Hauré pour la chambre du roi au château de Saint-Cloud. Le reste du mobilier de cette pièce se trouve aujourd’hui - complété de quatre chaises et deux fauteuils refaits sous Louis-Philippe à l’identique, et d’un écran de cheminée réinterprété, celui-ci ayant disparu - dans la chambre de Pie VII à Fontainebleau.


3. Attribué à Antonio Susini (1558-1624)
d’après Giambologna (1529-1608)
L’Enlèvement d’une Sabine, vers 1590-1610
Bronze - H. 59,5 cm
Préempté par le château de Versailles
Photo : Sotheby’s
Voir l´image dans sa page

Le château de Versailles a surtout, pour la somme remarquable de 4 493 200 € (frais inclus), préempté L’Enlèvement d’une Sabine attribué à Antonio Susini d’après Giambologna (ill. 3), le plus beau des trois bronzes de la Couronne qui étaient présentés. La Fortune des mêmes artistes a été vendu 1 812 500 € (frais inclus), certains émettant des réserves sur l’état de sa patine. Le troisième bronze de la Couronne, une Allégorie de l’Abondance, sans doute mantouane, vers 1550 d’après l’Antique, s’est vendue 275 000 €.
L’Enlèvement des Sabines en marbre qui se trouve dans la Loggia dei Lanzi sur la Piazza della Signoria à Florence est l’une des œuvres les plus célèbres de Giambologna. Avec celle-ci, quatre autres réductions en bronze représentant le même groupe et attribuables à Antonio Susini sont connues : au Bayerisches Nationalmuseum de Munich, dans la collection du Prince du Liechtenstein et deux autres en collection privée dont celle de J. Tomison Hill à New York. Celle achetée par Versailles porte le numéro de la Couronne 335. Selon la notice Sotheby’s, ces fontes initiales se distinguent notamment par l’incision des pupilles et des iris des personnages. On ne peut que féliciter le château de Versailles de permettre ainsi de conserver ce chef-d’œuvre dans un musée français. Malgré la perte de l’horloge et celle de la commode de BVRB, la vente Ribes ne s’est donc pas traduite par la Bérézina que nous craignions.

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.