Roland-Garros : un contre-projet des associations

Nous avons longuement parlé sur ce site de la volonté de la Fédération Française de Tennis et de la Ville de Paris d’étendre le tournoi de Roland-Garros sur les serres d’Auteuil (ill. 1) avec la complicité de l’État.


1. Serres d’Auteuil
Emplacement où est prévu le court de Roland-Garros
Photo : Didier Rykner
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2. De gauche à droite :
Jean-Paul Morin, ingénieur des Ponts-et-Chaussée,
Philippe Toussaint, Alexandre Gady
Photo : Didier Rykner
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De nombreuses associations locales et nationales, qui se sont fédérées sous l’égide de Vieilles Maisons Françaises et de la Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France, s’opposent à ce projet et ont décidé de le combattre pied à pied. Mais avant de se lancer dans la bataille judiciaire, et après plusieurs mois d’une concertation qui porte bien mal son nom puisque ni la Ville ni la fédération de tennis ne souhaitent faire la moindre concession, Alexandre Gady et Philippe Toussaint, les présidents respectifs de la SPPEF et des VMF, ont décidé de proposer publiquement un contre-projet (ill. 2).

Les associations prennent acte ainsi, même si elles le regrettent, du choix fait par les instances du tennis français de rester à Paris. Et elles se sont basées, pour leurs solutions, sur le cahier des charges de la FFT. Leur objectif est ainsi de préserver l’intégrité des serres d’Auteuil, de proposer à Roland-Garros un espace nouveau qui soit équivalent, mais aussi d’éviter un gâchis de fonds public. Et il faut dire que ce contre-projet est absolument convaincant. Il est extraordinaire même qu’on ait pu ainsi proposer une annexion des Serres d’Auteuil alors qu’il est parfaitement possible d’étendre le tournoi sans nuire à son environnement (bien au contraire).


3. Plan de la convention d’occupation
signée entre la Ville de Paris et la FFT
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Le plan (ill. 3) qui accompagne la convention d’occupation du domaine publique pour l’exploitation du nouveau stade de Roland-Garros ne laisse aucun doute : dans le projet actuel, le tournoi prendra les Serres historiques en tenaille, les condamnant à terme définitivement. De plus, le projet de la FFT implique la destruction du court n° 1, parfaitement performant, et qui a d’ailleurs été construit il y a trente ans, par un architecte également joueur de tennis. Les propositions des associations, crédibilisées par la présence de plusieurs, sont les suivantes :

 conserver le court n° 1,
 couvrir une petite portion de l’autoroute A13 afin d’y déplacer des courts d’entraînement actuellement situés entre les courts Suzanne Lenglen et Philippe Chatrier,
 créer à la place de ces derniers une nouvelle « place des Mousquetaires », apparemment nécessaire pour améliorer l’accueil des spectateurs,
 construire au « Fonds des princes », un court qui pourrait sans difficulté abriter jusqu’à 5000 places, qui remplacerait ainsi celui qu’ils veulent construire sur les serres d’Auteuil ; le projet actuel prévoit déjà de construire à cet emplacement un « show court » de 2000 places dont le court n°1 pourrait faire office.

4. Autoroute A13, section pouvant être couverte
pour l’extension de Roland-Garros
Photo : Didier Rykner
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Les associations ont voulu présenter ces propositions à la FFT et à la Mairie de Paris pendant toute la période de concertation. Celles-ci les ont balayées d’un revers de main sans vouloir même les examiner. Depuis le début de cette affaire, Bertrand Delanoë et Anne Hidalgo prétendent que la couverture de l’A13 serait d’un coût prohibitif, 550 millions d’euros. Il s’agit, une fois de plus, d’une contre-vérité absolue, peu étonnante de la part d’élus qui osent dire publiquement que les serres qui doivent être démolies sont fermées au public, quand elles sont en réalité ouvertes et gratuites [1]. On ne sait quels intérêts ceux-ci protègent en s’obstinant ainsi, il ne s’agit en tout cas pas de celui de Paris. Soutenues par des ingénieurs des Ponts-et-Chaussée, les associations ont pu démontrer simplement que la couverture partielle de l’autoroute A13 (ill. 4), qui permettrait d’autre part d’atténuer cette blessure dans le paysage urbain, ne coûterait qu’environ 25 millions d’euros maximum comme le montre le parallèle avec d’autres opérations équivalentes menées par la Ville Porte de Vanves et Porte des Lilas. Elle aurait également pour avantage, par rapport à l’extension sur les serres, de rendre plus compacte la surface couverte par le tournoi, réduisant les distances à parcourir pour les visiteurs, et de préserver l’avenir pour une future couverture plus importante de l’autoroute lorsque Roland-Garros voudra une nouvelle fois s’agrandir, ce qui est inéluctable.
Enfin, le maire de Boulogne-Billancourt a affirmé que si cette solution était retenue, il participerait « significativement » à la couverture de l’A13.

L’ancien président de la République, qui avait passé un accord avec Bertrand Delanoë pour son projet du Grand Paris, a laissé faire. Pourtant, lors d’un déjeuner récent avec des acteurs du patrimoine auquel avait assisté Alexandre Gady, interpellé sur cette question, il avait déclaré : « Ça ne se fera jamais car il y aura trop de recours ». Un avis partagé par l’ancien ministre de la Culture Frédéric Mitterrand, qui a affirmé au même Alexandre Gady : « Je l’ai dit à Bertrand : tu n’y arriveras pas il y a trop de recours ! » Une phrase que nous avons également entendu de sa bouche. Quelle curieuse démocratie, celle dont les dirigeants, conscients qu’un projet viole les lois, laisse les associations de citoyens s’y opposer à leur place.
On pourrait s’inquiéter de l’arrivée d’un nouveau gouvernement ayant la même couleur politique que Bertrand Delanoë. Cependant, la ministre en charge du dossier du Grand Paris est Cécile Duflot, une opposante de la première heure à l’extension de Roland-Garros sur les Serres d’Auteuil (ill. 5). Les associations ont prévu de la rencontrer, ainsi que la ministre de la Culture.


5. Yves Contassot et Cécile Duflot lors d’une
visite de soutien aux serres d’Auteuil le 6 janvier 2011
Photo : ELV
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La FFT est désormais face à un choix simple : soit elle s’obstine dans son projet destructeur, et elle aura à faire face à des associations prêtes à aller jusqu’au bout, comme l’ont affirmé sans aucune ambiguïté Philippe Toussaint et Alexandre Gady. Cela impliquera nécessairement, quelle qu’en soit l’issue, de longues et coûteuses années de procédures qui risquent, à terme, de coûter à Roland-Garros son statut de tournoi du Grand Chelem.
Soit elle se range à une solution respectueuse du patrimoine et pourra inaugurer ainsi dans les temps, ses nouveaux espaces.

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