Restaurations et moulages : du Flegmatique aux Bains d’Apollon

1. Enlèvement du groupe des Bains d’Apollon
Versailles, juillet 2008
Photo : Claude Rozier
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En juillet dernier, dans une relative discrétion, le groupe des Bains d’Apollon était enfin mis à l’abri à l’intérieur de la Petite Ecurie. Un amoureux de Versailles, Claude Rozier, était sur les lieux et a pris plusieurs photographies de leur enlèvement (ill. 1 et 2). Nous avions souligné l’année dernière les menaces (voir article) qui pesaient sur ce groupe, l’un des chefs-d’œuvre de la statuaire française du XVIIe siècle, et sur la nécessité de le rentrer pour le mettre à l’abri du vandalisme, des intempéries ainsi que des Grandes Eaux qui se sont multipliées et qui menaçaient son intégrité. Un financement a pu être trouvé grâce à la Versailles Foundation, dont il faut remarquer qu’il s’agit d’un véritable mécénat désintéressé, puisque cette fondation américaine ne bénéficie pas de déductions fiscales.
Le groupe est actuellement en cours de moulage. Cette opération est menée par la Réunion des Musées Nationaux qui a acquis un véritable savoir faire dans cette technique et réalise des copies d’une qualité tout à fait remarquable.


2. Transport du groupe des Bains d’Apollon
Versailles, juillet 2008
Photo : Claude Rozier
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La Grande Commande de 1674

La RMN est ainsi l’auteur du moulage du Flegmatique, une sculpture de la grande commande de 1674 réalisée par Matthieu Lespagnandelle et qui avait été rentrée l’année dernière, bien tard hélas tant sa surface est aujourd’hui dégradée. Le moulage a été mis en place récemment dans les jardins (ill. 3), tandis que l’original a été installé, provisoirement, dans la Galerie Basse, en dessous de la Galerie des Glaces (ill. 4). La restauration de cette œuvre et son moulage ont été rendus possibles grâce au mécénat éclairé de la société Léon Grosse.
Il est évident que des reproductions de cette qualité, qui imitent le marbre, sont de loin préférables aux copies exécutées par un sculpteur, comme le souligne Jean-Jacques Aillagon dans l’interview qu’il nous a accordé. Cette technique est moins chère et plus fidèle à l’original. Elle est par ailleurs maintenant tout à fait sécurisée et ne présente pas de risque pour les originaux comme cela pouvait arriver il y a quelques dizaines d’années [1].


3. D’après Matthieu Lespagnandelle
(vers 1617-1689)
Le Flegmatique
Résine et poudre de marbre - H. 230 cm
Versailles, Jardin du château
Photo : D. Rykner
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4. Matthieu Lespagnandelle (vers 1617-1689)
Le Flegmatique
Marbre - H. 230 cm
Versailles, Château
Photo : D. Rykner
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5. Pierre Le Gros (1629-1714)
L’Eau
Marbre - H. 200 cm
Versailles, en dépôt provisoire
dans la Petite Ecurie
Photo : D. Rykner
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Plusieurs autres sculptures de la Grande Commande ont été rentrées depuis le début de l’année 2008 et vont être à leur tour moulées. On peut ainsi voir également dans cette galerie L’Air d’Etienne Le Hongre et La Terre de Benoît Massou. L’Eau, de Pierre Le Gros (ill. 5) et La Nuit de Jean Raon sont encore conservées dans les réserves de la Petite Ecurie, en attente d’être restaurés et copiés [2]. Plusieurs marbres encore dans les jardins demanderaient à être rentrés de toute urgence tant leur état est immédiatement préoccupant. C’est le cas, par exemple, de L’Hiver de François Girardon (ill. 6). Le mouvement est cependant en marche et va se poursuivre si l’on en croit ce que nous a dit Jean-Jacques Aillagon. On peut donc être raisonnablement optimiste sur la pérennité de cette statuaire versaillaise. Attirons également l’attention sur les sculptures attachées au monument, comme celles qui surplombent la chapelle. Si certaines sont des copies plus ou moins récentes, il demeure encore bien des originaux qui devraient également être mis à l’abri.


6. François Girardon (1628-1715)
L’Hiver
Marbre
Versailles, Jardin du chateau
Photo : D. Rykner
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7. Restauration (nettoyage) d’une des
Nymphes des Bains d’Apollon
Versailles, septembre 2008
Photo : D. Rykner
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Mais revenons aux Bains d’Apollon actuellement conservés dans la Petite Ecurie. Les sculptures sont d’abord nettoyées (ill. 7) et restaurées. Le nez d’Apollon, comme nous l’avions déjà indiqué, a malheureusement été cassé et doit être reconstitué (ill. 8). Contrairement à la Pietà de Michel-Ange, aucun moulage ancien n’existait qui pouvait aider à cette restitution. Le pied, également brisé, a été récupéré même s’il s’agissait déjà d’une restauration du XIXe siècle.

Le groupe des Bains d’Apollon est formé de plusieurs pièces de marbre qui s’emboîtent comme un puzzle. Le spectacle de ces chevaux coupés en deux est fascinant. Les sculptures de Gilles Guérin sont évidées en leur centre (ill. 9), tandis que celles de Gaspard Marsy sont pleines (ill. 10).


8. François Girardon (1628-1715)
Apollon, détail en cours de restauration
Marbre
Versailles, en dépôt provisoire
dans la Petite Ecurie, septembre 2008
Photo : D. Rykner
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9. Gilles Guérin (1611/1612-1678)
Cheval du groupe des Bains d’Apollon, partie antérieure
Versailles, en dépôt provisoire
dans la Grande Ecurie
Photo : D. Rykner
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Les moules sont réalisés en élastomère souple, permettant de produire, si on le souhaite, jusqu’à dix reproductions en résine enrichie de poudre de marbre (ill. 11 et 12).


10. Gaspard Marsy (1629-1681) et
Balthazar Marsy (1628-1674)
Cheval du groupe des Bains d’Apollon
Versailles, en dépôt provisoire
dans la Petite Ecurie, septembre 2008
Photo : D. Rykner
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11. Les Bains d’Apollon en cours de moulage
Versailles, en dépôt provisoire dans la Petite Ecurie,
septembre 2008
Photo : D. Rykner
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Certaines sculptures du groupe, avant restauration, témoignent des dégâts subis par les marbres, comme les fentes ou l’érosion visibles sur ce Triton [3] (ill. 13).


12. Les Bains d’Apollon en cours de moulage
Versailles, en dépôt provisoire dans la Petite Ecurie,
septembre 2008
Photo : D. Rykner
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13. Gaspard Marsy (1629-1681)
et Balthazar Marsy (1628-1674)
Triton du groupe des Bains d’Apollon
Marbre
Versailles, en dépôt provisoire dans la Grande Ecurie,
septembre 2008
Photo : D. Rykner
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L’Enlèvement de Proserpine


14. François Girardon (1628-1715)
Base du groupe de L’Enlèvement de Proserpine,
en cours de restauration
Marbre
Versailles, Orangerie, septembre 2008
Photo : D. Rykner
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Comme nous le rappelions plus haut, cette sculpture a été rentrée dès les années 1950 pour être remplacée par un moulage, ce qui a contribué à sa conservation plutôt satisfaisante, tant de la base (ill. 14) que du groupe lui-même (ill. 15). Il n’avait cependant pas été nettoyé, opération aujourd’hui en cours dans l’Orangerie grâce au mécénat de Moët-Hennessy.
Il devrait être installé définitivement dans cette même Orangerie, non loin du Louis XIV du Bernin. On sait que cette statue équestre [4] avait été transformée par Girardon lui-même, à la demande du roi, en Marcus Curtius. L’Enlèvement de Proserpine, notamment la tête de Pluton (ill. 16), est d’ailleurs très proche de l’art du sculpteur baroque romain. L’architecture grandiose du lieu forme un écrin parfaitement adapté à l’échelle de ces groupes sculptés.

Terminons ce reportage sur une suggestion : puisque chaque moule permet de tirer dix reproductions de grande qualité, pourquoi l’établissement public de Versailles ne ferait-il pas réaliser de chacune de ces sculptures plusieurs exemplaires qui pourraient être numérotés et être vendus à des amateurs fortunés ? Cela permettrait non seulement de financer le sauvetage de tous les marbres mais pourrait devenir une ressource importante pour le château, ce qui rendrait possibles d’autres restaurations ou des acquisitions. Un peu à l’imitation du Musée Rodin qui bénéficie d’un budget très confortable grâce à la vente des tirages d’après les plâtres originaux.


16. François Girardon (1628-1715)
L’Enlèvement de Proserpine, détail
Marbre
Versailles, Orangerie
Photo : D. Rykner
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15. L’Enlèvement de Proserpine de
François Girardon en cours de restauration
Versailles, Orangerie, septembre 2008
Photo : D. Rykner
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Sur le vandalisme dans le parc et le manque de respect des visiteurs, on pourra consulter le site de Claude Rozier qui met en ligne de nombreuses photographies.

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