Premières acquisitions du Louvre-Abou Dhabi

1. Piet Mondrian (1872-1944)
Composition avec bleu, rouge,
jaune et noir
, 1922
Huile sur toile - 79,6 x 49,8 cm
Photo : Christie’s
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2/6/09– Acquisitions – Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi – Les acquisitions du Louvre-Abou Dhabi ont donc commencé à la vente Bergé comme nous avions été les premiers à l’annoncer (voir brève du 3/4/09). Dix-neuf objets en tout ont été achetés depuis cette date et ceux-ci sont exposés aujourd’hui à Abou Dhabi.

Nous répertorions régulièrement les acquisitions des musées français et étrangers. Celui d’Abou Dhabi, nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire, a évidemment toute légitimité à acquérir des œuvres. Ce que nous contestons depuis le début est la manière dont la France s’est impliquée dans cette affaire, et en particulier la participation de conservateurs français, sous l’autorité du Président du Louvre et du ministre de la Culture, dans l’achat d’œuvres d’art pour un musée étranger.
Nous nous ferons donc régulièrement l’écho des acquisitions d’Abou Dhabi, comme pour n’importe quel autre musée. Nous commenterons cependant les éventuels conflits d’intérêt qui pourraient survenir.

La liste divulguée à l’occasion de cette exposition ne semble pas présenter à ce titre - à l’exception peut-être du Piet Mondrian (ill. 1) dont nous avons déjà parlé - de caractère réellement problématique. Si le Jean-François de Troy, fort beau, aurait sans doute pu intéresser un musée de province, aucun ne semble avoir particulièrement voulu l’acheter et les œuvres de cet artiste ne sont pas rares. Plusieurs versions du tableau d’Ingres sont déjà conservées dans les collections publiques en France tandis que des tableaux tels que le Giovanni Bellini ou le Murillo, acquis sur le marché étranger, n’auraient probablement jamais été achetés par un musée français. Il faut simplement espérer que l’agence fera toujours preuve de la même retenue.

Tableaux :

2. Giovanni Bellini (vers 1438/1440-1516)
Vierge à l’Enfant, vers 1480-1485)
Huile sur panneau - 70,5 x 50,5 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Louvre-Abou Dhabi/Thiery Ollivier 2009
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 Giovanni Bellini, Vierge à l’enfant (ill.1).
Ce thème est extrêmement fréquent dans l’œuvre de Bellini. La composition du panneau acquis par Abou Dhabi, avec la Vierge priant devant Jésus se retrouve dans plusieurs autres tableaux, comme celui de la Fondazione Luciano e Agnese Sorlini à Bergame ou celui, de l’atelier de Bellini, appartenant à la National Gallery de Londres.

3. Bartolomé Esteban Murillo (1618-1682)
L’Echelle de Jacob, vers 1665
Huile sur toile - 85 x 155 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Louvre-Abou Dhabi/Thiery Ollivier 2009
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 Bartolomé Esteban Murillo, Le songe de Jacob (ill. 2).
Un Songe de Jacob de Murillo, daté de 1660-1665 et dont plusieurs répliques sont répertoriées, est conservé à l’Hermitage. Le tableau acquis par Abou Dhabi, récemment présentée à la Foire de Maastricht, est inédit. Le seul caractère commun avec l’œuvre de Saint-Petersbourg est son format allongé, la composition étant très différente. L’échelle verticale où montent et descendent les anges (conforme au texte de la Genèse) est remplacée par un escalier qui forme une grande diagonale prolongée par le corps de Jacob. Au paysage nocturne semble se substituer (en tout cas sur les photographies) un fonds totalement obscur qui rend d’autant plus saisissante l’apparition des anges.

4. Jean-François de Troy (1679-1752)
L’Evanouissement d’Esther, 1730
Huile sur toile - 197 x 146 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Louvre-Abou Dhabi/Thiery Ollivier 2009
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 Jean-François de Troy, L’Evanouissement d’Esther (ill. 4).
La toile a été acquise à Paris auprès du cabinet Bréton-Blondeau. Le sujet d’Esther s’évanouissant devant Assuérus est très fréquent dans la peinture des XVIIe et XVIIIe siècles et fut particulièrement cher à Jean-François de Troy qui en exécuta plusieurs versions toutes différentes, avant de peindre en 1737 le carton préparatoire à la tapisserie pour la suite de l’Histoire d’Esther (Louvre). Christophe Leribault, dans sa monographie sur le peintre [1] , en répertorie pas moins de quatre, toutes conservées dans des collections particulière françaises à l’exception de celle aujourd’hui à Abou Dhabi qui se trouvait alors sur le marché de l’art américain.

5. Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-8167)
Don Pedro de Tolède baisant l’épée d’Henri IV, 1820
Huile sur panneau - 48,5 x 40, 5 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Louvre-Abou Dhabi/Thiery Ollivier 2009
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 Jean-Auguste Dominique Ingres, Don Pedro de Tolède baisant l’épée d’Henri IV (ill. 5)
Don Pedro de Tolède fut exposé par Ingres au Salon de 1814 mais cette première version a disparu et n’est connue que par une gravure de Réveil. Le sujet du tableau est tié de l’Histoire de Henri le Grand par Hardouin de Beaumont de Péréfixe. Il représente l’ambassadeur espagnol se prosternant devant l’épée du roi de France tenue par un page « rendant honneur à la plus glorieuse épée de la chrétienté ». Comme pour tous ses tableaux troubadours, l’artiste en réalisa plusieurs versions. La deuxième, très proche de l’original, est aujourd’hui exposée au Musée du château de Pau. Le tableau acquis par Abou Dhabi est la troisième version, datée de 1820 ; la scène se déroule également dans la salle des Caryatides mais le point de vue est inversé. Le quatrième exemplaire, qui se situe sur le palier de l’escalier Henri II à proximité de la salle des Caryatides était entré au Louvre en 1981.

6. Edouard Manet (1832-1883)
Le Bohémien, 1861-1862
Huile sur toile - 90,5 x 55,3 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Louvre-Abou Dhabi/Thiery Ollivier 2009
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7. Edouard Manet (1832-1883)
Nature morte au cabas et à l’ail, 1861-1862
Huile sur toile - 27 x 35 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Louvre-Abou Dhabi/Thiery Ollivier 2009
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8. Edouard Manet (1832-1883)
Les Gitanos
Estampe
Photo : D. R.
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- Edouard Manet, Le Bohémien et Nature morte au cabas et à l’ail (ill. 6 et 7).
Les deux tableaux de Manet acquis par Abou Dhabi dans une galerie new-yorkaise n’en formaient qu’un à l’origine puisqu’il s’agit de fragments d’une toile, Les Gitanos. L’œuvre, terminée en 1862 et qui témoignait de l’intérêt bien connu de Manet pour l’Espagne, mesurait environ 190 x 130 cm. Elle est connue par une estampe (ill. 8). L’artiste l’exposa en 1863 à la galerie Martinet, puis en 1867 à sa propre rétrospective organisée à l’occasion de l’Exposition Universelle. C’est Manet lui-même qui décida de couper sa toile en plusieurs morceaux, peut-être en raison du mauvais accueil critique qu’elle avait reçue. Il était d’ailleurs coutumier du fait puisqu’il détruisit ainsi plusieurs œuvres (le célèbreTorero mort, par exemple, est un morceau issu d’un plus grand tableau, Episode d’une course de taureaux). Outre les deux fragments acquis par Abou Dhabi (dont l’un, la Nature morte, est réapparue à Drouot il y a deux ans), l’Art Institute de Chicago expose La Régalade, acheté à Manet par Durand-Ruel.


Sculpture :

9. Bavière ou Autriche vers 1515
Christ montrant ses plaies (détail)
Bois de tilleul polychrome - 183 x 57 x 30 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Louvre-Abou Dhabi/Thiery Ollivier 2009
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 Bavière ou Autriche, vers 1515, Christ montrant ses plaies (ill. 9).


Objets d’art :

10. Venise, vers 1500
Bassin d’aiguière
Email polychrome peint sur cuivre - Diamètre : 49,5 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Christie’s
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 Venise, vers 1500, Bassin d’aiguière (ill. 10).Ce plat a été acquis à la vente Bergé-Saint-Laurent pour 421 000 € (frais inclus). Au centre est inclus un petit émail limousin représentant Sainte Barbe.

11. Attribué à Jean Court, dit Vigier (? - avant 1583)
Plat représentant le Banquet des
Noces de Psyché
, troisième quart du XVIe siècle
Email peint en grisaille sur cuivre- Diamètre : 43,8 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Christie’s
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 Attribué à Jean Court, Plat représentant le Banquet des Noces de Psyché.
Acquis à la vente Bergé-Saint-Laurent pour la somme de 337 000 € (frais inclus), ce plat y était donné sans réserve à Jean Court. La liste diffusée par France-Museums ne parle que d’une attribution, bien qu’il semble signé (I. C.). La scène du banquet est tirée d’une gravure du Maître du Dé, d’après Raphaël, composition que l’on retrouve sur quatre autres plats de service de Jean Court : deux sont conservées au Victoria & Albert Museum, une au British Museum et une autre à la Walters Art Gallery de Baltimore.

12. Jean Court, dit Vigier (? - avant 1583)
Bassin d’aiguière représentant le Triomphe de Cérès, 1558
Email peint en grisaille à rehauts d’or - Diamètre : 43,8 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Christie’s
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 Jean Court, Bassin d’aiguière représentant Le Triomphe de Cérès (ill. 11).
_ L’attribution de cet émail est certaine, contrairement au précédent, puisqu’il est signé et daté. L’origine de la composition n’est pas connue et il est possible que ce Triomphe de Cérès soit une invention de Jean Court. Il provient comme les objets précédents de la collection Bergé-Saint-Laurent et a été acquis à cette vente pour 337 000 € (frais inclus).

13. Achille Hermansreyt
Tour à compartiment, 1657
Ivoire d’éléphant tourné et sculpté - H. 57 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Christie’s
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 Achille Hermansreyt, Tour à compartiment (ill. 13).
Acquise aussi à la vente Bergé-Saint-Laurent, pour 457 000 € (frais inclus), cette tour en ivoire est accompagnée de son étui de voyage en cuir d’origine parfaitement conservé. On ne connaît aucune autre œuvre de cet artiste allemand.

14. Philippe Béhagle (1641 – 1705), d’après
Jean-Baptiste Monnoyer (1636-1699),
Jean-Baptiste Belin de Fontenay (1653-1715)
et Guy-Louis Vernansal (1648-1729)
Manufacture royale de Beauvais,
début du XVIIIe siècle
L’Embarquement du Prince
Laine et soie - 369 x 269 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Louvre-Abou Dhabi/Thiery Ollivier 2009
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 Philippe Béhagle, d’après Jean-Baptiste Monnoyer, Jean-Baptiste Blin de Fontenay et Guy-Louis Vernansal, Tenture de l’Histoire de l’Empereur de Chine : l’Embarquement du Prince (ill. 14).
Cette tapisserie a été achetée à la galerie Chevallier à Paris qui l’avait exposée à la dernière Biennale des Antiquaires (voir la brève du 13/9/08 où nous l’avions reproduite). Philippe Béhagle, tapissier d’origine flamande, dirigea la manufacture de Bauvais à la fin du XVIIe siècle.

15. Pierre Legrain (1888-1929)
Tabouret curule, vers 1920-1925
Hêtre teinté à la manière du noyer - 53 x 49,5 x 30 cm
Abou Dhabi, Louvre-Abou Dhabi
Photo : Christie’s
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 Pierre Legrain, Tabouret curule (ill. 15)
Il s’agit de la dernière œuvre acquise lors de la vente Bergé-Saint-Laurent, pour la somme de 457 000 € (frais inclus). Ce tabouret provient de la collection Jacques Doucet qui fut le principal mécène de Pierre Legrain.

Les autres acquisitions du Louvre-Abou Dhabi sortent du champ couvert par La Tribune de l’Art. On citera notamment une amphore à figures noires attribuée au « Peintre d’Antiménèse », une sculpture en schiste de Bodhisattva debout, provenant de la région du Gandhara (actuel Pakistan), une Tête de Bouddha en marbre de la Chine du Nord (Dynastie des Qi du Nord, 550-577 ap. J.C.), une section de Coran mamelouk (Egypte ou Syrie, second quart du XIVe siècle) et une fibule de Domagnano (San Marin, seconde moitié du Ve siècle).

La volonté affichée de créer ex nihilo un musée « universel » (toutes techniques, toutes époques, tous pays...) explique la diversité des achats (de la Grèce antique à Mondrian). S’il s’agit d’un objectif qui paraît inatteignable, il faut reconnaître la qualité incontestable de ces premières acquisitions. Notons enfin que si celles-ci ne comprennent pour le moment aucun nu, plusieurs œuvres sont religieuses (qu’il s’agisse de l’Ancien ou du Nouveau Testament).

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