Philippe de Buyster (1595-1688) - Catalogue raisonné par ordre chronologique (3ème partie)

25. Statue gisante du cardinal Claude de Rueil, cathédrale d’Angers, Maine-et-Loire
1650
Marbre
H : 66 ; L : 180 cm

Cet ouvrage, ignoré de Guillet, nous est connu par le marché passé le 4 février 1650 avec Buyster par le chapitre d’Angers [1](doc. 11). Evêque d’Angers depuis 1628, Claude de Rueil (1575-1649) demanda dans son testament de 1648 à être enterré dans la cathédrale d’Angers, dans la chapelle dite des évêques, sous une arcade du bras nord du transept, à côté de l’évêque Jean Olivier, en un monument funéraire ayant même forme et même structure que celui de Jean Olivier, et qui contiendrait, outre sa propre dépouille, le cœur de son oncle Mgr. Guillaume Ruzé qui avait été, lui aussi, évêque d’Angers de 1572 à 1587 [2].

76. Philippe de Buyster (1595-1688)
Statue gisante du cardinal Claude de Rueil
Marbre - 66 x 180 cm
Angers, cathédrale Saint-Maurice
Photo : Thierry Prat (1990)
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77. Philippe de Buyster (1595-1688)
Statue gisante du cardinal Claude de Rueil, détail
Marbre - 66 x 180 cm
Angers, cathédrale Saint-Maurice
Photo : Thierry Prat (1990)
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Claude de Rueil mourut le 20 juillet 1649 et le chapitre, qu’il avait institué son légataire universel, exécuta toutes les prescriptions du testament. Le 18 septembre 1649, un marché fut signé avec Gilles Corbineau, sculpteur de Laval, pour l’architecture et le décor du monument [3]. Il consistait en un portique à deux colonnes de marbre noir d’ordre corinthien supportant un entablement et un fronton flanqué de volutes avec les armoiries sculptées de Claude de Rueil ; entre les colonnes et un peu en retrait, une arcade, revêtue de marbre noir et sculptée de caissons à l’intrados, dominait le sarcophage de marbre noir sur lequel serait couchée la statue. Le mur du fond épousant la forme de l’arcade était garni d’une inscription et de trois portraits peints : celui de Claude de Rueil au centre sous un chérubin surmontant une tête de mort, et ceux de ses deux oncles de part et d’autre, Guillaume et Martin Ruzé. Corbineau reçut le 4 mars 1650 un premier acompte de 100 livres.

Le marché du 4 février 1650 passé à Paris avec Buyster avait été ratifié par une délibération du chapitre le 18 février suivant [4] : Buyster s’engageait à sculpter pour la fin du mois d’août à venir et moyennant 1300 livres la figure du défunt « d’une seule pierre de marbre blanc », de grandeur nature, couchée sur le côté gauche, mains jointes gantées, mitre en tête, celle-ci posée sur un coussin ; le gisant serait accompagné de sa crosse et revêtu de ses ornements épiscopaux. Un portrait du défunt fut remis au sculpteur pour la ressemblance. Le marché détaille minutieusement les vêtements et on peut voir que Buyster en a scrupuleusement suivi les termes (ill. 76). Le visage de l’évêque porte une barbe carrée, des moustaches relevées ; ses cheveux s’échappent en mèches bouclées de la mitre au-dessus des oreilles. On est frappé par l’abondance du décor sculpté en méplat imitant les broderies et les passementeries et couvrant les ornements épiscopaux (ill. 77) : la chasuble à orfrois brodés, le rochet, la guipure, le manipule frangé au bras gauche, l’étole frangée autour du cou, la croix pectorale portant un crucifix en relief, la mitre ornée de pierres précieuses. Les deux coussins sont décorés de guipures et de glands. La crosse en forme d’acanthe s’enroule autour d’une fleur. Deux dessins montrent le monument dans son état d’origine : celui du manuscrit de Ballin, de 1715 [5] (ill. 78) et celui du fonds Gaignières [6] (ill. 79). Il semble que Buyster se soit rendu lui-même à Angers pour la mise en place de la statue, c’est du moins ce que laisse entendre cette phrase du devis : « laquelle figure bien et deuement achevée…, moy Buyster, je promets et demeure tenu de la rendre faite et placée, à mes frais et despens, périls et fortune, dans l’église cathédrale d’Angers, dans le sépulchre dudit feu seigneur évesque, non rompue, vitiée ny altérée an quelque façon que ce puisse estre, dans la fin du mois d’aoust prochain ».

78. Tombeau du cardinal Claude de Rueil,
dessiné dans Ballin
"Les Annales et antiquités de l’Anjou"
Angers, Bibl. municipale
Photo : Musées d’Angers
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79. Tombeau du cardinal Claude de Rueil
dessin 6675 de la coll. Gaignières
Paris, Bibliothèque nationale de France
Photo : BnF
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En 1783, le monument fut couvert d’un badigeon, puis détruit pendant la Terreur à l’exception de la statue qui fut transportée à l’abbaye Saint-Serge (1793). Le Concordat la rendit à la cathédrale d’Angers (1802), mais elle fut entreposée au Logis Barrault. En 1851, le monument lui-même fut à nouveau sculpté par un nommé Chapeau dans son emplacement d’origine, d’après le dessin de Ballin, et la statue y reprit place. Elle a subi des mutilations : le nez, le pied gauche et les mains manquent [7] .

26. Sculptures au portail de l’hôtel de Guénégaud, Paris (disparus)
1651-52

a. Deux Satyres

b. Deux Lions

Pierre

L’information vient de Guillet qui précise que les deux satyres se trouvaient au-dessus de la corniche du portail et les lions au-dessous [8]. Marie de Gonzague, propriétaire de l’hôtel de Nevers quai des Grands Augustins, l’avait fait démolir en 1641 et vendit l’emplacement à divers particuliers. Le principal acquéreur fut en 1648 Henri de Guénégaud qui confia la construction d’un nouvel hôtel à son architecte de prédilection, François Mansart [9]. Le portail, à l’ouest, ouvrait sur une cour trapézoïdale autour de laquelle se déployaient les bâtiments de l’hôtel.

Guénégaud s’adressa pour les sculptures du portail à Buyster à qui il venait de vendre un terrain de 15 toises 7 pieds rue de Guénégaud et qui travaillait au mausolée de son beau-frère Roger de Choiseul-Praslin (n. 19). Les ouvrages de Buyster étaient en cours d’exécution en août 1651 et se montaient à la somme d’au moins 1140 livres que Guénégaud déduisit du prix de la vente du terrain [10]. C’était un ample portail en pierres de refend, dont l’ouverture se creusait en niche ; sur le linteau étaient sculptés des lions affrontés, et au-dessous de la corniche des petits satyres tenant un médaillon.

80. Jean Marot (vers 1619-1679)
Face de l’hostel de Conty dont la porte a esté bastie
par François Mansart

gravure dans J.-F. Blondel, Arch. fr.
Photo : BnF
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En 1670, Henri de Guénégaud, secrétaire d’Etat, ayant été disgracié, fut obligé de céder ses hôtels du Petit et du Grand Guénégaud à Anne-Marie Martinozzi, princesse de Conti. Dans la gravure de Jean Marot : Face de l’Hôtel de Conty dont la porte a été bastie par François Mansart (ill. 80), il semble, mais ce n’est pas certain, que les satyres ont été remplacés par des enfants flanquant le cartouche ovale [11] . Si tel est le cas, il s’agirait peut-être d’une modification apportée par la princesse de Conti. Le portail fut démoli en 1794 et l’hôtel de même, presque totalement dès 1771, à l’exception d’une petite partie, une cour, que l’architecte Antoine intégra dans l’hôtel de la Monnaie.

27. Statues au Grand Séminaire de Saint-Sulpice, Paris
1650-1656

a. Statues à la façade (disparues)
1650-1655

1. Vierge avec l’enfant Jésus

2. Saint Jean l’Evangéliste, un aigle à ses pieds

3. Saint Joseph tenant un lys

Pierre

L’abbé Jean-Jacques Olier, dit Monsieur Olier (1608-1657), devenu curé de Saint-Sulpice en 1642, fit bâtir par Jacques Lemercier, devant l’église, un grand séminaire, austère construction qui fut achevée en 1649. Dès 1654 environ, Sauval décrivant l’édifice, note que « les figures de la Vierge, de Saint Jean, de Saint Joseph et les autres qui doivent entrer dans ce bâtiment, sont excellement faites par Bister » [12]. Notons que la maison était placée sous l’invocation de la Vierge, et que saint Joseph et saint Jean l’Evangéliste sont les saints patrons des sulpiciens

Guillet, lui, ne parle que de « trois grandes figures de pierre, posées dans la grande cour du séminaire..., chacune...dans une niche. La plus élevée représente la Vierge assise et tenant l’enfant Jésus qui la couronne. Des deux autres qui sont placées plus bas, l’une représente Saint Joseph et l’autre Saint Jean l’Evangéliste » [13]. Mais Guillet situe ces statues trop tôt dans la carrière de Buyster, juste après son entrée dans le corps de la maîtrise, soit peu après 1623, et avant ses ouvrages pour les Quinze-Vingt (que nous datons entre 1633 et 1636). Quant à Caylus, faut-il s’en étonner, il juge que ces statues ne sont « pas des plus heureuses soit par la pensée, soit par l’exécution » [14].

Henri de La Combe de Baudrand, qui fut plus tard curé de Saint-Sulpice, rédigea en 1682 un « mémoire sur la vie de Mr. Olier (mort en avril 1657) et sur le Séminaire de Saint-Sulpice » [15] qui est à la fois historique et descriptif : il décrit ainsi les trois statues de Buyster (sans citer le nom du sculpteur), placées sur l’avant-corps central du bâtiment au fond de la cour, entre cour et jardin, toutes trois dans des niches, la Vierge au second étage et les deux saints à l’étage au-dessous ; « la sainte Vierge assise tenant de la main gauche le Saint Enfant Jésus debout sur ses genoux », « Saint Jean avec un aigle à ses pieds », « Saint Joseph tient un lys à la main ». Sauval laisse entendre que Buyster avait entrepris la sculpture d’autres statues qui devaient entrer dans le bâtiment.

81. Anonyme
Elévation de la façade de la cour du
Séminaire de Saint-Sulpice
Dessin au lavis
Paris, Archives Nationales
Photo : Arch. nat.
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Et de fait, Baudrand décrit de chaque côté de la porte d’entrée « une niche pour y mettre des statues de grandeur naturelle » (qui ne s’y trouvaient donc pas en 1682). Les trois statues de Buyster citées par Guillet sont visibles dans un dessin anonyme au lavis montrant l’élévation de la façade de la cour [16] (ill. 81). La Vierge, assise, un sceptre dans sa main droite, a le pied gauche posé sur un support et tient l’Enfant Jésus debout sur son genou gauche ; celui-ci, nu, tourné de profil vers sa mère, lui pose une couronne sur sa tête. Au-dessous, dans la niche de droite se tient saint Joseph, un lys dans sa main gauche, la main droite ouverte vers la Vierge en direction de laquelle il se tourne. Et dans la niche de gauche, saint Jean l’Evangéliste pointe l’index gauche vers la Vierge, mais tourne son regard et ouvre son autre main vers son aigle qui se tient à terre sur sa droite.

En outre, bien informé, Baudrand précise que Monsieur Olier avait voulu placer des bustes au-dessus des cinq portes côté cour : le buste du Christ sur la porte du milieu, ceux des quatre Evangélistes au-dessus des quatre portes aux quatre angles, et les bustes des patrons du séminaire au-dessus des deux portes de la façade côté jardin ; mais ajoutait-il, « ce dessin n’a pas encore été traité » ; donc Buyster, sans doute désigné pour son exécution, n’y a pas pris part.

b. Sculptures au retable de l’autel (disparues), attr.
1656-1657

1. Saint Joseph

2. Saint Jean l’Evangéliste

3. Angelots portant des guirlandes

4. Chérubins

Bois

82. Dessin du retable de la chapelle
du Séminaire de Saint-Sulpice
joint au marché du 6 novembre 1656
MCAN, XCVIII, 192
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Le grand autel de la chapelle reçut vers 1655 un grand retable dont Baudrand donne une description précise ; on peut la compléter par le « Devis des ouvrages de Peinture et dorure » du 6 novembre 1656 des sculptures de ce retable, qu’accompagne un dessin montrant la moitié droite du retable (ill. 82) ; la découverte du devis avec le dessin revient à M. Th. Forest [17] . Le peintre Charles Le Brun avait peint à la voûte de cette chapelle un « Enlèvement de la Vierge au ciel, » ou Assomption (gravée par C.L. Simonneau le père), et au tableau du retable une Pentecôte (aujourd’hui au musée du Louvre) dans un cadre cintré (devis du 7 décembre 1654) ; de chaque côté, entre des colonnes d’ordre composite dont les cannelures étaient remplies d’épis de blé et de branches de vigne, les statues de Saint Jean l’Evangéliste et Saint Joseph se tenaient dans deux niches surmontées de chérubins ; au-dessus de la corniche deux angelots soutenaient une lourde guirlande partant d’une croix centrale surmontée d’un séraphin. Tant le cadre du tableau que le tour des niches et la frise de l’entablement étaient richement sculptés. Tous les ornements et sculptures de ce retable furent dorées d’or bruni et d’or mat en 1656 comme l’indique le devis signé devant notaire où il est précisé que « seront pareillement doré les revers et les bords des deux figures qui doivent être posées dans les niches, à scavoir un saint Jehan avec l’aigle, lequel aigle sera tout doré, et saint Joseph avec le petit Jésus ». Il est fort possible que Buyster ait été l’auteur des statues de ce retable, dont le dessin montre assez précisément, outre toute la sculpture décorative, les figures du Saint Jean et d’un des angelots sur la corniche. Buyster, il faut le rappeler, avait la réputation d’être un spécialiste de la sculpture du bois. Ces statues du retable pourraient correspondre alors aux « autres » figures « de Bister » « qui doivent entrer dans ce bâtiment », qu’évoquait Sauval. Mais les deux Saint Jean, celui, en bois, du retable et celui, en pierre, de la façade, n’obéissaient pas à la même composition. Si on confronte les deux documents graphiques dont nous disposons, on voit que le saint Jean l’Evangéliste du retable portait son aigle dans ses bras. .

Le Séminaire de Saint-Sulpice fut fermé à la Révolution, on affecta ses bâtiments au logement des épouses de soldats, jusqu’à leur démolition totale en 1803. Le retable avec son son décor sculpté a aussi disparu, mais pas le tableau de Le Brun, la Pentecôte, qui est au Louvre.

28. Ouvrages au couvent du Val-de-Grâce, Paris
1655-56

83. Philippe de Buyster (1595-1688)
Coquille d’une niche du réservoir
Couvent du Val-de-Grâce
Photo : Thierry Prat (1990)
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La Fronde et le départ de la reine et de ses enfants de Paris en 1649 marquèrent une longue interruption dans le chantier du Val-de-Grâce. La rentrée des souverains dans la capitale en août 1652, celle de Mazarin en février 1653 et le sacre du roi à Reims en juin 1654 eurent pour conséquence la reprise des travaux. Mais Lemercier était mort en janvier 1654. Le surintendant Tubeuf mit en place une nouvelle équipe sous la direction d’un nouvel architecte, Pierre Le Muet, appointé à partir de mars 1655 pour la conduite du bâtiment, tandis que Gabriel Le Duc était chargé de la « conduite et inspection de la construction » du Val-de-Grâce. Le chantier fut aussitôt rouvert. Une lacune entre 1648 et 1655 dans le volume des comptes ne permet de connaître les payements versés à Buyster qu’à partir de septembre 1655 [18].. Du 20 septembre 1655 jusqu’au 2 janvier 1656, Buyster reçut 4874 livres échelonnées en sept versements pour des ouvrages de sculpture, ornements, bas-reliefs « tant en pierre qu’en bois », qui étaient :

a. Quatre niches d’un grand réservoir d’eau dans le préau du couvent. Dès le printemps 1654, la reine avait fait bâtir un grand réservoir, proche de la cuisine et du lavoir, qui alimenterait aussi les bassins du cloître, du parterre et du potager. Buyster décora les quatre faces intérieures de quatre grandes Coquilles dans des niches (ill. 83) .

b. Le fronton de l’appartement de la reine, appartement qui se situait dans le pavillon nord-est du couvent. Nous n’avons pu identifier ce fronton.

c. Des ornements de bois dans la chambre à alcôve de la reine, au-dessus de la salle basse, dans le même pavillon nord-est. De cette chambre, on ne connaît aucune représentation ni description. Elle était décorée de tableaux de Philippe de Champaigne et ouvrait sur le jardin par un balcon. Buyster y travailla jusqu’en février 1656, y taillant des reliefs en bois et des ornements à la cheminée.

84. Cheminée et corniche
dans le Salon d’Anne d’Autriche
au couvent du Val-de-Grâce
Photo : Thierry Prat (1990)
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d. Des ouvrages de menuiserie et de sculpture dans le cabinet de l’appartement de la reine auxquels travaillèrent Buyster et le menuisier Cacquelart selon le marché du 19 décembre1655, et « suivant les dessins qui sont entre les mains du sieur Le Muet » [19] . Pour Claude Mignot, il s’agit sans doute du petit cabinet à colonnes baguées, appelé aujourd’hui Salon d’Anne d’Autriche, adossé en hors d’œuvre au nouveau pavillon de la reine, où fut installé son oratoire que Claude Verdier peignit et dora en 1656. Il a subi des restaurations en 1859 et il est difficile aujourd’hui de déterminer ce qui est d’origine dans les bandeaux à palmettes au haut des pilastres, dans les oves et rais de cœur de la corniche faisant le tour de la salle, et dans le décor du manteau de cheminée, fait de grandes feuilles d’acanthe, de fleurs de lys, d’un écusson couronné aux armes de la reine-mère encadré de branches de laurier et de guirlandes de fruits s’échappant de volutes (ill. 84).

29. Monument funéraire de Nicolas de Bailleul dans l’église de Soisy-sur-Seine, Essonne (statue du défunt disparue ; épitaphe in situ)
1655-57
Marbre
H : env. 140 cm

C’est Mansart qui fournit au sculpteur le dessin et le modèle de la représentation du priant et du pupitre et qui dessina le monument. Guillet indique que « Buyster a fait en marbre le tombeau de M. le président le Bailleul [sic], posé dans l’église de Soissy qui est auprès d’Etiolles et de Corbeil » [20].

Le marché, retrouvé par Chaleix [21] (doc. 12), fut signé le 23 février 1655 entre le sculpteur et Ysabel Marie Mallier, veuve de Nicolas de Bailleul. Buyster s’engageait à sculpter, dans un délai de six mois et pour un montant de 1800 livres, d’une part la figure du défunt agenouillée sur un oreiller ou carreau posé sur une plinthe et devant lui, un pupitre avec ses armes, le tout en marbre blanc, d’autre part un buste en terre représentant aussi le défunt, demandé par la veuve. Pour le visage de la statue en marbre, le sculpteur le ferait ressembler au modèle qu’il en avait fait en terre. Et pour le buste en terre, il s’inspirerait pour la ressemblance d’un portrait peint que la veuve du défunt lui fournirait. Il devait en outre suivre les indications de Mansart pour représenter le défunt, « vêtu de la robe de cérémonie, de telle grandeur et amplitude qu’elle puisse estre trouvée raisonnable par monsieur Mansart », et de même pour le pupitre dont Mansart avait dessiné le modèle. La statue serait mise en caisse pour un supplément de 40 livres, voiturée et mise en place dans l’église de Soisy. Le 7 mars 1657, Buyster donnait quittance à la présidente de Bailleul du payement de l’ouvrage qui avait été installé.

L’épitaphe en latin retrace toute la carrière du défunt. Issu d’une brillante famille du pays de Caux, Nicolas de Bailleul servit d’abord le roi Henri IV par les armes, qu’il quitta pour entrer dans la magistrature dont il parcourut tous les degrés : conseiller au parlement de Paris (1627), maître des requêtes, ambassadeur en Savoie, président du Grand Conseil, lieutenant civil, trois fois prévôt des marchands de Paris de 1621 à 1627, président à mortier au parlement, puis chancelier de la reine Anne d’Autriche (1630) [il faut noter que le graveur de l’inscription ayant oublié ce dernier titre très honorifique l’a ajouté en petits caractères entre deux lignes], disgracié quelque temps mais rentré en faveur, enfin secrétaire d’Etat et surintendant des finances (1643). Très affligé par la guerre civile et le combat de la rue Saint-Antoine, il mourut peu après.

En tant que seigneur de Soisy, il avait fait reconstruire sur le côté méridional de l’église une chapelle dédiée à la Vierge voûtée en coupole, où fut érigé son tombeau qui recueillit non seulement son corps mais aussi ceux de ses descendants.

85. Philippe de Buyster (1595-1688)
Epitaphe du tombeau
de Nicolas de Bailleul
Bas-relief, marbre blanc et marbre noir - 193 x 116 cm
Soisy-sur-Seine (Essonne), église
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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En 1879, le monument était encore en place quand Guilhermy en donne la description [22] : le soubassement était décoré de deux pilastres de marbre noir avec chapiteaux doriques en marbre blanc ; l’inscription, sur une grande table de marbre noir encadrée d’une bordure, portait au sommet une tête d’ange et en bas une tête de mort accompagnée d’ossements et couronnée de lauriers. Le pupitre avait la forme d’un ange agenouillé entre les ailes duquel était ouvert un livre. Guilhermy retranscrit l’épitaphe et indique que la statue et l’ange ont été achetés par un peintre en bâtiment et revendus à un amateur parisien. On en a perdu la trace.

Quelques vestiges sont toujours en place : l’épitaphe gravée sur une dalle de marbre noir dans son encadrement mouluré (H : 193 cm ; L : 116 cm), surmontée d’une délicate tête de chérubin d’où partent des linges à droite et à gauche (H. du chérubin : 28 cm ; L. du linge : 100 cm), et sur la moulure inférieure, un beau Memento mori (H : 25 cm ; L : 59 cm), tête de mort ailée couronnée de lauriers et os en croix (ill. 85).

30. Monument funéraire des Laubespine dans la cathédrale de Bourges, Cher
1656-58
Marbre et bronze

a. Statue priante de Guillaume de Laubespine, baron de Châteauneuf
Marbre
H : 135 cm

b. Statue priante de Marie de La Châtre
Marbre
H : 135 cm

c. Statue priante de Charles de Laubespine, marquis de Châteauneuf
marbre
H : 135 cm

d. et e. Deux Pleureuses
demi-reliefs marbre
H : 122 cm

f. Force et Justice

g. Gloire et Paix

Deux bas-reliefs marbre
H : env. 50 cm

h. Squelette tendant une balance à un ange (disparu)
Demi-relief Bronze
L : 100 cm

i. Tête de mort, palmes (disparues), entrelacs et cordon de laurier (fragments conservés)
Marbre

j. Deux angelots tenant une torche (disparus)
Bronze
H : env. 100 cm

k. Armoiries, urne fumante, palmes, branches de laurier (disparues)
Bronze

De ce monument important dans la carrière de Buyster, Guillet ne reçut que peu d’informations : « un homme des plus apparents de la ville de Bourges étant venu à mourir, M. Buyster en fit le tombeau de marbre où il y avoit plusieurs figures de vertus chrétiennes » [23]. Poussant l’investigation, Caylus se fit faire du monument une vue en perspective dessinée à la craie (disparue), attachée à une lettre datée du 1er juin 1750 contenant une description détaillée qu’il rapporte précisément, identifiant parfaitement les trois personnages [24]. Comme pour celui de Bailleul, c’est encore Mansart qui présida à la composition de ce monument dressé dans la chapelle Jacques Cœur (ou Saint-Ursin) de la cathédrale de Bourges, acquise en 1552 par Claude de Laubespine, baron de Châteauneuf [25].

Son petit-fils Charles de Laubespine, dans le testament qu’il rédigea le 23 septembre 1653, trois jours avant sa mort, avait exprimé le souhait d’être enterré dans la cathédrale de Bourges auprès de ses parents et donnait 10.000 livres à Mansart pour « qu’il fasse les effigies de mes père et mère et la mienne comme nous en avons devisé, en marbre ny trop somptueux ni trop pauvre et y soit employé jusques à la somme de 15 à 20.000 livres » [26]. Il avait déjà eu l’occasion de recourir aux services de Mansart qui avait agrandi son château de Montrouge en 1632. L’architecte lui-même possédait une médaille avec le portrait du commanditaire [27]. C’était en quelque sorte une habitude de la famille de commander des monuments funéraires avec figures de priants, si l’on se rappelle le tombeau aux Feuillants de Claude de Laubespine, comtesse de Chemirault, morte en 1613 et exécuté par Nicolas Guillain (statue conservée au musée de Poitiers), ou au tombeau de Jacques-Auguste de Thou et son épouse Gasparde de La Châtre à Saint-André des Arts , exécuté vers 1644 par François Anguier (conservé au Louvre).

Charles de Laubespine, qui avait joui de la haute charge de garde des sceaux et nourri de grandes ambitions, ayant encouru la disgrâce de Richelieu fut emprisonné durant onze années. Il retrouva les sceaux en 1650, mais fut une seconde fois disgracié en avril 1651 et se retira à Leuville où il mourut le 26 septembre 1653. La commande du monument, sorte de revanche sur ses infortunes, n’en était pas moins ambitieuse.

Le 22 août 1656, le marché (doc. 13) fut signé entre Buyster et René Mignon, procurateur de François de Laubespine, frère et exécuteur testamentaire du défunt, pour réaliser l’architecture et la sculpture du monument dans un délai de vingt mois et moyennant 18.500 livres, dont 3000 versées à la signature. Bien que le nom de Mansart n’apparaisse pas dans le marché, on sait par le testament de Charles de Laubespine que l’architecte est bien l’auteur du projet, et il est probable que c’est lui qui a recommandé Buyster pour son exécution [28]. Etant donné l’importance du décor sculpté, l’architecte et le sculpteur avaient dû le mettre au point ensemble.

86. Monument funéraire des Laubespine
à Bourges
Dessin encre de Chine et
lavis noir et bistre
Paris, Bibliothèque nationale de France
Photo : BnF
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Les stipulations du marché correspondent à peu près à un dessin levé pour Roger de Gaisnière, à l’encre de Chine et lavis noir et bistre, conservé à la Bibliothèque nationale [29] (ill. 86). En ce qui concerne la dorure des éléments en bronze, Buyster passa en 1658 un marché avec trois doreurs parisiens : Jean Henault, Estienne Novel et Tourdeux, pour dorer "en or fort et en or foible" et moyennant la somme de 550 livres ces éléments qui se voient sur le dessin : chapiteaux et bases, deux enfants de demi-bosse, grand vase et sa flamme, festons, trois armoiries, deux lampes en flambeaux, cinq lauriers, un laurier et deux palmes, quatre feuilles, dix chiffres, neuf clous, deux petits festons, une rose et un bas-relief de demi-bosse [30] (doc. 14).

Mansart avait dessiné un monument classique prenant place dans une chapelle gothique, adossé à une arcade en arc brisé. Buyster avait la possibilité de choisir une variante au dessin accepté, qui serait « un autre desseing fait en rond de l’aticque à prendre depuis la corniche jusques à la fin de l’arcade gothique », sorte de placage d’esprit plus classique sur une structure médiévale, option qu’il ne prit pas.

Haut de 5,50 m et large de 3,56 m, placé dans l’enfoncement d’une arcade profond de 0,50 m faisant face à l’autel de la chapelle, le monument se composait de trois parties : la partie supérieure avec l’arcade gothique, la centrale avec les pilastres et les trois statues des défunts, enfin le soubassement. Les matériaux sont précisés dans le devis : marbre blanc de Gênes, marbre noir de Dinan, enfin marbre jaspé de Dinan « le plus fin », et bronze pour les éléments décoratifs qui seront dorés selon le devis des doreurs : trois couches d’or faible, à l’exception des chapiteaux et bases, festons, armoiries et lauriers où il y aura deux couches d’or faible et une couche d’or fort. Ainsi la polychromie des matériaux soulignant l’architecture et faisant ressortir certaines parties, certainement décidée par Mansart et le commanditaire, rendait-elle le monument lisible et animé.

1. Partie supérieure : l’arcade ogivale était en marbre jaspé, et le fond en marbre blanc et noir. Doublant l’intérieur de l’arcade courait un long cordon de lauriers enrubannés en marbre, dont un fragment subsiste. A l’intérieur, un motif d’architecture en forme d’autel rectangulaire semble, d’après le dessin, être en marbre jaspé ; il s’ornait d’un bas-relief en demi-bosse en bronze (qui sur le dessin se détache sur fond blanc) représentant un squelette se redressant pour tendre à un ange une balance (évocation du Jugement dernier), disparu. De part et d’autre de cet autel étaient adossées deux Pleureuses (conservées) assises, yeux mi-clos, en demi-relief et en marbre, celle de gauche enveloppée d’un grand manteau croisant ses mains sur son front, celle de droite s’essuyant les yeux avec un pan de son manteau qui laisse paraître ses cheveux et dénude ses seins. Cet autel supportait une tête de mort et deux palmes en marbre, et dessus deux angelots nus tenant une torche (prévus en marbre, ils furent exécutés en bronze et dorés) agenouillés de chaque côté d’une urne ou cassolette enflammée en bronze, disparus.

2. Partie centrale : elle était constituée d’une arcade en plein cintre et montants latéraux en marbre blanc contre laquelle deux pilastres de marbre noir avec bases et chapiteaux d’ordre ionique en bronze supportaient un entablement : architrave et corniche en marbre blanc, frise en marbre noir décorée de lauriers et de palmes en bronze. L’arcature elle même était encadrée de deux bandeaux verticaux ornés d’un entrelacs (un fragment en subsiste) ; ses écoinçons étaient décorés d’une branche de laurier en bronze. Sur le fond de l’arcade en marbre noir était gravée en lettres d’or l’épitaphe (conservée). En marbre blanc, les trois statues de Guillaume et de Charles de Laubespine de chaque côté et de Marie de La Châtre au centre étaient agenouillées et présentées de face (conservées).

3. Le soubassement, double : en arrière corps, le soubassement en marbre noir supportant l’arcade était garni au milieu d’un feston de bronze doré, et de chaque côté de deux bas-reliefs en marbre blanc représentant des Vertus (Vertus conservées) : à gauche une femme assise devant un autel auquel elle s’appuie, un lion couché entre ses jambes, élève une balance et figure à la fois la Justice et la Force ; à droite, une femme, assise au-dessus d’armes gisant à terre, élève de la main gauche une couronne de lauriers et tient dans la droite un rameau d’olivier, symbolisant à la fois la Gloire et la Paix. Devant l’arrière-corps, les trois piédestaux (disparus) supportant les trois statues étaient en marbre noir, décorés de neuf clous et d’armoiries en bronze doré couronnées et portant les cordons des ordres [31] .

87. Philippe de Buyster (1595-1688)
Statue priante de Guillaume de Laubespine,
baron de Châteauneuf,
Marbre - H. 135 cm
Bourges, cathédrale Saint-Etienne
Photo :Thierry Prat (1989)
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88. Philippe de Buyster (1595-1688)
Statue priante de Guillaume de Laubespine
baron de Châteauneuf
, détail
Marbre - H. 135 cm
Bourges, cathédrale Saint-Etienne
Photo : Thierry Prat (1989)
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Les trois statues priantes des défunts, sculptés « tous d’une pièce de haulteur et largeur les plus ressemblants et les plus achevez que faire se poura », sont heureusement conservées et replacées dans la chapelle d’origine : à gauche Guillaume de Laubespine (1547-1629) (ill. 87, 88) qui fut conseiller d’Etat, ambassadeur et exécuteur testamentaire de Marie Stuart ; mains jointes (l’extrémité des doigts est cassée), il porte sur sa poitrine le cordon et la croix de l’ordre du Saint-Esprit et est revêtu de son manteau de magistrat brodé sur la manche gauche de la croix de l’ordre et froncé aux épaules et aux poignets ; le visage, avec la moustache abondante et la barbe en pointe, un peu boursouflé, où des rides partant au-dessus du nez creusent profondément un front dégarni, créent des poches sous les yeux, sans être très expressif ne manque pas de sensibilité et ne laisse pas indifférent. Buyster a porté un grand soin au traitement du manteau, avec le froncement du tissu aux épaules et surtout les larges plis larges et profonds, sachant créer un ensemble cohérent sans nulle rigidité pour ce personnage décédé depuis longtemps.

Sur la terrasse a été gravée la signature : PHI. DE BVISTER.FAI (ill. 89) ; c’est le seul ouvrage deBuyster qui nous soit parvenu avec une signature, comportant ici une faute dans l’orthographe du nom que le sculpteur écrivait toujours avec un y ; sans doute est-ce un apprenti de son atelier qui grava de façon erronée le nom du sculpteur.

89. Signature gravée sur la terrasse de la statue de Guillaume de Laubespine
Bourges, cathédrale Saint-Etienne
Photo : Françoise de La Moureyre (2006)
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90. Philippe de Buyster (1595-1688)
Statue priante de Marie de La Châtre
Marbre - H. env. 135 cm
Bourges, cathédrale Saint-Etienne
Photo : Thierry Prat (1989)
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Au milieu est placée son épouse Marie de La Châtre (morte encore plus tôt, en 1626) (ill. 90, 91), les mains délicatement posées sur la poitrine dans une attitude d’acceptation ; le vêtement est rendu avec plus de méticulosité dans les détails et un souci manifeste d’exactitude. Elle porte une ample robe serrée à la taille, garnie d’une collerette brodée, d’un grand col relevé également brodé et d’un collier ; ses cheveux sont coiffés en courtes boucles serrées comme des coquilles de beurre et sont maintenus par une coiffe tombant sur le front ; l’expression du visage, modelé avec douceur, est pensive.

91. Philippe de Buyster (1595-1688)
Statue priante de Marie de La Châtre : détail
Marbre - H. env. 135 cm
Bourges, cathédrale Saint-Etienne
Photo : Thierry Prat (1989)
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Enfin, à droite se tient Charles de Laubespine, le commanditaire (1580-1653), marquis de Châteauneuf (ill. 92, 93) ; l’expression douloureuse, il manifeste une ardente ferveur, les yeux levés vers l’autel, la main droite sur le cœur, la gauche tenant un livre entrouvert entre ses doigts. Il porte son grand manteau de garde des sceaux brodé de flammèches et le cordon de l’ordre du Saint-Esprit. Son visage, labouré de rides, reflète les malheurs de ses dernières années (emprisonné au temps de Richelieu, en constante opposition avec Mazarin). C’est la plus animée, la plus expressive des trois statues. C’est la seule des trois où les pupilles aient été dessinées, peut-être pour signifier que le commanditaire seul vivait quand le monument fut entrepris. Sans doute procura-t-on au sculpteur un portrait plus vivant et, probablement, une description précise de la personnalité du défunt. Il y a une savante gradation dans l’attitude de ces trois priants : calme pour le vieux Guillaume, plus intériorisée pour Marie, pathétique chez Charles ; Buyster a remarquablement su éviter l’écueil de la monotonie.

93. Philippe de Buyster (1595-1688)
Statue priante de Charles de Laubespine,
marquis de Châteauneuf
, détail
Marbre - H. 135 cm
Bourges, cathédrale Saint-Etienne
Photo : Thierry Prat (1989)
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Le thème des Pleureuses avait déjà été adopté pour le tombeau de Claude de Laubespine († 1627) aux Jacobins de Paris, connu par un dessin de la collection Gaignières. La représentation des deux Pleureuses de Bourges, qui sont presque en ronde-bosse, est traitée ici de façon très nouvelle (ill. 94). Celle de gauche qui croise les mains avec ferveur (ill. 95), prend son inspiration dans l’originale et émouvante Sainte Madeleine du sépulcre de Solesmes, œuvre datée de 1496, dont l’attitude est unique. On peut se demander comment Buyster a pu en avoir connaissance. Rappelons que Solesmes se trouve sur la route de Paris à Angers, où le sculpteur se rendit en 1650 pour la mise en place du gisant du cardinal de Rueil. Il faut croire qu’il y fit étape, y aura visité les célèbres « saints » des chapelles (c’est ainsi que la tradition locale désignait les chapelles sculptées de l’abbaye) et aura été marqué par cette étonnante statue de Madeleine déjà très connue. La Pleureuse de Buyster est cependant traitée avec un ciseau beaucoup plus rude et âpre que la Madeleine de Solesmes ; Buyster n’a pas cherché à rendre l’infinie douceur du modèle dont il s’inspirait qu’il n’avait évidemment plus sous les yeux, se souvenant sans doute surtout de son attitude particulière. Quant à l’autre Pleureuse dont la robe moulante dévoile des formes généreuses (ill. 96), elle manifeste un sentiment plutôt païen et antiquisant, d’une antiquité que Buyster a pu connaître à travers les Icones et Segmenta de François Perrier ; on pense à la figure de Junon du « Sacrifice à Jupiter et Junon » de la page 5, ou à la jeune mariée en pleurs dont une servante fait la toilette, à la page 50.

94. Philippe de Buyster (1595-1688)
Deux Pleureuses
Demi-reliefs d’applique, marbre - H. 122 cm
Bourges, cathédrale Saint-Etienne
Photo : Thierry Prat (1989)
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95. Philippe de Buyster (1595-1688)
Pleureuse de gauche, détail
Demi-reliefs d’applique, marbre - H. 122 cm
Bourges, cathédrale Saint-Etienne
Photo : Thierry Prat (1989)
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Les deux bas-reliefs de Vertus du soubassement, sous la forme de deux femmes, l’une tenant une balance avec un lion couché entre ses jambes (ill. 97), l’autre ayant déposé ses armes et brandissant une branche d’olivier et une couronne de laurier (ill. 98), s’inspirent sans doute pour une part de l’iconographie des médaillons de Vertus accompagnant le monument du cœur de Louis XIII dessinés par Sarazin ; mais ces médaillons en bas-relief, œuvres de l’atelier de Sarazin, avec des personnages de face et de trois-quarts, ne sont pas exempts de maladresses dans les périlleux raccourcis. Buyster, d’un ciseau très sûr, a évité cet écueil en présentant ces Vertus complètement de profil, avec seulement une torsion des corps montrés de trois-quarts. On peut remarquer que les Vertus de Buyster reprennent respectivement les attitudes de deux déesses figurant les Eléments, sculptées par Guérin d’après des dessins de Sarazin au château de Maisons : Junon dans le relief de l’Air, et Cybèle dans celui de la Terre.

Mais l’esprit, chez Buyster, est plus classique encore, influencé sans doute autant par les gravures de Perrier que par la peinture d’artistes que Buyster côtoie sans cesse comme Eustache Le Sueur. L’aisance dans le traitement des draperies, dans le mouvement des corps, le canon même de ces corps féminins et leur typologie, différents de l’art de Sarazin, relèvent pleinement de ce climat nouveau récemment qualifié d’« atticiste ».

96. Philippe de Buyster (1595-1688)
Pleureuse de droite, détail
Demi-reliefs d’applique, marbre - H. 122 cm
Bourges, cathédrale Saint-Etienne
Photo : Thierry Prat (1989)
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97. Philippe de Buyster (1595-1688)
Force et Justice
Bas-relief, marbre - H. 50 cm
Bourges, cathédrale Saint-Etienne
Photo : Thierry Prat (1998)
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98. Philippe de Buyster (1595-1688)
Gloire et Paix
Bas-relief, marbre - H. 50 cm
Bourges, cathédrale Saint-Etienne
Photo : Thierry Prat (1998)
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Par rapport à la statue en priante de Madeleine de Crèvecœur sculptée quelque vingt ou vingt-cinq années plus tôt par Buyster (n. 7), Marie de La Châtre fait preuve d’un progrès évident dans la souplesse de l’attitude et du drapé, dans l’expression d’un sentiment délicat et intériorisé. Quant aux Priants masculins de Guillaume et de Charles de Laubespine, ils offrent sans aucun doute plus d’expressivité et d’humanité que le cardinal de La Rochefoucauld qui leur est complètement contemporain.

Ce monument de Bourges montre chez Buyster une grande capacité à appréhender et à concilier des modes divers : celui des statues en priant qui a déjà fait largement ses preuves depuis le XVe siècle, qu’il décline ici avec trois approches, trois sensibilités, différentes ; les modes plus neufs d’un classicisme antiquisant diffusé par la gravure, en particulier celles de Perrier, et inspirant tout un courant « atticiste » de la peinture, que l’on retrouve dans une des Pleureuses et dans les Vertus ; enfin la transposition dans l’autre Pleureuse d’une « idée » bien antérieure qui est l’attitude de la Sainte Madeleine de Solesmes aux mains intensément jointes.

99. Philippe de Buyster (1595-1688)
Fragment d’entrelacs
Marbre
Bourges, musée
Photo : Thierry Prat (1998)
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100. Philippe de Buyster (1595-1688)
Fragment de cordon de laurier
Marbre
Bourges, musée
Photo : Thierry Prat (1998)
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La chapelle fut saccagée en 1793, le monument démonté. Tous les morceaux en bronze disparurent. Les trois Priants furent remisés dans la crypte et d’autres fragments dans un dépôt de la cathédrale. Ce n’est qu’à la toute fin du XIXe siècle que les trois statues des priants reprirent place dans la chapelle Jacques-Cœur, ainsi que, beaucoup plus récemment, les deux Pleureuses en marbre, l’inscription, les bas-reliefs de Vertus en marbre, tandis que sont demeurés dans le dépôt divers fragments ornementaux, tels que fragment d’entrelacs (ill. 99) ou de cordon de laurier (ill. 100).

31. Monument funéraire du cardinal François de La Rochefoucauld à Sainte-Geneviève du Mont, Paris (aujourd’hui dans la chapelle de l’Hôpital d’Ivry-sur-Seine, Val-de-Marne)
1656-1660

H. : du cardinal agenouillé : 157 cm
H. : du jeune garçon : 87 cm

b. Armoiries (disparues) et quatre roses (disparues) : marbre blanc

Arcade et jambages (disparus) : marbre jaspé de Dinan

Mur du fond et sarcophage(disparu) : marbre noir

Socle (disparu) : pierre de liais
Devises (disparues) : bronze entourées de feuilles d’or

Guillet n’a pas manqué de signaler ce « superbe mausolée » dans l’église abbatiale de Sainte-Geneviève du Mont, où le cardinal est « représenté à genoux et revêtu d’un manteau à longue queue portée par un Génie de la douleur » [32]. Trop tardif pour être décrit par Sauval, il est célébré en revanche par tous les autres historiens de Paris [33].

François de La Rochefoucauld (1558-1645), évêque de Clermont, reçut en 1607 le chapeau de cardinal du pape Paul V qui le chargea de faire appliquer les règles du concile de Trente en France. Il se fit bientôt remarquer par sa réforme de l’église cathédrale Saint-Vincent de Senlis. Le roi lui donna alors en 1619 la fonction d’abbé de Sainte-Geneviève avec pour mission d’y rétablir la discipline qui s’était considérablement relâchée, mission qu’il accomplit avec succès, ce qui permit aux Génovéfains de jouer un rôle important tant dans les affaires politiques que religieuses du royaume. Dans ce contexte, La Rochefoucauld fit entreprendre dans l’église de l’abbaye Sainte-Geneviève par l’architecte Lemercier, au cours des années 1620-1624, la réfection totale du tombeau de sainte Geneviève, la reconstruction de la crypte et celle du chœur dans lequel il fit placer la châsse de la sainte dans un nouveau corps d’architecture [34]. Le cardinal, chargé par le pape Grégoire XV de réformer d’autres congrégations, devint grand aumônier de France et président du Conseil d’État. Dans son testament en 1639, il avait demandé que son corps fût inhumé dans la chapelle basse de l’église Sainte-Geneviève, devant l’autel Saint-Jean-Baptiste, et que son cœur fût donné aux jésuites du collège de Clermont.

Dix ans après sa mort, les religieux de Sainte-Geneviève décidèrent de lui élever un monument et conclurent avec Buyster un marché faisant suite au devis [35] (doc. 15). Dans le devis était stipulé que, « dans la chapelle soubs terre de Saint-Jean », il y aura dans une arcade la statue agenouillée du cardinal en marbre blanc de Carrare d’une seule pièce de quatre pieds neuf pouces (H : 154 cm) et un ange tenant la queue de la robe du cardinal dans une autre pièce de marbre (210 cm de long), les deux statues posées sur le tombeau de marbre noir (113 x 275 cm) reposant sur un socle de liais (H : 216 cm) ; cet ensemble sera placé dans un enfoncement bordé d’une arcade en marbre jaspé de Dinan avec des jambages de même marbre, le fond étant revêtu de marbre noir ; les armoiries du défunt seront en marbre blanc ; à l’intrados de l’arcade il y aura trois devises de bronze entourées de feuilles d’or et quatre roses de marbre blanc. L’entrepreneur s’engageait en outre à fournir tous les matériaux, marbres, liais, bronze et « à rendre les ouvrages parfaits au rapport d’experts, conformément au dessin paraphé et suivant les modèles qui seront approuvez dans le temps ».

Aux termes du marché signé par-devant les notaires Deros et Chalon le 30 janvier 1656 (sept mois avant celui du monument des Laubespine) par les religieux génovéfains et Philippe de Buyster, le sculpteur s’engageait à exécuter le monument moyennant la somme de 6000 livres dans un délai de quatorze mois, « suivant les desseings qui en ont esté faits en deux feuilles séparées qui ont esté paraphées des partyes » et que le sculpteur avait conservées mais qu’il rendrait aux religieux dans un délai d’un mois. Buyster commanda l’arcade au marbrier Hubert Misson par un marché séparé signé le 28 mai 1656, au prix de 100 livres, Misson devant livrer l’arcade en marbre jaspé aux Tuileries où logeait le sculpteur [36] (doc. 16).

Buyster travailla au monument de 1656 à 1660, mais il dut procéder à quelques augmentations au marché initial qui lui furent payées 1400 livres, dont il donna quittance le 29 janvier 1664 [37] (doc. 17).

101. Croquis pour le tombeau d’un cardinal
Plume
Paris, Bibliothèque nationale de France
Photo : BnF
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Le monument sera en fait érigé non dans la chapelle sous terre de l’abbaye, mais dans l’église haute, dans une chapelle à droite du maître autel, près de la sacristie.

Cette fois-ci, la conception générale, tant pour l’architecture que la sculpture du monument, n’est pas redevable à un architecte tel que François Mansart. Elle a été arrêtée à la suite d’un arrangement entre les parties, c’est-à-dire les religieux génovéfains commanditaires et le seul sculpteur Buyster.

La réserve du cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale conserve deux dessins. Le premier (ill. 101) est un croquis pour le tombeau d’un cardinal où le prélat, représenté agenouillé de profil, porte un long manteau soutenu par un page agenouillé derrière lui ; l’architecture du monument, comportant deux paires de colonnes doriques soutenant un fronton curviligne avec des armoiries de cardinal, est très différente de ce qui fut décidé aux termes du marché puis réalisé ; il est possible que ce croquis soit cependant une première pensée pour ce monument. Le second dessin (ill. 102), exécuté à l’encre de chine, lavis noir et jaune, porte au dos la mention manuscrite : « paraffé, suivant le marché passé entre les parties ce jourd’huy trentiesme janvier mil six centz cinquante six par-devant les notaires soubzsignez » et est signé de Buyster ; il porte le cachet de la bibliothèque Sainte-Geneviève. Il est donc de la main du sculpteur, mais il diffère, on va le voir, du monument réalisé, tel que le restitua quelques années plus tard une gravure d’Abraham Bosse [38] (ill. 103).

102. Philippe de Buyster (1595-1688)
Dessin à l’encre de Chine, lavis noir et jaune,
accompagnant le devis et marché du 30 janvier 1656
pour le Tombeau du cardinal François de La Rochefoucauld
Paris, Bibliothèque nationale de France
Photo : BnF
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Dans ce second dessin, François de La Rochefoucauld, représenté sur son profil gauche, est agenouillé sur un coussin, mains jointes, le dos voûté, son long manteau décrivant une belle courbe derrière lui, dont l’extrémité se relève pour retomber, soutenue par un angelot nu. La gravure de Bosse, comme le groupe en marbre réalisé, montrent le prélat dans l’autre sens, sur son profil droit ; son dos est bien droit, et l’angelot nu est remplacé par un jeune garçon plus âgé faisant face au spectateur, vêtu d’une draperie qui dégage poitrine, bras et jambes. Mais Bosse a montré le cardinal la tête tournée vers la droite, vers le spectateur, ce qui ne fut pas le cas. Le sarcophage, dans le second dessin comme dans la gravure, est imposant, avec sa gorge couverte de larges feuilles d’acanthe et le tore inférieur de godrons ; dans le devis, il était seulement stipulé que le tombeau sera « ornez avecq mouleurs, architecture et ornemens suivant le desseing ». Au milieu de la gorge, Buyster avait dessiné un écu ovale dans un cuir chantourné coiffé du chapeau de cardinal et encadré par deux chutes de glands reposant sur la dalle pour l’inscription ; mais si l’on en croit la gravure de Bosse, en cet endroit il sculptera les armes de l’abbaye dans un médaillon circulaire dont le cadre sera formé d’une guirlande de lauriers avec deux festons retombant de part et d’autre, tandis que l’écu avec le chapeau et les glands surmontera l’arcade. Le décor de l’arcade, ses moulures, l’intrados, sont plus détaillés dans la gravure de Bosse que dans le dessin ; dans les écoinçons, Buyster avait dessiné la partie inférieure de deux personnages féminins drapés qui, dans la gravure de Bosse, sont deux figures de Vertus, la Religion et la Charité, assises de part et d’autre de l’écusson, vertus non signalées dans le marché et qui ne furent peut-être jamais exécutées. Enfin Bosse a encadré sa composition d’un entrelacs qui est probablement pure invention décorative de sa part.

103. Abraham Bosse (1602-1676)
Tombeau du cardinal François de La Rochefoucauld
Gravure
Paris, Bibliothèque nationale de France
Photo : BnF
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Le mausolée suscita d’abord une admiration unanime : « superbe » (Le Maire), « une des pièces des mieux travaillées qu’on puisse voir » (Brice), « chef d’œuvre de la sculpture » (Piganiol) [39]. Cependant, au milieu du XVIIIe siècle fusent quelques critiques, à la fois sur le plan éthique et sur la correction formelle du monument, critiques qui se focalisent en particulier sur l’enfant qui accompagne le cardinal : en 1750, c’est Caylus qui ouvre le ban : « Le Génie n’est ni d’un beau choix ni d’un beau travail mais la forme et les ornements du tombeau sont nobles et de bon goût, enfin l’ensemble a du mérite. Cependant le détail ne serait pas toujours à l’avantage de l’auteur ». Un peu plus tard, en 1756, Saintfoix s’étonne « que l’extravagante imagination qui a créé ce page, au lieu de le laisser à moitié nud ne lui ait pas donné de livrée » [40], propos repris par Millin et même beaucoup plus récemment par Amédée Boinet dans son excellent article de 1908 qui trouve « cette figure un peu choquante, à côté de l’effigie grave et majestueuse du prélat ». Millin jugeait « qu’il n’y avoit rien d’ingénieux dans la composition de ce monument, et même que le tombeau étoit de mauvaise forme » ; si la figure du cardinal « étoit bien exécutée et d’un dessin correct » avec de belles draperies, en revanche « la figure de l’enfant étoit insignifiante et mal dessinée » [41]. Dulaure, qui se livre à une critique acerbe de la personnalité même du cardinal, ajoute que cet « ange soutenant la robe du défunt et lui servant de page a fait naître quelques plaisanteries contre l’orgueil du prélat » qu’il dépeint à la fois crédule et fanatique [42]. Mais le cardinal avait surtout laissé le souvenir d’un réformateur rigoureux qui n’avait pas recherché le faste pour sa propre personne et s’était constamment mortifié pour contraindre sa nature sensible à demeurer dans le chemin de la vertu.

Millin a décrit le monument alors qu’il n’était déjà plus dans l’abbaye Sainte-Geneviève, mais qu’il avait été transféré au Musée des Monuments français. La représentation gravée qu’il en donne (ill. 104) montre pourtant le monument quand il était encore à Sainte-Geneviève. Elle semble un peu schématique mais assez exacte ; les figures de Vertus des écoinçons dont l’existence n’est pas attestée sont absentes et le motif des entrelacs que Bosse faisait figurer dans l’encadrement a pris place ici sur le socle.

104. Le Tombeau du cardinal de La Rochefoucauld
gravé par Michel Direx dans Millin Antiq.nat.
Photo : BnF
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105. Mausolée du Cardinal
de la Rochefoucauld
dessin au trait de Guyot
dans Alexandre Lenoir,
Musée des Monumens français
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En 1792, Lenoir a transporté au musée des monuments français uniquement le groupe sculpté avec les statues du cardinal et du jeune garçon, abandonnant le sarcophage, l’encadrement, les armoiries et les insignes [43] ; en 1805, il entreprend de restaurer les sculptures et leur crée un nouveau mausolée fantaisiste en utilisant divers débris d’autres monuments : sarcophage de marbre noir, consoles, bas-relief en marbre blanc figurant un Memento mori (ill. 105).

Dévolu en 1826 à l’église Saint-Etienne-du-Mont mais non transporté [44] , le mausolée reconstitué par Lenoir sera installé en 1821 dans la chapelle de l’Hôpital des Incurables (aujourd’hui Hôpital Laënnec) qu’avait jadis fondé le cardinal et où se trouvaient ses entrailles [45] , puis on le transférera en 1878 dans la chapelle de l’asile d’Ivry, devenu Hôpital d’Ivry (successeur de l’ordre de la Charité de l’hospice des Incurables), où il se trouve toujours, dans l’arrangement de Lenoir de 1805, et encore accompagné de son épitaphe d’origine gravée sur une dalle de marbre noir (ill. 106). Là donc, seules les figures de marbre sont de Buyster, et non le sarcophage ni le bas-relief. A côté de l’enfant, sur le manteau se voient un livre et une barrette de cardinal, non indiqués dans le marché ni sur les documents graphiques ; ce sont sans doute des adjonctions de Lenoir. On remarque bien la césure entre les deux morceaux de marbre dans lesquels fut taillé le groupe, qui se situe juste derrière la figure du cardinal. Buyster avait dû habilement la dissimuler, mais les transports successifs des sculptures l’ont fait réapparaître. Les pieds de l’enfant ont été brisés.

106. Philippe de Buyster (1595-1688)
Tombeau du cardinal François
de La Rochefoucauld
Marbre - H. du groupe sculpté : 157 cm
Ivry-sur-Seine, Hôpital Saint-Pierre
Photo : Thierry Prat (1990)
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107. Philippe de Buyster (1595-1688)
Tombeau du cardinal François
de La Rochefoucauld
Détail : le cardinal
Marbre - H. du groupe sculpté : 157 cm
Ivry-sur-Seine, Hôpital Saint-Pierre
Photo : Thierry Prat (1990)
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En dépit de l’absence des éléments décoratifs et architecturaux dont il est désormais privé, le groupe n’en est pas moins superbe et imposant. Buyster a représenté le cardinal (ill. 107) avec une parfaite dignité, sans raideur, ses belles mains jointes, son visage sérieux mais dénué d’une expression particulière, presque dépersonnalisé, la barbe bouclée, quelques mèches s’échappant de la calotte. Le cardinal mourut à l’âge de 87 ans, le personnage que Buyster a représenté est indéniablement plus jeune. Il est vêtu d’une aube garnie de dentelle, d’une pèlerine de fourrure sur laquelle est passé le cordon du Saint-Esprit, et enfin d’un immense manteau bordé aussi de fourrure. Le coussin sur lequel il est agenouillé s’orne de dentelles ; les textures de ces différentes matières, rendues sans excès de détails, créent une certaine diversité et offrent une animation par les jeux d’ombre et de lumière. La sévérité de la composition est comme annoblie par la beauté du drapé du manteau traité avec une belle ampleur, décrivant de souples mouvements sur la jambe du cardinal, puis une longue courbe qui se déploie, remonte lentement pour chuter entre les mains de l’enfant. Celui-ci, tourné résolument vers le spectateur, crée une diversion, un contraste, et met un terme au sévère déroulement longitudinal de la composition (ill. 108, 109).

108. Philippe de Buyster (1595-1688)
Tombeau du cardinal François
de La Rochefoucauld
Détail : l’enfant portant la queue du manteau
Marbre - H. du groupe sculpté : 157 cm
Ivry-sur-Seine, Hôpital Saint-Pierre
Photo : Thierry Prat (1990)
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109. Philippe de Buyster (1595-1688)
Tombeau du cardinal François
de La Rochefoucauld
Détail : l’enfant portant la queue du manteau
Marbre - H. du groupe sculpté : 157 cm
Ivry-sur-Seine, Hôpital Saint-Pierre
Photo : Thierry Prat (1990)
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La présence même de cet enfant bouclé et légèrement souriant, jeune et charmant sans affectation, n’a certes aucun caractère religieux. Guillet de Saint-Georges le désignait comme un « Génie de la douleur », tel qu’on en voyait fréquemment dans les monuments funéraires de son temps, mais Guillet l’avait-il vraiment observé ? Ce n’est pas non plus l’angelot qu’avait prévu Buyster dans son devis. Notons que cette création insolite ne choqua en rien les contemporains ; en revanche nous avons vu qu’un siècle plus tard elle déchaîna les quolibets de la part d’esprits tels que Saintfoix, Millin, Dulaure, pour des raisons de convenance. Aujourd’hui, elle nous enchante pour des critères purement esthétiques. Traité dans un esprit plus hellénistique que baroque ainsi que le souligne justement Chaleix, création totalement dégagée des pulpeux canons rubéniens revisités par Sarazin, cet enfant aux chairs tendres et fermes, au corps mince en rotation, que la tunique, disposée avec art, couvre ou dégage, est attentif en même temps que détaché de la scène à laquelle il participe. Ses yeux sans pupille renforcent ce sentiment. Il nous offre une nouvelle étape dans le savoir-faire de Buyster qui a toujours si bien traduit la grâce enfantine ou juvénile, depuis les Amours de l’Escalier de Maisons (ill. 59-66) jusqu’à ses créatures ailées dansant au-dessus de la chapelle du Saint-Sacrement au Val-de-Grâce (ill. 119-122).

32. Buste du cardinal François de La Rochefoucauld (disparu)

33. Buste de Jean-Pierre Camus, évêque de Belley (disparu)
1658
Marbre blanc

Décrits par les historiens de Paris comme des œuvres de Buyster, ces bustes étaient placés sur des piédouches de marbre noir aux angles de la « salle des hommes » de l’hôpital des Incurables, en compagnie de deux autres bustes sculptés par un nommé Durand [46].

L’hôpital des Incurables, fondé rue de Sèvres en 1634, était desservi par les sœurs de la Charité et administré par l’hôtel-Dieu. Le cardinal François de La Rochefoucauld (1588-1645) était considéré comme son fondateur, ayant fait un don important le 4 novembre 1634 à cet effet. Le couvent fut construit par Pierre Dubois sur les plans de l’architecte Christophe Gamard, et tout d’abord la chapelle de 1635 à 1638. De nouveaux dons par François de La Rochefoucauld en 1641 et 1644, spécifiés dans les codicilles de son testament, permirent la construction en 1644-48 de salles pour recevoir les malades : salle Saint-Louis pour les hommes, Saint-Matthieu pour les femmes [47].

Buyster reçut le 2 mars 1658 un payement de 400 livres pour un buste en marbre blanc représentant le cardinal de La Rochefoucauld avec son piédestal en marbre noir [48]. Cette commande lui fut passée parce qu’il avait sculpté le monument funéraire du cardinal à Sainte-Geneviève. En revanche, on n’a pas retrouvé la trace de commande ou de payement pour le buste de Camus.

Jean-Pierre Camus (1587-1652), qui avait été sacré évêque dans son église de Belley des mains de François de Sales, connu par ses écrits polémiques et par sa charité, s’intéressa toujours à l’hôpital des Incurables où il fonda six lits. Il s’y retira en 1651 et y mourut l’année suivante, instituant l’hôpital son légataire universel [49]. Sa tombe (par Buyster) et celle du cœur du cardinal étaient placées dans la chapelle au pied du maître-autel.

Deux autres bustes prirent place dans la même Salle des Hommes, sculptés plus tard par Philippe Durand (auteur de dalles dans la chapelle en 1671 et 1677), représentant Saint François de Sales, béatifié en 1659 et canonisé en 1665, et Saint Charles Borromée. La charité manifestée par ces deux saints, le premier visitant les malades, le second secourant les pestiférés pendant la grande épidémie de peste à Milan, justifiaient leur évocation en cet endroit.

En 1791, l’hôpital continua à fonctionner bien que les administrateurs aient été relevés de leurs fonctions ; les hommes furent transférés aux Récollets du faubourg Saint-Martin en 1801 et les femmes à Ivry en 1869. L’hôpital, alors fermé, fut rouvert en 1878 sous le nom d’hôpital Laënnec. Les bustes ont disparu à une date non connue.

Amédée Boinet a pensé retrouver à la bibliothèque Sainte-Geneviève dans le buste en plâtre représentant le cardinal de La Rochefoucauld le modèle du buste en marbre de Buyster [50], opinion que Chaleix a réfutée [51] et que nous réfutons également, ce buste ne présentant aucune concordance stylistique et aucune ressemblance morphologique avec le visage du cardinal sculpté par Buyster pour le tombeau.

Les portraits de Camus, peints (Philippe de Champaigne) ou gravés, abondent, car, remarque A. Garreau « il ne lui répugnait pas de faire tirer son portrait » ; montrant l’évêque de Bellay avec sa longue barbe, son nez très fort, son regard vif et profond, ils offrent un modèle plus expressif que les portraits gravés du cardinal de La Rochefoucauld ; cependant ils n’ont pas permis jusqu’à ce jour de redécouvrir le buste de Buyster.

34. Tombe de Jean-Pierre Camus, évêque de Belley (disparue)
1658
Marbre noir

En marbre noir, entouré d’une bande de marbre blanc, c’était une simple dalle où étaient gravées l’épitaphe et les armes du défunt, de 2,75 sur 1,80 m, qui fut payée 350 livres à Buyster, « avec les armes et les escritures » le 7 mai 1658 [52]. Elle est représentée dans le manuscrit latin 17024 de la Bibliothèque nationale, fol. 59 [53] . Elle était placée dans la chapelle de l’hôpital des Incurables au pied des marches du grand autel, à côté de la petite tombe en marbre pour les viscères et le cœur du cardinal François de La Rochefoucauld..

Françoise de la Moureyre

Notes

[1Marché découvert et publié par Joseph Denais, « Le tombeau et la statue de Claude de Rueil par Philippe de Buyster (1650) », Réunion de la Société des Beaux-Arts des départements, t. 23, 1899, p. 313-19. Voir aussi L. Farcy, Monographie de la cathédrale d’Angers, 1905, II, p. 176-80 ; Chaleix, p. 77-79.

[2Péan de La Tuillerie, Description de la ville d’Angers, 1768, p. 78 (avec annotations de Célestin Port).

[3Angers, Bibliothèque municipale, ms. 652, p. 1-8.

[4Ibid., p. 9, publié par Denais, cité supra.

[5Ballin, « Les Annales et Antiquités de l’Anjou », ms. 991 (867) de la bibliothèque municipale d’Angers, fol. 481-82.

[6BnF, Gaignières, inventaire Bouchot n° 2592 et calque n° 6675.
7.

[7Inventaire des Richesses d’Art de la France. Province, monuments religieux, éd. Plon, 1891-97, p. 27-28 (notice de Joseph Denais).

[8Guillet, p. 286 ; Chaleix, p. 114-15.

[9Braham & Smith, p. 74-45, 237-39 ; François Mansart, génie de l’architecture, p. 199-212 (notice de Guy-Michel Leproux).

[10Convention du 4 août 1651, MCAN, LI, 232. Le seul marché connu est celui du 22 décembre 1651 pour le transport de pierre de Saint-Leu, publié dans François Mansart. Bâtiments, p. 275-76 ; cela ne signifie pas que ces pierres aient été destinées au portail qui était déjà en cours d’exécution.

[11J.F. Blondel, Architecture française, 1752-56, II, p. 9, portail gravé par Marot.

[12Sauval (vers 1655) I, p. 435.

[13Guillet, I, p. 281 ; Chaleix, p. 114 ; A. Gady, Jacques Lemercier, p. 409-413.

[14Caylus.

[15BnF, ms. fr. 11760, p. 28-40.

[16Arch. nat., N III Seine 110 4.

[17Marché du 6 novembre 1656, MCAN, XCVIII, 192, publié par M.T. Glass-Forest, « Actes notariés et restitution archéologique d’un maître autel », Revue de l’Art, 1961-54, p. 79-84.

[18Etat des dépenses d’Anne d’Autriche, BnF, ms.fr. 10414, fol. 177-83, cité dans Chaleix, p. 63-65 ; Claude Mignot, Le Val-de-Grâce. L’ermitage d’une reine, Paris, CNRS éd., 1994, p. 51-55

[19MCAN, CXII, 66, in Mignot, ibid., p. 53 et note 18.

[20Guillet, p. 287.

[21Chaleix, p. 116-18 ; marché du 23 février 1655, MCAN, CX, 95, pp. 140-41 ; Braham & Smith, p. 111, 247 ; François Mansart. Bâtiments, n° 127, p. 471-473 ; François Mansart, génie de l’architecture, p. 221 (notice de J.P. Babelon).

[22M.F. de Guilhermy, Inscriptions de la France, IV, 1879, p. 214-16 ; Abbé E. Colas, « Histoire d’un village : Soisy-sous-Etiolle », Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil, 1900, p. 88-91.

[23Guillet, p. 286.

[24Caylus.

[25cf. A. de Girardot et H. Durand, La cathédrale de Bourges, Moulins, 1849, p. 97 ; P. Gauchery, « Les statues et les mausolées des familles de l’Aubespine et de la Grange Montigny à la cathédrale de Bourges », Mémoires de la Société des Antiquaires du centre, t. 27, 1903, p. 369 et suiv. ; Chaleix, chap. XIII, p. 87-92, 142-45 (marché) ; Braham & Smith, p. 110-111, 246.

[26Le testament est cité par Girardot et Durand, cf. supra ; il en existe une copie à la bibliothèque de l’Arsenal, ms. 675. Retranscrit dans François Mansart. Bâtiments, n° 97 p. 363-66.

[27Sur les liens entre Charles de Laubespine et Mansart, la réfection de son château de Montrouge, la médaille possédée par Mansart, et le monument funéraire de Bourges, voir François Mansart. Génie de l’architecture, p. 31 (médaille), 123-125 (notice sur Montrouge de J. Barreau et A. Gady), p. 222-223 (notice sur le tombeau, par J.P. Babelon).

[28MCAN, XVI, 416, transcrit dans Chaleix et de façon plus scrupuleuse dans François Mansart. Bâtiments, n°98, p. 366-70.

[29BnF, Estampes, Pe 13 rés. fol. 15. Au revers du dessin, Gauchery a relevé ces lignes manuscrites : « ce tombeau qui existait dans l’église cathédrale de Bourges est celui de Guillaume de Laubespine baron de Chateauneuf, de Marie de La Chastre son épouse, de Claude (sic) de Laubespine marquis de Chateauneuf, garde des sceaux en France leur fils ».

[30Marché du 30 mai 1658, MCAN, LIII, 26 (inédit).

[31Gauchery (cité note 3) explicite les ornements armoriaux : sous Guillaume de Laubespine, baron de Châteauneuf : un écu entouré des colliers des ordres du roi et timbré d’une couronne de baron ; les armoiries, partie de Laubespine et de La Châtre, se lisent, Laubespine, écartelé aux 1 et 4 d’azur au chevron alaisé d’or cantonné de quatre billettes de même aux 2 et 3, de gueule à trois fleurs d’aubespine d’argent posées 2 et 1 ; La Châtre : de gueules à croix ancrées de vair. Au-dessous de Marie de La Châtre, le même écusson avec des palmes à la place des colliers des ordres. Au-dessous de Charles de Laubespine, les insignes du garde des sceaux.

[32Guillet, p. 287.

[33Le Maire , Brice, Piganiol, Thiéry , Dulaure, Hébert, Millin. (voir infra notes 8 à 11).

[34A. Gady, Lemercier, p. 226-29.

[35Voir l’étude très complète d’Amédée Boinet, « Le tombeau du cardinal François de La Rochefoucauld », Revue archéologique, 1908, p. 96-105. Le texte manuscrit du marché est conservé à la bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 745, fol. 104 et a été publié dans la Revue archéologique de 1850, p. 684-86.

[36MCAN, LIII, 18. Signalé par Chaleix, p. 8, note 5, mais qui n’a pas établi de lien entre ce marché et le monument La Rochefoucauld.

[37Selon une note de Mercier de Saint-Léger, bibliothécaire de l’abbaye dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, indiquée par Du Molinet dans "Histoire de l’abbaye de Sainte-Geneviève", Bibl. Sainte-Geneviève, ms. 610, p. 451, et reproduite par A. Boinet, art. cit., p. 99.

[38Cette gravure, dont le Cabinet des Estampes de la Bibl. nat. détient six épreuves, n’est pas datée. A. Bosse la dédie à la nièce du cardinal, Marie Catherine de La Rochefoucauld, duchesse de Randan, marquise de Senecey. C’est le seul tombeau qu’il ait gravé. Nous nous sommes demandés s’il l’avait fait par amitié pour Buyster, mais on constate que le nom du sculpteur n’apparaît nulle part sur la gravure. On ne peut prétendre que Buyster ait été un des familiers de Bosse. Tous deux cependant connurent des démélés avec l’Académie royale, mais pour des motifs différents : Buyster ne s’y rendant presque jamais dans les années 1654-1655 en fut exclu ; Bosse, en tant que graveur, ne pouvait prétendre y entrer, mais il fut requis en 1651 d’y enseigner la perspective avec le titre d’académicien honoraire ; s’en suivirent des querelles doctrinales dans les années 1657-1661 avec Le Brun et Errard qui aboutirent à son exclusion. Buyster comme Bosse refusaient de se soumettre aux ordonnances de l’institution, mais Buyster finit par demander sa réintégration.

[39Le Maire, Paris, I, 1685, p. 272 ; Brice, Descr., 1684, p. 27 ; 1697, II, p. 25 ; Piganiol, Paris, 1765, VI, p. 67.

[40Caylus ; Germain Poullain de Saintfoix , Essai historique sur Paris, 1766, I, p. 174.

[41Cf. Boinet cité note 4. Millin, Antiq. nat., V, 1799, p. 67, gravure par Michel Direx t, LX, pl.. III, p. 67. Reproduite ainsi que le texte de l’épitaphe dans Raunié , Épitaphier, IV, 1914, p. 430-31.

[42Dulaure, Histoire civile, physique et morale de Paris, t. II, 1825.

[43Inventaire des Richesses d’art de la France. Archives du musée des Monuments français, II, p. 35, 57, 186 ; Courajod, Lenoir, I, p. 12.

[44Arch. Mus. Mon. fr., I, p. 324. C’est ainsi qu’il est représenté dans Lenoir, Mon. fr., V, pl. 180, p. 72-74, dans une gravure au trait de Guyot. Lenoir décrit ainsi le Memento mori dont il a probablement commandé lui même l’exécution et qu’il a inséré dans le soubassement : « une tête de mort ailée planant au-dessus des conditions de la vie humaine, que le sculpteur a exprimées par les attributs du trône, du sacerdoce, du commerce et de l’agriculture. Cette allégorie, bien faite, est propre à rappeler aux hommes que la mort frappe indistinctement toutes les classes de la société ». Courajod, ibid., I, p. 93.

[45Verlet, Epitaphier, V 2, 1985, p. 321, 323.

[46Le Maire, III, 1685, p. 171 ; Brice, 1725, III, p. 414 ; Piganiol, Paris, 1765, VII, p. 410 ; Hébert , 1766, p. 210.

[47« Mémorial historique sur l’hôpital des Incurables divisé en cinq chapitres », Archives de l’Assistance publique, carton 191-2.

[48Archives de l’Assistance publique, fonds des Incurables, 5ème carton, 1658-1659, cité dans Verlet, Epitaphier, V 2, 1985, p. 323, note 2.

[49A. Garreau, Jean-Pierre Camus, Parisien, évêque de Belley, 3 novembre 1584-26 avril 1652, Paris, 1918.

[50A. Boinet, « Le tombeau du cardinal François de La Rochefoucauld », Revue archéologique, 1908, p. 96-106.

[51Chaleix, p. 85-86.

[52Archives de l’Assistance publique, 5ème carton, 1658-59, publié par Verlet, Epitaphier, V 2, 1985, p. 324.

[53Reproduit dans ibid.

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