Les Trois Grâces de Cranach du Louvre censurées à Abou Dhabi

12/3/11 - Censure - Louvre Abou Dhabi - Il y a près d’un an et demi, alors que l’agence France-Museums souhaite conserver secrets les achats les plus récents effectués pour le compte du Louvre Abou Dhabi [1], était présentée en grande pompe dans Le Figaro une acquisition figurant Vénus et ses nymphes au bain, un médiocre tableau de Louis-Jean-François Lagrenée (ill. 1), qui présentait cependant l’avantage de montrer quelques beautés dénudées. Preuve indiscutable que le Louvre défiait la censure à Abou Dhabi, cette communication avait évidemment pour but de faire taire les quelques opposants qui osaient mettre en doute cette affirmation.


1. Louis-Jean-François Lagrenée (1725-1805)
Vénus et les nymphes au bain, 1776
Huile sur toile - 85 x 100 cm
Louvre Abou Dhabi
Photo : Stair Sainty
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2. Annonce de la souscription pour l’achat des
Trois Grâces de Lucas Cranach par le Louvre
dans Le Monde du 23 ou 24 novembre 2010
censurée par les fonctionnaires d’Abou Dhabi
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Las ! Chassez le naturel il revient au galop. Au mois de novembre dernier, les quelques acheteurs du Monde [2] à l’aéroport d’Abou Dhabi pouvaient constater avec surprise que l’appel à mécénat pour l’achat des Trois Grâces publié par le Louvre était vigoureusement barré de noir à l’emplacement des fesses, des sexes et des seins des trois indécentes jeunes femmes (ill. 2).
Certes, quelques jours plus tard le même appel diffusé par le Financial Times [3], agrémenté de l’image des mêmes accortes beautés, défiait la censure et ne cachait rien de leurs charmes aux lecteurs. Preuve que les fonctionnaires émiratis sont parfois distraits ou peu zélés. Il n’empêche. Renaud Donnedieu de Vabres affirmait dans son discours aux conservateurs de musées, réunis le 16 janvier 2007, qu’ « il n’y aurait pas d’interdit quant au choix des œuvres » et que « les Emiriens veulent former le goût de leur population et des pays de la région ». Un goût très asexué apparemment.

Il semble par ailleurs que personne ne se soit encore inquiété des conséquences des révolutions arabes pour le futur Louvre à Abou Dhabi. Les événements d’Egypte et le vandalisme qui a touché le musée du Caire et plusieurs zones archéologiques – et qui paraît hélas se poursuivre - devraient pourtant être pris très au sérieux. Alors que les partis d’opposition sont interdits dans les Emirats Arabes Unis, des voix commencent à s’élever pour demander, aussi, l’accès à la démocratie. Bien malin celui qui pourrait prévoir comment la situation y évoluera dans les prochains mois et les prochaines années, et comment des œuvres abritées dans un bâtiment entièrement voulu et financé par la famille régnante pourraient être traitées si celle-ci connaissait un jour le même sort que Moubarak ou Ben Ali. Les opposants au Louvre Abou Dhabi avaient déjà dénoncé les risques que fera peser au musée l’instabilité politique de la région, notamment en raison de la proximité avec l’Iran. C’est encore plus vrai aujourd’hui.

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