Les statues publiques, menacées de toute part sous l’œil amorphe de l’État

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1. Anatole Marquet de Vasselot (1840-1904)
Monument de Victor Schoelcher à Fort-de-France, détruit le 22 mai 2020
Carte postale ancienne
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Nous n’avons pas encore évoqué sur La Tribune de l’Art les menaces, qui se concrétisent parfois par des destructions, menées contre les statues par de prétendus antiracistes, qui ne sont rien d’autres que des vandales décérébrés et ignorants. Avouons que nous sommes un peu sidéré, au sens premier du terme, de cette vague de fond qui semble n’avoir aucune limite. La dénoncer sur La Tribune de l’Art ? Bien sûr, il faut le faire, mais il est douteux que nous puissions toucher des incultes totalement conditionnés qui ne sont accessibles à aucun raisonnement. Faire la liste des destructions ? Heureusement, à l’exception de la sculpture de Victor Schoelcher par Anatole Marquet de Vasselot (ill. 1), irrestaurable (voir cet article), aucune attaque contre des œuvres ne semble avoir encore détruit de statue ayant une importance artistique, même si beaucoup ont été taguées (ill. 2). À propos de cette dernière, et de cette question d’iconoclastie, on pourra néanmoins lire - il est en accès libre - le texte que nous avons publié sur le site du Figaro, à sa demande. Nous ne pouvons pas davantage nous inquiéter publiquement de certaines œuvres que nous craignons très menacées, car cela serait désigner à ces barbares leurs prochaines cibles.


2. Louis Botinelly (1883-1962)
Les Colonies d’Asie
Sculpture récemment vandalisée par tag
Marseille, escalier de la gare Saint-Charles
Photo : Didier Rykner
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Nous pouvons, en revanche, faire plusieurs choses. D’une part nous inquiéter de la faiblesse de ce gouvernement qui, tout en expliquant par la voix du président de la République, qu’aucune statue ne sera déboulonnée, semble bien complaisant avec les auteurs de ces faits. Surtout, nous pouvons dénoncer l’absence de protection visible des sculptures les plus menacées, laissant ainsi à l’extrême-droite la charge de les défendre comme on l’a vu récemment avec la statue de Faidherbe (voir cet article). Le danger le plus évident de ces événements, c’est bien de laisser penser qu’il n’y aurait que deux forces en jeu : les indigénistes racialistes d’un côté, les extrémistes de droite de l’autre, comme s’il fallait choisir entre l’un et l’autre, alors que nous rejetons les deux avec la même force. Il serait temps que les républicains, terme qui ne devrait pas être annexé, comme il l’est actuellement, par un parti politique, de gauche comme de droite, se réunissent pour s’opposer avec force à ces dérives. Ce sont eux qui devraient défendre ces statues.

Il faut d’autre part dénoncer également les initiatives qui commencent à fleurir, dont le Figaro parlait hier, consistant à vouloir « nettoyer » les sculptures souillées. Car n’importe qui ne peut pas intervenir pour restaurer une œuvre d’art (nettoyer, c’est une restauration) comme naguère certains le faisaient sur les tableaux en les frottant avec une pomme de terre. La restauration est un métier, pour lequel des spécialistes sont formés, durant de longues années. On ne traite pas le bronze comme la pierre ou comme le marbre, les produits ne peuvent être utilisés au hasard, certains pouvant les dégrader de manière irréversible. Même l’utilisation du bon produit sur la bonne matière ne peut se faire n’importe comment. Il ne viendrait à l’idée de personne de s’improviser médecin, pourquoi pourrait-on s’imposer restaurateur ?

Pas davantage qu’il n’est admissible de laisser les sculptures sans protection, il n’est acceptable qu’une fois celles-ci abimées, elles puissent rester une seule journée dans cet état sans que les pouvoirs publics n’interviennent rapidement, quasiment immédiatement, pour restaurer l’œuvre avec de vrais professionnels. Sachant que ceux-ci ont été très touchés par la crise du Covid-19, au moins cela permettrait-il aussi de les aider. Une fois de plus nous avons besoin de signaux forts de l’État, qui en laissant faire les uns et les autres laisse pourrir une situation qui pourrait très vite devenir incontrôlable.


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