Le scandale de la nomination de Catherine Pégard à la tête de Versailles

Château de Versailles
Photo : Didier Rykner
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L’information a été révélée par Vincent Noce dans Libération d’aujourd’hui et nous pouvons la confirmer : Jean-Jacques Aillagon ne bénéficiera pas d’une dérogation et devra faire valoir le 1er octobre prochain ses droits à la retraite.
Que le président de Versailles ne puisse aller au delà de ses 65 ans pour terminer son mandat, malgré les nombreuses exceptions à la règle est une chose. Que son remplaçant soit Catherine Pégard en est une autre, infiniment plus choquante. Cette nomination annoncée (mais qui ne devrait être confirmée que demain [1], en Conseil des ministres), dont Vincent Noce avait évoqué l’hypothèse le 2 mai dernier, est considérée comme acquise depuis déjà plusieurs mois et nous en avions eu nous-même confirmation provenant de plusieurs sources au plus haut niveau.

Nous ne rappellerons pas ici à quel(s) titre(s) Catherine Pégard mériterait la fonction de présidente de l’Etablissement Public de Versailles puisqu’elle n’en possède aucun. Celle-ci n’a jamais en effet travaillé de près ou de loin dans le domaine des musées ou de la culture et n’a aucun cursus universitaire qui la prédisposerait à ce poste. Catherine Pégard est une journaliste politique comme le rappelle sa fiche Wikipédia [2] Elle a fait presque toute sa carrière au Point avant d’être nommée en 2007 conseillère du Président de la République et depuis mars 2008 en charge de sa cellule politique.
C’est donc une nomination politique désormais que celle de président de Versailles, et cette affaire va décidément encore bien au delà de ce que nous dénonçons depuis déjà plusieurs années.

C’est une véritable gifle pour les conservateurs de musée et pour les historiens de l’art en général que vient de leur donner le président de la République, sans que Frédéric Mitterrand ne s’y oppose. Il n’en a évidemment pas les moyens, d’autant que celui-ci - chose peu connue - doit en partie à Catherine Pégard sa propre nomination à la tête de la Villa Médicis en 2008 qui lui servit de tremplin pour devenir ministre. Elle s’était en effet activement engagée dans le processus de désignation.
Un premier pas avait été franchi à Versailles avec la nomination de Christine Albanel. Mais jusqu’ici, les administrateurs propulsés à la tête des Etablissements Publics avaient au moins un vernis culturel qui leur donnait une apparence de légitimité. Même Xavier Darcos aurait été mieux à sa place (voir l’article). Jean-Jacques Aillagon avait fait toute sa carrière à des postes de ce type, jusqu’à devenir ministre de la Culture. Désormais, ceci n’est plus nécessaire. Il n’est même plus possible de parler d’Enarchie. N’importe qui, pourvu qu’il plaise au prince, peut demander la présidence d’un musée.

Jean-Jacques Aillagon était, sous bien des points, critiquable (et nous ne nous en sommes pas privé ici), il avait au moins un véritable amour du château et, de l’aveu même des conservateurs, prenait en compte leurs opinions. Sa plus grande faute aura sans doute été de faire modifier les statuts de l’établissement (voir l’article), reléguant les scientifiques à un rôle somme toute mineur dans la gestion du domaine et donnant au président la responsabilité de la programmation des activités culturelles et scientifiques ainsi que des publications de l’établissement.
Dans la série « les promesses n’engagent que ceux qui y croient », rappelons l’engagement de Nicolas Sarkozy avant son élection : « Je proposerai la ratification des principales nominations de fonctionnaires ou d’autorités par les commissions compétentes de l’Assemblée, afin qu’elles ne soient plus le produit de la connivence, mais de la compétence [3] ». On admirera la manière dont le président de la République française respecte sa parole et nomme selon les « compétences ». Il reste à espérer que la nouvelle présidente en sera consciente et laissera les conservateurs s’occuper du château.

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