Chancellerie d’Orléans : avis de recherche

Le dossier du remontage de la Chancellerie d’Orléans fêtera l’an prochain son siècle, puisque la convention signée entre la Banque de France et la ville de Paris prévoyant la démolition de cet hôtel particulier parisien proche du Palais Royal fut signée le 15 juin 1921. Réjouissons-nous à l’idée que cet anniversaire sera le dernier : le chantier de restauration et de remontage des décors dans l’hôtel de Rohan (Archives nationales), conduit par la Banque de France et le ministère de la Culture, touche en effet à son terme. [1]


1. Arch. nat., N III Seine 508, plan du rez-de-chaussée de la Chancellerie d’Orléans, s.d. [après 1784]
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Une découverte toute récente sur l’histoire de l’hôtel mérite cependant d’être signalée. Bâti par Germain Boffrand dans les premières années du XVIIIe siècle, l’édifice fut redécoré par Charles de Wailly entre 1766 et 1772 pour le marquis de Voyer. De Wailly ne modifia qu’à la marge le plan initial, qui offrait au rez-de-chaussée cinq pièces principales, visibles sur un plan de la fin du XVIIIe siècle (ill. 1) : du côté de la cour, une antichambre double et le cabinet de toilette de la marquise de Voyer ; du côté du jardin du Palais Royal, trois pièces en enfilade : la salle à manger, le grand salon, et la chambre de Mme de Voyer.

En 1923, l’architecte chargé de la démolition ne se préoccupa que de quatre pièces sur les cinq : l’antichambre, la chambre, la salle à manger et le salon. L’ancien cabinet de toilette ne retint guère son attention : il ne comportait plus, en effet, aucun décor d’origine, et ne fut donc pas intégré dans le projet de remontage.

Les décors de cette pièce avaient pourtant existé. Les sources du temps décrivent sur les murs quatorze grands panneaux de toile « sur laquelle sont peints différents dessins d’arabesques ». La correspondance de Charles de Wailly nous apprend que ces dessins, conçus par lui, avaient été peints par Michel-Bruno Belangé (1726-1793), membre de l’Académie royale de peinture, en 1770 [2]. Admirés par les visiteurs de l’hôtel, signalés dans le Guide des amateurs et des étrangers voyageurs à Paris de Thiéry (1787), ces panneaux étaient encore en place en 1791. Ils ne sont plus mentionnés après cette date et les auteurs de la fin du XIXe siècle qui écrivent sur l’histoire de l’hôtel n’en disent rien. C’était assez pour croire à leur disparition définitive.


2. Ader-Tajan (Paris), Très bel ensemble de meubles et objets d’art des XVIIIe et XIXe siècles, 29 juin 1994, lot n° 74, Panneaux d’arabesques du cabinet de toilette de Mme de Voyer, C. De Wailly et M.-B. Bellengé, Paris, 1770. [Faussement indiqués : « Rare ensemble de toiles peintes attribuées à Bourgeois et Touzé »]
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Huit de ces panneaux ont pourtant réapparu en 1994, dans une vente aux enchères parisienne (ill. 2). Faussement attribués, ils viennent d’être identifiés, de façon quasi certaine, comme provenant de la Chancellerie d’Orléans. La mention au catalogue d’« ancienne collection Thénard » a servi de premier indice : Marie-Louise Thénard (1833-1915) posséda en effet la Chancellerie d’Orléans de 1866 à 1915. Elle laissa une fille unique, morte sans postérité en 1916. Ses neveux héritèrent donc, non pas de la Chancellerie, alors en cours d’expropriation, mais du mobilier de leur tante.

Le second indice provient d’une lettre de 1934, par laquelle un notaire parisien s’adresse à un confrère, censé conserver des actes anciens relatifs à la Chancellerie. Le motif de la requête est le suivant : un client du notaire, neveu de la veuve Thénard, « demande s’il […] serait possible de lui indiquer l’origine des tapisseries d’une assez grande valeur qui proviennent de cet hôtel, lequel avait en outre des plafonds et des boiseries sculptés de valeur [3] ».

Le circuit s’éclaire : Mme Thénard, nouvelle propriétaire de l’hôtel, fit déposer les panneaux du cabinet de Mme de Voyer peu après son achat en 1866 ; restés en sa possession, ces panneaux n’ont plus été vus ; signalés en 1934 chez ses héritiers sous le nom de « tapisseries », ils furent vendus en 1994, le souvenir de leur auteur et de leur provenance s’étant perdu.

Reste à localiser ces panneaux. La mémoire familiale fait défaut, de même que les archives de la maison de vente. C’est pourquoi nous lançons un appel à toute personne qui les aurait vus et pourrait donner une indication sur leur emplacement. La question de leur éventuel repositionnement à l’hôtel de Rohan ne se pose pas : l’espace actuel ne serait pas suffisant. En revanche, il serait appréciable de pouvoir les photographier dans leur intégralité et de les reproduire dans l’espace de muséographie qui jouxtera les décors remontés.

Selon l’expression consacrée, « écrire au Journal, qui transmettra » !

Emmanuel Pénicaut
Conservateur en chef du patrimoine au ministère de la Culture
Chargé de mission pour le remontage des décors de la Chancellerie d’Orléans

La Tribune de l’Art

Notes

[1Les difficultés de ce début d’année n’ont fait que repousser de quelques mois une inauguration initialement envisagée en septembre 2020.

[2Ces panneaux feront l’objet d’un commentaire détaillé dans l’ouvrage en préparation : A. Manas et E. Pénicaut (dir.), La Chancellerie d’Orléans. Renaissance d’un chef-d’œuvre, à paraître en 2021 aux éditions Faton.

[3Arch. nat., Min. centr., LXXXVII 1420, lettre du 2 mars 1934 glissée dans un acte du 11 mars 1824.

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