L’urbanisme parisien désormais dépourvu de protection véritable

Dernier immeuble subsistant et
pouvant désormais être détruit
Photo : Google Streets
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Le Conseil d’État a donc rendu son jugement : après avoir déjà démoli plusieurs immeubles datant des XVIIIe et XIXe siècles, LVMH va pouvoir poursuivre son œuvre de destruction sur le dernier bel immeuble encore debout, du XIXe siècle. Le cabinet Sanaa pourra ensuite construire le bâtiment dont le principe est – ce n’est pas nous qui le disons, c’est LVMH – « d’abolir la notion même de façade ». La Cour d’appel de Paris - qui a, rappelons-le, jugé en formation plénière - se serait, selon la haute juridiction, « fondée sur une interprétation inexacte du plan local d’urbanisme » et aurait donc « commis une erreur de droit ». Le Conseil d’État porte ici une grande responsabilité. Comme le disent les associations dans leur communiqué diffusé hier : « l’urbanisme parisien, pourtant l’un des plus fameux et des plus enviés au monde, se trouve dépourvu de protection véritable ».


Nous avions, lorsque la cour administrative d’appel de Paris avait rendu une décision favorable aux associations, fait preuve de beaucoup de naïveté en pensant le combat gagné (voir l’article). Mais la décision, qui devait se fonder sur une erreur de droit que chacun s’accordait à trouver inexistante, n’est finalement pas étonnante ? On pourra lire sur le Conseil d’État cette interview d’un professeur de droit constitutionnel qui explique notamment que « le Conseil d’État a perdu son image de lieu où on sert et où se fabrique l’intérêt général », ajoutant qu’« il n’y a aucune raison de conserver un juge spécial pour l’administration » et rappelant que « la Cour européenne des droits de l’homme a plusieurs fois émis des doutes sur la pertinence d’une institution qui fait coexister fonctions consultative et contentieuse ». La défense du patrimoine n’a par ailleurs jamais constitué une préoccupation de cette institution (la décision d’empêcher la construction du stade de Lille sur les glacis de la forteresse de Vauban (voir la brève du 28/12/05), par exemple, n’a pas été prise parce qu’elle portait atteinte à un monument historique, mais parce qu’elle posait des problèmes de sécurité pour le public).
Cette affaire nous incite à revenir plus tard, et de manière approfondie, sur les relations entre le Conseil d’État et le patrimoine, ainsi que sur son indépendance vis à vis du pouvoir. Dans l’affaire de la Samaritaine, l’union entre la Ville de Paris, le ministère de la Culture et Bernard Arnault, dont on connaît l’entregent, formait un rouleau compresseur qui ne laissait guère de chance aux associations. Il fallait une erreur de droit, le Conseil d’État l’a donc trouvée. Selon que vous serez puissant ou misérable...

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