Interview de Xavier Bonnet, tapissier et historien de l’art, à propos du Musée des Tissus

Xavier Bonnet travaillant sur un meuble
au Victoria & Albert Museum
Photo : D. R.
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Quand avez-vous découvert pour la première fois le Musée des Tissus ?

C’était en avril 1990, lors de ma deuxième année d’apprentissage [1] ; je n’avais pas vingt ans. J’avais demandé à voir les sièges lyonnais de la collection, et Evelyne Gaudry, qui était alors conservatrice, a pris une demi-journée pour me permettre de voir chaque siège et de prendre des photos. Je n’étais pourtant qu’un petit jeune, sans recommandation, et son accueil m’est toujours resté en mémoire. Lors de ma troisième année d’apprentissage, un lundi matin sur deux j’allais travailler à la bibliothèque du Musée.

Quelle importance a aujourd’hui le musée pour vous ?

Je travaille presque au quotidien avec les catalogues du musée, par exemple celui-ci (Soieries de Lyon. Commandes royales au XVIIIe siècle, décembre 1988-mars 1989). Cette exposition est un monument et son catalogue est une mine d’or.
Je pourrais vous citer d’innombrables exemples. Lorsque nous avons travaillé sur le projet de reconstitution du salon de l’hôtel de la Trémoille au Musée de la Légion d’honneur à San Francisco (voir l’article), c’est au Musée des Tissus que nous avons découvert les documents d’archives permettant de retisser l’étoffe qui a servi à la reconstitution. Une grande et prestigieuse institution internationale me sollicite actuellement pour suivre le retissage des étoffes et des passementeries d’un meuble commandé à Paris sous la Restauration. C’est également dans les collections du Musée de Lyon que j’ai trouvé les modèles que je vais présenter (je ne sais pas encore s’ils seront acceptés).

Ce n’est donc pas seulement un musée pour vous ?

C’est bien davantage, c’est aussi une bibliothèque accessible au public, et qui n’est pas seulement réservée aux grands experts internationaux mais aussi à un apprenti tapisser de vingt ans qui débute dans son métier. Et c’est aussi, en tant que professionnel, l’accès à des archives et à des documents qui permettent de se positionner sur des chantiers de restauration, des projets de reconstitution en France et à l’étranger. Par ailleurs, l’aide apportée par l’équipe du musée particulièrement dévouée et compétente permet l’aboutissement de recherches parfois très pointues.

2. Xavier Bonnet travaillant sur un meuble présenté dans le
salon de l’hôtel de la Trémoille du musée de la
Legion of Honor de San Francisco
Photo : D. R.
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Que pensez-vous du succès de la pétition ?

La pétition montre très bien que l’intérêt du musée n’est pas uniquement local, mais national, et que cela touche en réalité le monde entier. Les signataires se sont manifestés des cinq continents, aussi bien des archéologues que des historiens de l’art ancien, moderne et contemporain. J’ai été aussi surpris de lire le grand nombre de témoignages de gens liés à la création, que ce soit dans le textile pur, mais aussi le spectacle ou bien évidemment l’ameublement. On est bien au delà de la spécialité de chacun. C e musée touche à tous les domaines. Les textiles archéologiques, contemporains, la mode, l’ameublement, les textiles liturgiques, les arts graphiques… C’est incroyable.
Par exemple, cette reproduction d’une planche de l’ornemaniste Richard de la Londe, publiée à la fin des années 1780, qui représente un lit à la duchesse et que j’ai trouvé il y a vingt-cinq ans au musée, me sert aujourd’hui à faire une proposition au Centre des Monuments Nationaux pour la présentation d’un lit du château de Montal, qui appartenait à Maurice Fenaille.
Ce n’est pas une collection « morte » qu’on se contente de regarder, elle a des applications dans ma pratique quotidienne d’artisan et de restaurateur. Priver les générations futures de cela, me semble complètement insensé et irresponsable.

Vous pensez que la fermeture est possible ?

Non, une fermeture est absolument inenvisageable. Je ne vois pas comment une ressource d’un tel intérêt pourrait devenir demain inaccessible au public lyonnais, français et international. La collection doit rester à Lyon, on ne l’imagine pas ailleurs, mais elle concerne le monde entier.

Propos recueillis par Didier Rykner

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