Fatigue...

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L’escalier de l’Opéra de Paris tel qu’on
pourra le voir pendant un an avec les
pneus dorés de Claude Lévêque
Photo : Guillaume Giraudon
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À peine la nouvelle année entamée, voilà naître une énième et fatigante polémique art contemporain/art ancien. À chaque fois ou presque, le scénario est le même : une « commande » est passée à un artiste pour installer une œuvre, non pas dans un endroit qui en aurait besoin - et Dieu sait s’il ne manque pas de lieux qui pourraient être embellis même par la plus médiocre des installations -, mais bien là où rien n’était nécessaire parce que l’harmonie y règne, une harmonie en général consacrée par une protection monument historique.

Cette fois, c’est l’Opéra de Paris qui a commandé à Claude Lévêque deux sculptures installées au cœur du monument, sur son grand escalier. Notre propos n’est pas ici de disserter sur l’art de Claude Lévêque. Nous avons fait le choix, à La Tribune de l’Art, de ne pas parler de l’art contemporain, ni de l’antiquité ou des arts non occidentaux [1] notamment pour une question de temps (nous avons du mal déjà à traiter tout ce qui concerne notre champ) et de compétence (ces domaines nous sont moins familiers).

Nous n’avons évidemment rien contre l’art contemporain même s’il faut constater et regretter qu’il est impossible ou presque d’être critique dans ce domaine. Un journal peut écrire que les films d’un metteur en scène sont médiocres, vulgaires, ridicules, sans intérêt, et qu’il ne tourne que des navets, mais dire cela d’un artiste contemporain, surtout lorsqu’il s’agit d’un artiste officiel, vous fait presque aussitôt passer dans le camp des réactionnaires, voire pire, qui ne comprennent rien à rien et sont systématiquement hostiles à l’art de notre temps.
Disons le, l’œuvre de Claude Lévêque à l’Opéra de Paris (l’un des artistes les plus officiels du moment, qui était au Louvre l’an dernier) peut être comparée à Lucy de Luc Besson : nulle, stupide, absurde, sans aucun intérêt. On a le droit de le dire pour Luc Besson (beaucoup d’intellectuels vous féliciteront même de votre bon goût) mais pas pour Claude Lévêque…

Luc Besson, au moins, a une qualité : nul ne nous oblige à regarder Lucy en écoutant un opéra de Mozart. Nul, à vrai dire, ne nous obligeait à regarder Lucy tout court (et Dieu sait si nous avons regretté d’être entré dans cette salle de cinéma).
En revanche, pendant un an, si l’on veut admirer l’œuvre totale de Garnier, on ne pourra le faire sans que les pneus dorés de Claude Lévêque ne nous soient imposés, que ne nous n’avons jamais demandé à voir, et certainement pas à cet endroit.

Que cette nouvelle (petite) provocation - qui fonctionne, une fois de plus puisque nous nous sentons même obligés d’en parler ici - advienne à l’Opéra de Paris n’est qu’un élément qui la rend encore plus agaçante. Parce qu’il s’agit d’un des établissements publics les plus subventionnés et qu’il y avait sans doute d’autres dépenses à effectuer avec cet argent. Et ensuite parce que parler d’art et de patrimoine à l’Opéra de Paris, c’est comme parler de corde dans la maison d’un pendu tant celui-ci a été maltraité sous la direction actuelle de Stéphane Lissner (voir ces articles).

Didier Rykner

Notes

[1Sauf lorsque cela touche à la protection du patrimoine, à la pérennité des musées - question des « restitutions » - ou dans des cas rares de massacre patrimonial en France, comme les arènes de Fréjus ou la carrière de Marseille.

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