Églises parisiennes : nos réponses à l’adjointe en charge du patrimoine à la Mairie de Paris

Voir l´image dans sa page

Nous avons rencontré à deux reprises déjà Karen Taïeb, récemment nommée adjointe à la Mairie de Paris chargée du Patrimoine. Manifestement, cette élue est plein de bonne volonté et semble prendre son rôle à cœur. Cela ne l’autorise pas pour autant à raconter un peu n’importe quoi à propos des églises de Paris et de notre série de vidéos récemment publiées sur Twitter.
Ces petits films, d’une durée imposée de 2’20" maximum, sont publiés depuis quelques jours régulièrement. Nous en sommes déjà au dixième, et nous les mettrons en ligne sur le site également en les liant à une carte Google Maps. Vous pouvez les voir en attendant sur Twitter en cliquant sur ce lien.

Dans une interview donnée à France-Culture, et que l’on peut écouter à partir de cet article de Cécile de Kervasdoué et Éric Chaverou, Mme Taïeb multiplie les contre-vérités. Nous ne pouvons lui en vouloir car nous la sentons très gênée de défendre une politique indéfendable. Il est bon toutefois de lui répondre en rétablissant les faits (tous vérifiables par ailleurs).

« Ces vidéos montrent évidemment ce qui n’est pas fait, mais ne montrent pas ce qui est déjà fait, ce qui est dommage parce que cette mandature a quand même projeté 80 millions d’euros comme budget au plan d’investiture. Il est quand même gênant que ces personnes là ne voient toujours que le verre à moitié vide alors qu’il y a vingt-trois opérations qui auront été réalisées ou qui sont en cours de réalisation ; on pense par exemple à la façade sud de Saint-Eustache, on pense actuellement aux travaux qui sont en cours à l’église Saint-Louis, on pense à la Trinité où vous pouvez voir cet immense échafaudage qui va pour lui seul coûter vingt-trois millions d’euros, ce sont des sommes colossales. »

Notre réponse : Karen Taïeb se trompe ou veut induire sciemment en erreur ceux qui n’ont pas regardé ces vidéos. Car dans chacune d’entre elles portant sur un édifice où des travaux ont été faits ou sont actuellement en cours (la Madeleine, Saint-Eustache, Saint-Merri, Notre-Dame-de-Lorette, Saint-Augustin…), nous avons rappelé l’existence de ces restaurations [1]. Mais il ne s’agit pas, hélas, d’un verre à moitié plein. Tout juste, et encore, d’un verre plein à 10%… Nous n’avons jamais dit, en effet, que la mairie ne faisait rien du tout. Nous avons même publié à plusieurs reprises des articles sur ces restaurations. Pour l’instant, nos vidéos se concentrent sur les églises vraiment en péril à Paris. Nous n’avons pas encore parlé de la Trinité, et nous le ferons. En revanche, nous ne savons pas ce qu’est l’église Saint-Louis… Est-ce Saint-Paul-Saint-Louis sur laquelle une opération est lancée sur quelques vitraux ? Est-ce Saint-Louis-en-l’Isle où le toit doit être refait ? Que Karen Taïeb se rassure, nous avons l’intention de parler de cette dernière.
Nous avons toujours dit faire du journalisme engagé, mais nous le faisons honnêtement. Contrairement à la Mairie de Paris, nous ne donnons pas dans la propagande…

« Ces vidéos qui circulent montrent évidemment ce qui n’est pas encore fait, mais qui sera fait. Je rassure les Parisiens et les Parisiennes, nous sommes très, très amoureux du patrimoine et nous sommes fiers de ce patrimoine, nous le restaurons… L’idée c’est de prendre le temps de faire chaque édifice avec le programme que l’on a, parce qu’il y a parfois les urgences, il y a parfois les dossiers qui sont prévus et qui sont en cours, on a un plan de charge, on a un budget et on l’utilise. Il faut rassurer vraiment tout le monde. Qu’est-ce qui est montré ? Notamment, on voit des œuvres d’art dans certaines églises, qui sont effectivement dans un très mauvais état. Elles seront restaurées, nous prendrons le temps de la restauration, mais on ne peut pas faire tout dans une même mandature. »

Notre réponse : La Mairie de Paris est fière de ce patrimoine ? Que Karen Taïeb en soit fière, nous le croyons volontiers. Que la maire le soit, nous avons en revanche beaucoup de mal à y croire. Comment pourrions-nous être rassurés lorsque l’on parcourt les églises parisiennes ? Quant à prendre le temps de la restauration, il n’y a pas de doute à ce sujet, la Mairie de Paris prend son temps…

« Est-ce que c’est parce que ça coûte trop cher ? »

« D’abord il y a une question de coût bien entendu, comme je vous l’ai dit, la Trinité, un seul massif d’entrée, c’est plusieurs années d’abord de travaux et un coût de vingt-trois millions d’euros, donc c’est effectivement un coût. mais il y a aussi un plan de charge, il faut avoir les équipes qui sont sur place, les experts ; parce que quand on a des édifices cultuels de cette grande qualité, ils sont souvent classés ou inscrits monuments historiques, donc il faut des experts. Il faut des gens qualifiés pour intervenir et faire ces travaux. »

Notre réponse : Bien entendu, il faut des conservateurs, des entreprises spécialisées dans les travaux sur les monuments historiques et des restaurateurs pour mener ces travaux. La Mairie de Paris répond souvent (et c’est ce que Karen Taïeb sous-entend ici) qu’elle n’a pas les équipes suffisantes pour le faire au-delà du budget actuel. C’est pour cela d’ailleurs qu’un chantier comme celui de la restauration des peintures murales de Saint-Germain-des-Prés a été aussi long à démarrer, alors qu’il est payé à 85% par le mécénat. Mais le dimensionnement des équipes municipales en charge du suivi de ces travaux est également de la responsabilité de la Mairie qui, au lieu de recruter et de leur donner tous les moyens nécessaires, s’est employé au contraire à leur mettre des bâtons dans les roues (voir cet article) sans leur accorder de moyens supplémentaires. Ajoutons que si la restauration de Notre-Dame va utiliser de nombreuses entreprises spécialisées (ce qui va poser un vrai problème de ressources pour les autres monuments), la cathédrale a assez peu de peintures murales et celles-ci ne sont a priori pas en danger (car elle se trouvent dans certaines chapelles qui n’ont pas été touchées par l’incendie ou l’eau). On disposera ainsi de toutes les équipes de restaurateurs nécessaires pour sauver les peintures murales des églises de Paris, qui sont parmi les œuvres les plus en danger.

« 80 millions d’euros, c’est beaucoup, est-ce que c’est suffisant ? »

« C’est plus que les mandatures précédentes, et évidemment ça pourra augmenter avec le temps, parce qu’on a pleinement conscience que ce patrimoine mérite toute notre attention. Mais on va aussi vers l’utilisation de subsides qui vont venir notamment du ministère de la Culture quand ce sont des monuments classés monuments historiques ; mais on va également faire appel aux mécènes, c’est de plus en plus le cas. Il faut dire que dans cette mandature, si on a investi 80 millions d’euros, le mécénat s’élève à peu près autour des cinq millions d’euros, ce qui constitue quand même une somme importante. Il y a un engouement pour le patrimoine et on voit que certains mécènes ont envie aussi d’investir et de s’investir pour le patrimoine. »

Notre réponse : Les éléments de langage de la Mairie de Paris sont ici repris fidèlement. Or ils sont mensongers. Non, répétons-le une nouvelle fois, il est faux de dire que 80 millions d’euros sur six ans, soit 13,3 millions d’euros par an, c’est plus que les mandats précédents ! Il suffit de comparer avec les chiffres qui étaient donnés par la Mairie de Paris elle-même sur une page qui a disparu de son site (c’est bien pratique) mais qu’on retrouve sans difficulté sur Webarchive ! Sur les sept ans du premier mandat Delanoë (rappelons en effet qu’il a duré sept ans exceptionnellement), il y a eu 90 millions, soit 12,9 millions par an. Sur six ans de son second mandat, 67 millions, soit 11,2 millions par ans. En euros constants, 12,9 millions, cela représente aujourd’hui 14,5 millions. Chaque année du mandat Hidalgo, il y a donc 1,6 million en moins que sous le premier mandat Delanoë (déjà fort insuffisant). Ce sont les chiffres de la Mairie de Paris !

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.