Droit de réponse d’Emmanuelle Toulet, suite à notre article « La BHVP veut se débarrasser d’un fonds photographique »

Paris, 19 mars 2010

Monsieur,

Votre article "La BHVP veut se débarrasser d’un fonds photographique" comporte un certain nombre de renseignements erronés et d’accusations graves, aussi vous prierai-je de bien vouloir porter à la connaissance de vos lecteurs les informations suivantes :

1°. Il n’est nullement dans les intentions de la Bibliothèque Historique de « se débarrasser » du fonds France-Soir, mais au contraire de se préoccuper de sa meilleure conservation, dans l’attente de son traitement exhaustif.

2°. Menacé de destruction en 1986 lors du déménagement du journal, le fonds France-Soir a été accueilli à la BHVP mais aucun acte juridique formel n’a été fait à l’époque.

3°. Le fonds n’a pas été récemment désorganisé, il a été regroupé afin d’évaluer l’espace nécessaire à son redéploiement dans des conditions de conservation correctes.

4°. Le fonds France-Soir s’intègre dans l’ensemble plus vaste des collections photographiques de la Bibliothèque Historique, évaluées à plus d’un million de documents. Actuellement, le catalogue sur fiches consultable à l’accueil de la bibliothèque est en cours de réalisation. C’est un très vaste chantier de traitement tant intellectuel que matériel échelonné sur plusieurs années. Il comprend aussi bien le catalogage du fonds France-Soir que celui, par exemple, des photographies de Marville, témoignage irremplaçable des transformations de Paris au temps d’Haussmann, ou encore des 5000 photographies d’Atget, acquises au début du XXe siècle.

5°. Le statut juridique complexe du fonds France-Soir (propriété et droits d’auteurs) est pour nous un facteur complémentaire déterminant pour la définition de nos priorités de travail. L’établissement ne peut communiquer ce fonds tant que les conditions préalables - pleine propriété, déploiement en magasin, catalogue à disposition des lecteurs, cotation, conditionnement adapté à la consultation - ne seront pas remplies.
C’est dans ce cadre qu’est étudiée l’éventualité d’un archivage externalisé temporaire, qui assurerait à ce fonds des conditions de conservation meilleures que celles qu’offrent aujourd’hui les locaux de la bibliothèque, également en cours de réorganisation. Le départ de ce fonds reste une hypothèse de travail et le présenter comme une certitude est mensonger.

6°. A l’opposé de la prétendue indifférence dont vous accusez la Ville de Paris, celle-ci a mis en place un dispositif institutionnel qui permet une coopération remarquable dans le traitement des fonds photographiques conservés dans les musées et les bibliothèques parisiens : l’Atelier de restauration et de conservation des photographies (ARCP), dont l’expertise est internationalement reconnue, prend en charge la restauration des photographies, le reconditionnement de certains supports fragiles, et procède très régulièrement aux analyses qui déterminent nos actions ; la société d’économie mixte Parisienne de photographie est chargée, dans le cadre d’une délégation de service public, de la numérisation des fonds photographiques, là encore selon des procédures de travail de très grande qualité, tandis qu’à l’agence Roger-Viollet incombe la commercialisation des images dont les droits sont disponibles. Près de 160 000 supports photographiques et iconographiques des collections de la Ville de Paris ont été numérisés dans ce cadre depuis 2006. La Bibliothèque Historique dispose donc du soutien efficace de ces trois partenaires. Cet enchaînement d’opérations trouve son aboutissement dans la mise en ligne de documents numérisés sur le site des bibliothèques spécialisées de la Ville de Paris, engagée en 2008-2009 et appelée à s’accélérer.

7°. Contrairement à ce que vous affirmez, la Bibliothèque Historique n’est pas "à la dérive, privée d’espaces et de moyens". Au contraire, 2009 a été marquée par une augmentation de la fréquentation de la bibliothèque de 67 % et du nombre des documents communiqués de 42 %, résultats très encourageants des différentes mesures que nous avons prises. La BHVP dispose d’une salle de lecture de 94 places, ouverte à tous, d’une équipe de 42 personnes, dont 8 conservateurs, et de locaux magnifiques d’une superficie de 5 000 mètres carrés. Elle bénéficie donc d’atouts majeurs, dont elle a bien l’intention de tirer profit, et de collections également exceptionnelles, qu’elle a pour projet de cataloguer, de mieux conserver et de mettre en valeur. L’exposition Paris inondé 1910, qui se tient en ce moment à la Galerie des bibliothèques et a déjà été vue par plus de 40 000 visiteurs, permettant de découvrir des photographies inédites issues de nos collections, pour l’occasion cataloguées, restaurées, numérisées et mises en ligne, est représentative de notre démarche, confortée par le succès rencontré. Certes, ce défi nécessite des changements, une réorganisation interne, une définition de ses objectifs prioritaires, une réflexion sur sa politique et sa sélection documentaires, une attention nouvelle aux publics, la définition d’un projet culturel.
Loin de toute polémique, ces projets sont pour nous, bibliothécaires « dignes de ce nom », des enjeux aussi stimulants qu’enthousiasmants !

Emmanuelle Toulet
Responsable de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris

Notre réponse :

Nous publions bien volontiers ce droit de réponse. Nous ferons cependant les remarques suivantes :

Sur le point 1° : nous prenons acte de cette volonté.

Sur le point 2° : nous écrivions la même chose dans notre article.

Sur le point 3° : nous n’avons pas parlé de désorganisation, nous avons dit que ce fonds avait été « entreposé sur place ». Ce « regroupement », comme l’appelle Emmanuelle Toulet, s’est fait par empilement des cartons et des classeurs.

Sur le point 4° : nous n’avons jamais nié que le fonds France-Soir ne constitue qu’une partie du fonds photographique de la BHVP.

Sur le point 5° : nous avons cité dans notre article à la fois l’affirmation par Emmanuelle Toulet que le départ de la BHVP du fonds France-Soir n’était qu’une hypothèse et ses arguments relatifs aux problèmes juridiques qui affecteraient ce fonds. Ceux-ci ne justifient pas, à notre sens, une interruption de la communication. Quant aux négociations paraît-il en cours, il n’en est plus fait mention ici.

Sur le point 6° : nous parlions d’indifférence de la Ville de Paris par rapport à ce qui se passe à la BHVP, pas seulement au problème des archives France-Soir, mais à celui du « désherbage » tel qu’il est mené et dont nous avions parlé dans un précédent article. La réponse qui est faite ici porte sur l’Atelier de restauration et de conservation des photographies, service dont nous n’avons jamais parlé et dont nous ne contestons pas l’action, et sur la numérisation des collections, un point que nous n’avons pas abordé et qui est ici hors sujet. Si l’on doit se féliciter de cette numérisation (et l’on parlera bientôt du remarquable travail en cours au Service des objets mobiliers de la Ville de Paris, qui mettra sur Internet l’intégralité des photographies des œuvres d’art des églises), celle-ci ne doit cependant jamais se substituer à la possibilité de consulter les originaux pour les chercheurs ou de les exposer au public.

Sur le point 7° : à l’absence d’espaces et de moyens, Emmanuelle Toulet nous oppose des chiffres de fréquentation, le nombre de places de la salle de lecture, la richesse des collections de la BHVP, la superficie des locaux, le succès public de sa dernière exposition, tous éléments qui ne répondent aucunement à ce que nous affirmions. Lorsque nous parlions de privation d’espaces nous faisions allusion à ce que nous disions dans la conclusion de notre précédent article sur le désherbage.

Didier Rykner

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