Audrey Azoulay est-elle légitime pour s’occuper de Notre-Dame ?

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L’incendie de Notre-Dame
Photo : Didier Rykner
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Ces faits ont été encore peu commentés, ils sont pourtant terribles pour le pouvoir. C’est la presse italienne, rapidement relayée par Marianne, qui les a révélés il y a trois jours. Ce journal a publié une interview de Paolo Vannucci, professeur d’ingénierie mécanique à l’université de Versailles qui révèle qu’une étude financée par le CNRS (donc l’État) avait été réalisée en 2016 sur la sécurité de Notre-Dame de Paris, notamment dans l’éventualité d’une attaque terroriste.

Et les conclusions de cette étude ont été sans appel dit-il : « le risque d’un embrasement de la toiture existait », et « il fallait absolument la protéger et installer un système d’extinction ». Il ajoute également : « En vérité, il n’y avait pratiquement aucun système anti-incendie, notamment dans les combles où il n’y avait aucun système électrique pour éviter les risques de court-circuit et d’étincelle ». Mieux encore : « même la foudre aurait pu déclencher un feu et il [aurait] donc [fallu] installer tout un système de prévention ». Nous avons joint le professeur Vannucci qui nous a confirmé qu’il n’y avait pas de détecteurs de fumée ou de chaleur.

Comme le professeur Vannucci l’affirme : « le gouvernement était tout à fait au courant ». Il a en effet assisté à une réunion conclusive au ministère de l’Éducation nationale, à laquelle ont participé selon lui sept à huit personnes de différentes institutions. S’il ne se rappelle pas de la présence ou non d’un représentant du ministère de la Culture, il est difficile de penser que celui-ci, qui est en charge de ce monument, n’ait pas été mis au courant d’une étude aussi alarmante ? D’autant que le CNRS, même s’il est placé sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur de la Recherche et de l’Innovation, entretient des liens très étroits avec le ministère de la Culture.

Si la décision du gouvernement - Manuel Valls était à l’époque Premier ministre - de ne pas diffuser cette étude et de la garder secrète pour ne pas donner des idées à des personnes mal intentionnées peut se comprendre, celle de n’avoir rien fait, et d’avoir complètement enterré le sujet met l’État devant ses responsabilités, écrasantes. Non seulement le patrimoine français est dans un état de délabrement terrible, non seulement les moyens qui sont affectés à sa sauvegarde son insuffisants, non seulement les monuments historiques ne sont pas protégés contre les risques supplémentaires que leur font courir les travaux, mais, dans le cas de Notre-Dame, rien n’a été fait pour corriger une situation dont la dangerosité était parfaitement établie. Que le gouvernement veuille désormais cacher son inaction en cherchant à mener la restauration de la cathédrale comme une gigantesque opération de communication n’en est que davantage choquant.

Mais il y a une autre conséquence que l’on doit tirer de la révélation de ce rapport : elle porte sur le rôle à venir de l’UNESCO, ou plutôt de sa présidente actuelle Audrey Azoulay dans cette affaire. Car l’institution internationale va jouer un rôle majeur dans cette affaire, la cathédrale étant patrimoine mondial de l’humanité, non individuellement mais par le classement des rives de la Seine à Paris. À ce titre, l’UNESCO aura des préconisations à fournir, une surveillance à faire et des aides à apporter. Et Audrey Azoulay ne se prive d’ailleurs pas de parler dans la presse, par exemple dans le Journal du Dimanche paru hier. Elle vient entre autre y donner déjà son avis sur la restauration en omettant de signaler le classement monument historique et en ne faisant aucune allusion à la charte de Venise.

Or, il faut se rappeler qu’Audrey Azoulay était ministre de la Culture en France, qui plus est fort récemment puisque c’était du 11 février 2016 jusqu’au 17 mai 2017 lorsqu’elle fut remplacée par Françoise Nyssen. Elle était donc ministre de la Culture lorsqu’il a été décidé de ne pas diffuser le rapport du professeur Vannucci et, beaucoup plus grave, de ne prendre aucune mesure de protection complémentaire du monument. À sa responsabilité politique partagée comme ministre dans l’insuffisance des moyens dévolus au patrimoine en général et à Notre-Dame en particulier, s’ajoute donc une responsabilité encore plus grande avec l’enterrement de ce rapport. Est-elle vraiment l’interlocuteur idéal pour la restauration de la cathédrale ? On peut en douter fortement.

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