Autour de Hugues Sambin. Un extraordinaire cabinet Renaissance enfin réhabilité.

Un objet d’art présenté au public se révèle parfois être un faux. L’inverse est beaucoup plus rare. Pourtant, un important cabinet Renaissance du J. Paul Getty Museum à Los Angeles (ill. 3), longtemps réputé faux, ou au mieux pastiche, vient de retrouver son authenticité perdue. Cette « redécouverte » découle de recherches récentes sur l’art de la menuiserie en Bourgogne dans la deuxième moitié du XVIe siècle, en particulier autour de Hugues Sambin, créateur aux talents multiples (ill. 1, à comparer à ill. 2). [1]

1. Hugues Sambin
Colonne triomphale dédiée au duc de Mayenne,
détail de l’autoportrait, 1582
Eau forte - 51 x 24 cm
Dijon, Bibliothèque municipale
Photo : D. R.
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2. Philippe Galle
Les calamités du peuple juif,
frontispice présentant l’autoportrait de Marten van Heemskerck, 1569
Gravure - 18,1 x 26,7 cm
Ottawa, Musée des Beaux-Arts du Canada
Photo : D. R.
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Une redécouverte exemplaire

3. Cabinet du J. Paul Getty Museum, vue d’ensemble,
sans le couronnement qui est une modification,
vers 1580
Noyer
Los Angeles, J. Paul Getty Museum
Photo : J. Paul Getty Museum
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Si l’attribution du meuble au célèbre menuisier dijonnais reste pour l’instant toujours hypothétique, sa datation, vers 1580, et sa provenance bourguignonne ont été définitivement confirmées grâce à la mise en œuvre de nombreuses techniques d’analyses scientifiques, menées par le J. Paul Getty Museum, ou pour son compte, entre 2002 et 2005 (ill. 3).

Ce cabinet est désormais, pour la Renaissance française, le mieux étudié scientifiquement. Pour faire connaître cette redécouverte, le J. Paul Getty Museum lui a consacré une exposition monographique, du 22 novembre 2005 au 5 août 2007, encore partiellement visitable sur Internet [2]. Mais ce meuble revient de loin…

Histoire d’une déchéance

4. Le cabinet appartenant à
Debruge Duménil,
Lithographie publiée dans
Les arts au Moyen Age d’Alexandre
Du Sommerard, 1846
Photo : A. Prévet
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Sculpté en noyer et rehaussé de peintures en camaïeu d’or, ce monumental cabinet porte la date peinte de 1580, fortement mise en cause dans les quarante dernières années.
Il fait son apparition en 1846, dans Les arts au Moyen Age d’Alexandre Du Sommerard [3]. Le cabinet est alors la propriété du collectionneur Debruge Duménil (ill. 4). Il passe ensuite entre les mains d’autres collectionneurs prestigieux comme le prince Dimitri Soltikoff en 1850, le baron Achille Seillière en 1861, ou encore le duc de Malborough au début des années 1890. Après avoir franchi l’Atlantique, il est acheté par la Norton Simon Foundation à Pasadena qui le remet en vente dès 1971. C’est alors qu’il est acquis par J. Paul Getty, contre l’avis de ses conservateurs qui ne croyaient pas à son authenticité (inv. 71.DA.89) [4].

Un rapport inédit des spécialistes du Getty, en 1993, et une étude d’ensemble sur le mobilier de la Renaissance française conservé dans les collections américaines, publiée l’année suivante, condamnent ce cabinet comme une création du début du XIXe siècle [5].

Regain d’espoir : l’étude du cabinet Gauthiot d’Ancier du musée du Temps à Besançon

5. Le cabinet Gauthiot d’Ancier, 1581
Noyer
Besançon, Musée du Temps
Photo : CRRCOA, Vesoul, Aubert Gérard
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En 2001, l’exposition-dossier consacrée à Hugues Sambin au musée national de la Renaissance, sous la direction de M. Alain Erlande-Brandenburg, fut pour nous l’occasion de rouvrir ce dossier [6].

En effet, cette exposition permettait d’admirer un autre cabinet en noyer, rehaussé de camaïeu d’or, très similaire par bien des points (ill. 5). Contrairement au cabinet du J. Paul Getty Museum, ce deuxième cabinet a la chance d’être exceptionnellement bien documenté : non seulement il porte une date peinte, 1581, mais aussi la signature du peintre Evrard Bredin, dont il est l’une des rares œuvres sûres. Son commanditaire est identifiable par les armes familiales qu’il arbore : il s’agit de Jean Gauthiot d’Ancier, devenu co-gouverneur municipal de Besançon de juin 1582 à juin 1583 [7].

De surcroît, ce meuble se retrouve très précisément décrit en 1596 dans l’inventaire après décès de Fernand Gauthiot d’Ancier, fils de Jean [8]. Depuis sa livraison à son commanditaire, il n’a jamais véritablement quitté la ville de Besançon. Il fut en effet légué au XVIIe siècle, par le petit-fils de Jean, Antoine-François, aux Jésuites du collège de cette ville. A l’expulsion de ceux-ci, en 1765, il fut saisi et entra alors dans les collections municipales. Il est actuellement présenté au musée du Temps.

A l’occasion de l’aménagement récent de ce musée, le cabinet a été restauré et étudié scientifiquement par le Centre régional de restauration et de conservation des œuvres d’art de Franche-Comté à Vesoul (CRRCOA). Il fut donc possible de l’emprunter pour l’exposition tenue à Ecouen en 2001 et de publier l’étude technique et dendrochronologique menée alors par MM. Aubert Gérard et Didier Pousset, en collaboration avec M. Bruno François.

Le parallèle des deux cabinets

Quels liens relient donc ce cabinet bisontin à celui du J. Paul Getty Museum ? Ces similitudes peuvent se regrouper selon trois critères : historiques, stylistiques et techniques.

Une provenance commune ?

Historiquement, les deux meubles pourraient avoir le même commanditaire. Dès 1886, alors que le cabinet était encore en pleine gloire, Edmond Bonnaffé, proposa de le reconnaître, dans un passage du même inventaire après décès de Fernand Gauthiot d’Ancier [9].

6. Cabinet, détail de l’Apollon, vers 1580
Noyer
Los Angeles,
J. Paul Getty Museum
Photo : J. Paul Getty Museum
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7. Attribué à Marcantonio Raimondi, d’après
Raphaël
Apollon, vers 1520
Gravure
Photo : D. R.
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Certes une coïncidence accidentelle est toujours possible, mais la description est tout de même assez précise sur l’organisation des volumes, le nombre et l’emplacement des principaux éléments décoratifs : les deux satyres, les quatre termes, les trois peintures en camaïeu d’or, dites à l’époque « peintures de bronze », jusqu’au petit panneau central avec figure en quasi ronde-bosse (ill. 6). On peut signaler au passage qu’il s’agit dans ce dernier cas d’une petite représentation d’Apollon, dérivée, en plus pudique, d’une gravure célèbre attribuée à Marcantonio Raimondi (ill. 7), d’après Raphaël (fresque de L’Ecole d’Athènes dans la chambre de la Signature au Vatican) [10].

Même les silences de l’inventaire sont significatifs :

 l’absence de mention du couronnement coïncide parfaitement avec les observations scientifiques récentes sur son caractère rapporté. Sur la base d’autres arguments, non contradictoires, nous avions déjà proposé d’y voir la seule partie véritablement modifiée au XIXe siècle [11].

 alors que deux autres meubles de l’inventaire sont expressément mentionnés comme portant la date de « mil cinq cens octante ung », la date peinte de 1580 n’est pas non plus citée dans cette pièce d’archive. Cette omission n’a rien de vraiment gênant puisque la date de 1581, pourtant visible sur le cabinet aujourd’hui au musée du Temps, y est également omise. Pourtant, personne n’oserait remettre en cause l’identification de ce dernier dans l’inventaire [12].

 dans l’inventaire de 1596, ce cabinet à deux niveaux était le seul à atteindre alors la somme de 100 francs (soit plus de 33 écus) avec le cabinet du musée du Temps, à trois niveaux, prisé la somme maximale de 120 francs (40 écus). Les deux meubles les plus importants de l’hôtel des Gauthiot d’Ancier à l’extrême fin du XVIe siècle nous seraient donc parvenus [13].

Des ressemblances troublantes dans le travail du bois

Stylistiquement, les sculptures en noyer laissent entrevoir des prototypes communs :

8. Cabinet, détail du
terme inférieur gauche, 1580
Noyer
Los Angeles, J. Paul Getty Museum
Photo : J. Paul Getty Museum
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9. Cabinet Gauthiot d’Ancier,
détail du terme
inférieur gauche, 1581
Besançon, Musée du Temps
Photo : CRRCOA, Vesoul, Aubert Gérard
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 parenté des termes inférieurs du cabinet du Getty (ill. 8) avec ceux du cabinet de Besançon (ill. 9), dans le traitements du visage et des torses, avec toutefois une qualité supérieure de sculpture en faveur du meuble du Getty,

 même recours à des encadrements par des chimères de profil, arborant une couronne de lauriers partiellement enturbannée et à la pointe très relevée ; ce motif a été magistralement interprété par Hugues Sambin lui-même à la clôture de la chapelle du Saint-Esprit du palais de Justice de Dijon,

10. Cabinet, détail du terme
supérieur gauche, vers 1580
Noyer
Los Angeles, J. Paul Getty Museum
Photo : J. Paul Getty Museum
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11. Hugues Sambin
Porte de la grande salle du palais
de Justice de Dijon,
détail du terme central, vers 1580
Noyer
Dijon, musée des Beaux-Arts
Photo : A. Prévet
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 forte parenté encore entre le terme supérieur gauche (ill. 10) et le grand terme central de la porte de la grande salle du palais de Justice de Dijon (ill. 11), aujourd’hui conservée au musée des Beaux-Arts de la ville, œuvre quasi certaine de Hugues Sambin. Non seulement le prototype en est certainement identique mais la rare finesse du modelé est également comparable,

 forte parenté enfin dans le traitement du sternum de la petite figure d’Apollon (ill. 6), au centre du cabinet du Getty, creusé de profondes cupules, avec les deux termes égyptisants de la clôture de la chapelle du Saint-Esprit du palais de Justice de Dijon et avec le grand terme de la porte de la grande salle du même édifice (ill. 11). Il s’agit là d’une manière de faire propre au travail du sculpteur car elle est totalement absence du modèle gravé signalé précédemment.

Des parallèles indiscutables dans les peintures

12. Attribué à Evrard Bredin
Détail des visages de Céphale et l’Aurore
sur le panneau supérieur gauche du cabinet
Camaïeu et or
Los Angeles, J. Paul Getty Museum
Photo : J. Paul Getty Museum
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Les rapprochements stylistiques sont largement aussi troublants dans les camaïeux d’or, peints sur les étroits compartiments réservés à cet usage, taillés en miroir dans le noyer massif, souvent en forme de niche.

Les huit panneaux signés et datés 1581 par Evrard Bredin sur le cabinet de Besançon (ill. 13 et 14), constituent l’essentiel des rares œuvres autographes de ce peintre, avec deux autres panneaux en camaïeu d’or (ill. 15), conservés au musée des Beaux-Arts de Dijon [14] et un meuble incomplet, dont les peintures sont signées mais non datées [15] .


13. Evrard Bredin (actif de 1550 à 1596)
Détail du visage d’Apollon sur le cabinet Gauthiot
d’Ancier, 1581
Camaïeu et or
Besançon, Musée du Temps
Photo : CRRCOA, Vesoul, Aubert Gérard
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14. Evrard Bredin (actif de 1550 à 1596)
Détail du visage de Diane sur le cabinet Gauthiot
d’Ancier, 1581
Camaïeu et or
Besançon, musée du Temps
Photo : CRRCOA, Vesoul, Aubert Gérard
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Les trois panneaux du meuble du Getty (ill. 3, 12 et 16) sont parmi les plus proches des œuvres sûres de Bredin (ill. 13, 15 et 14). Si le cabinet et ses peintures, physiquement indissociables, avaient été faux, il eût fallu que cette habile imitation soit antérieure à la gravure de 1846 où elles apparaissent déjà. Comment cela aurait-il été possible puisque l’œuvre de Bredin à cette date était inédite [16] ?

15. Evrard Bredin (actif de 1550 à 1596)
Détail de l’un des deux panneaux, 1575
Camaïeu et or
Dijon, Musée des Beaux-Arts
Photo : D. R.
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16. Attribué à Evrard Bredin (actif de 1550 à 1596)
Détail du visage de Céphale, panneau supérieur droit, vers 1580
Los Angeles, J. Paul Getty Museum
Photo : J. Paul Getty Museum
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Maintenant que l’authenticité du cabinet du Getty n’est plus contestable, il nous semble raisonnablement permis d’ajouter ces trois panneaux à l’œuvre peint d’Evrard Bredin. Cette attribution, déjà esquissée par Edmond Bonnaffé en 1886, est désormais au moins aussi probable que celle proposée jadis par Pierre Quarré pour les peintures de l’armoire du Musée Rolin à Autun [17].

Des accessoires identiques

A mi-chemin entre la technique et l’esthétique, les délicates petites poignées en formes de bagues, montées sur des platines à visage féminin, sortent du même moule pour les deux cabinets de Besançon (ill. 18) et du Getty (ill. 17) [18].

17. Cabinet, détail
d’une poignée, vers 1580
Los Angeles, J. Paul Getty Museum
Photo : J. Paul Getty Museum
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18. Cabinet Gauthiot d’Ancier du musée,
détail d’une poignée, 1581
Besançon, Musée du Temps
Photo CRRCOA, Vesoul, Aubert Gérard
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19. Armoire de la vente Polès
en 1936, détail de l’une des poignées,
fin du XVIe siècle
Photo : D. R.
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Comment pouvait-on expliquer une telle similitude entre un cabinet réputé faux, mais nécessairement antérieur à sa première représentation en 1846, et un meuble, certes authentique, mais qui ne fut publié pour la première fois qu’en 1879 par Auguste Castan ?

Des parentés dans la construction même

Techniquement enfin, le fond en chêne du meuble du Getty semblait très similaire, par son principe de montage, à celui du cabinet de Besançon, étudié par le CRRCOA. C’est pourquoi nous les reproduisions côte à côte et en regard d’une planche dessinée d’un recueil du XVIe siècle (Paris, ENSBA, fonds Masson, Recueil 41, fol, 18 v°). Nous appelions alors de nos vœux une étude dendrochronologique afin de trancher définitivement la question [19].

Des études scientifiques exemplaires

Nos appels ont été entendus et après avoir reçu à Ecouen plusieurs conservateurs et restaurateurs du J. Paul Getty Museum, un courageux et ambitieux programme d’étude a été lancé par ce musée, apportant des réponses précises, au-delà même de nos espérances : l’étude dendrochronologique a eu lieu et a prouvé l’authenticité de la structure en chêne. Bien mieux, cette étude a été renforcée par de nombreuses autres analyses, parfaitement convergentes : datation au carbone 14 sur le noyer de la façade du meuble, analyse métallographique des clous maintenant le revêtement textile intérieur, étude du textile lui-même, des assemblages, des traces d’outils, etc [20].

De l’intérêt des comparaisons de « détails »

Quelles conséquences peut-on tirer de cette réévaluation scientifiquement établie du cabinet du J. Paul Getty Museum pour l’étude du mobilier de la Renaissance française ?

Tout d’abord la « méthode comparative » nous semble utilisable même pour des « œuvres de menuiserie », malgré l’avis contraire de certains auteurs. Certes, cette méthode comparative est délicate à appliquer, car plusieurs mains peuvent intervenir sur un meuble. Mais n’est-ce pas souvent aussi le cas pour la peinture ? C’est pourquoi, pour le cabinet du Getty comme pour le cabinet de Besançon, nous restons prudent sur l’attribution de « l’œuvre de menuiserie » à Hugues Sambin en personne, voire même à son atelier. Il s’agit seulement d’une très forte probabilité : ce maître dijonnais et le commanditaire du mobilier, Jean Gauthiot d’Ancier, étaient assurément en étroite relation, au moins dès juin 1582. Jean Gauthiot, fraîchement élu co-gouverneur, venait en effet d’être commis au choix du nouvel architecte pour le bâtiment à ajouter à l’hôtel de ville de Besançon. Les archives attestent que cet architecte fut alors Hugues Sambin, créateurs aux talents multiples, probablement imposé par Jean Gauthiot, qui partageait déjà avec lui son lieu de naissance [21].

Nous préférons rejeter en revanche les attributions hâtives, comme celle faite jadis, et curieusement encore récemment, du même mobilier à Pierre Chenevière, menuisier bisontin, dont on ne peut plus voir, pourtant, aucune œuvre certaine à titre de comparaison [22].

D’autres parentés à découvrir

20. Armoire de Thoisy-la-Berchère, vers 1580
Noyer
Ecouen, Musée national de la Renaissance
Photo : RMN, René-Gabriel Ojeda
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21. Armoire de l’ancienne collection Givenchy, vers 1580
Noyer
Dijon, Musée des Beaux-Arts
Photo : D.R
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Si la méthode comparative ne conduit pas nécessairement à une attribution nominative pour les « œuvres de menuiserie », elle peut toutefois révéler qu’un meuble – là encore, comme une peinture – a donné lieu à des variantes par le même atelier.
C’est certainement le cas pour l’armoire (ill. 20), provenant du château de Thoisy-la-Berchère (Côte-d’Or), hypothétiquement attribuée à Hugues Sambin, et acquise par le musée national de la Renaissance, sous l’impulsion de son directeur d’alors, M. Alain Erlande-Brandenburg. Cette armoire fut le point de départ de l’exposition-dossier de 2001 [23]. Or, depuis la publication du catalogue, une armoire « sœur » est passée en vente publique, où elle fut achetée pour le musée des Beaux-Arts de Dijon (ill. 21) [24].

22. Armoire du château de Thoisy-la-Berchère, détail
du chèvre-pied supérieur droit, vers 1580
Noyer
Ecouen, Musée national de la Renaissance
Photo : RMN, René-Gabriel Ojeda
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23. Cabinet de
l’ancienne
collection Givenchy, détail
du chèvre-pied supérieur droit, vers 1580
Dijon, Musée des Beaux-Arts
Photo : D. R.
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La structure et les dimensions générales sont les mêmes. Les chèvre-pieds gauche et droit de la partie supérieure sont identiques (ill. 22 et 23), mais, pour le reste, tout est différent.

Le mobilier se prêtait d’autant plus au jeu des variantes qu’il était possible manifestement de « préfabriquer » plusieurs exemplaires de la même partie et de jouer ensuite des combinaisons pour réaliser plusieurs meubles, à la fois proches et différents. C’est à notre sens le cas typique des armoires précitées d’Ecouen et de Dijon.
L’ajout des peintures en camaïeu d’or était évidemment un moyen de varier et de personnaliser aussi ce type de mobilier. L’armoire de Dijon ne possède pas, ou plus, de telles peintures, bien que leur emplacement soit réservé. Elle ne porte pas non plus d’armoiries ou de monogramme peint, ce qui rend difficile l’identification de son commanditaire.
C’est la présence d’un tel monogramme (en l’occurrence I.B.L.B.) qui a d’ailleurs permis – fait assez rare pour être rappelé – de proposer en 2001, comme commanditaire ou premier acheteur de l’armoire d’Ecouen, un président au Parlement de Bourgogne, Jean-Baptiste Legoux de la Berchère [25].

24. Armoire de la vente Polès en 1936, fin du XVIe siècle
Noyer
Photo : D. R.
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25. Armoire de la vente Polès en 1936,
détail de la figure à l’angle supérieur gauche, fin du
XVIe siècle
Noyer
Photo : D. R.
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En revanche, la prudence était de mise quant à l’attribution nominative de cette armoire d’Ecouen à un créateur ou à son atelier [26]. Pour l’instant, on peut seulement affirmer, avec une quasi certitude, que les armoires de Dijon et d’Ecouen sortent d’un même atelier, car la superposition des deux paires de chèvre-pieds est quasi totale. Cet atelier pourrait tout à fait être celui d’Hugues Sambin, mais nous manquons de preuve décisive.

26. Armoire de la vente Polès en 1936,
détail du chèvre-pied central, en partie supérieure, fin du
XVIe siècle
Noyer
Photo : D. R.
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27. Armoire de la vente Polès en 1936,
détail de la figure
à l’angle supérieur
droit, fin du XVIe siècle
Noyer
Photo : D. R.
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Le rattachement certain à un même atelier est déjà, en soi, une information précieuse. L’armoire de Dijon constitue ainsi un maillon dans la chaîne pouvant relier l’armoire d’Ecouen à d’autres meubles. La méthode comparative, concentrée sur des cas de superposition manifeste comme celui-ci, même si elle n’est que partielle, permet d’abord de reconnaître des groupes d’œuvres indiscutables.

28. Armoire d’une ancienne collection dijonnaise,
fin du XVIe siècle
Noyer
Photo : D. R.
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29. Armoire de l’ancienne collection Gavet, fin du XVIe siècle
Noyer
Photo D. R.
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Ce dernier jeu de maillage ne nous semble pas inutile dans la perspective de la réévaluation d’autres meubles bourguignons du XVIe siècle, oubliés ou perdus de vue. En partant de meubles d’authenticité incontestable, comme les cabinets de Besançon et désormais du Getty, on repère d’autres meubles qui ressortent de la masse des cabinets, armoires et autres dressoirs circulant ou ayant circulé sur le marché.

30. Armoire de l’ancienne collection Amedeo di Castro
à Rome,
fin du XVIe siècle
Noyer
Photo : D. R.
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31. Armoire de l’ancienne collection Schneider,
fin du XVIe siècle
Noyer
Photo : D. R.
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Reste souvent à en retrouver la piste. C’est ce que l’on aimerait faire, peut-être par le biais de cet article, en attirant l’attention sur quelques uns d’entre eux, dont nous aimerions pouvoir mener l’étude détaillée : une armoire de la vente Polès (ill. 19, 24, 25, 26 et 27) [27] ; une armoire attestée à Dijon dans les années 1920 (ill. 28) [28] ; une armoire ayant appartenu à Emile Gavet (ill. 29) [29] ; une armoire passée en Italie (ill. 30) [30] ; une armoire de l’ancienne collection Schneider (ill. 31) [31] ou encore un étrange cabinet vendu plus récemment [32], pour ne citer que quelques uns des meubles qui excitent notre curiosité et sans parler de meubles qui ont déjà « refaits surface » juste après l’exposition de 2001, comme une armoire actuellement conservée en Ecosse et qu’il ne nous a finalement été permis d’étudier que sur photographies mais qui s’annonçait très prometteuse (fin 2002 début 2003).

Vers d’autres réhabilitations ?

32. Le cabinet appartenant à
J.-B. Carrand père
dans Les arts au Moyen Age
d’Alexandre Du Sommerard, 1846
Photo : A. Prévet
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Enfin, le cas du cabinet aujourd’hui « redécouvert » par le J. Paul Getty Museum invite à la prudence dans les « dépréciations ». Comme les appréciations louangeuses, elles sont inévitablement tributaires des connaissances et des goûts du moment.

Ainsi, un autre cabinet mériterait une étude technique et scientifique. Egalement acquis par J. Paul Getty en 1971, ce meuble a été tout simplement revendu par le musée au début des années 1980 (ill. 32).

Pourtant, depuis le prince Dimitri Soltikoff, au milieu du XIXe siècle, cet autre cabinet était passé jusqu’alors entre les mêmes mains que le cabinet aujourd’hui « redécouvert ». Trouvé initialement sur l’île Barbe, près de Lyon, et acheté par J.-B. Carrand père dans la première moitié du XIXe siècle, il avait eu lui aussi sa place dans Les arts au Moyen Age d’Alexandre Du Sommerard en 1846 et son heure de gloire dans l’historiographie du mobilier de la Renaissance française [33].

Depuis sa vente par le J. Paul Getty Museum, cet impressionnant cabinet est passé entre les mains de grands antiquaires, M. Bernard Steinitz et M. Bruno Perrier [34]. Bien qu’une intervention lourde sur le fond du meuble semble interdire à jamais l’étude dendrochronologique du chêne, ce meuble mériterait lui aussi d’être minutieusement réexaminé, sans l’a priori défavorable que suscita sa revente par un musée prestigieux.

Un vaste champ pour des analyses scientifiques

En attendant la réapparition au grand jour de ces meubles en mains privées, les méthodes d’analyses scientifiques utilisées pour les cabinets de Besançon et du Getty pourraient certainement s’exercer avec profit sur des meubles, certes bien « connus », mais non encore étudiés sous cet angle dans les collections publiques.

33. Cabinet de l’ancienne collection Soulages,
fin du XVIe siècle ?
Londres, Victoria & Albert Museum
Schéma : Alain Prévet
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34. Cabinet de l’ancienne collection Soulages,
détail du panneau central de la partie supérieure,
fin du XVIe siècle ?
Schéma : Alain Prévet
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Au Louvre, c’est le cas de l’armoire Arconati-Visconti, anciennement restaurée et complétée, mais aussi de l’armoire Revoil, sur laquelle nous avons repéré en 2001 des armoiries qui restent à identifier avec certitude [35].

35. Dessin d’un cabinet, XVIe siècle
Encre et mine de plomb
Paris, Ecole nationale supérieure des beaux-arts
Photo : Paris, ENSBA
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36. Dessin d’un cabinet, XVIe siècle
Encre et mine de plomb
Paris, Ecole nationale supérieure des beaux-arts
Photo : Paris, ENSBA
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37. Italie, XVIe siècle
Judith tenant la tête d’Holopherne
Encre et lavis
Paris, Ecole nationale supérieure des beaux-arts
Photo : Paris, ENSBA
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Outre-Manche, ce pourrait être le cas de deux oeuvres entretenant des liens étroits avec des gravures de Jacques Ier Androuet du Cerceau : la table aux « chiens de mer » et le cabinet d’Hardwick Hall, ce dernier étant orné de peintures en camaïeu d’or. Au Victoria & Albert Museum, un cabinet considéré comme faux (ill. 33 et 34 [36]) correspond parfaitement, comme nous l’avons montré en 2001, à deux dessins authentiques du XVIe siècle (ill. 35, 36 et 37), ce qui rend caduque l’explication traditionnelle d’un montage à partir de quelques fragments épars et pourrait justifier un réexamen [37]. Il pourrait être intéressant de revoir aussi de cette manière le cas du dressoir portant les armes de la famille Guyrod d’Annecy, provenant de la collection Spitzer.

Outre-Atlantique, c’est une étude scientifique rigoureuse que l’on aimerait voir mener sur un cabinet du fonds Rogers au Metropolitan Museum de New York, actuellement considéré comme un montage du XIXe siècle. Le Philadelphia Museum of Fine Arts conserve de son côté un dressoir et un vantail de porte de l’ancienne collection Foulc qui fourniraient sans doute des informations précieuses [38].

Pour revenir en Europe, au Historisches Museum de Bâle, l’impressionnant cabinet attribué à Franz Pergo, daté par inscription de 1619, pourrait aussi constituer une pierre de touche fort utile.

38. Dressoir de Joinville, détail de la date du piétement
créé au XIXe siècle
Noyer
Ecouen, Musée national de la Renaissance
Photo : A. Prévet
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Il est extrêmement rare, en effet, que les ébénistes du XIXe siècle aient daté leurs interventions sur des meubles authentiques en mains privées. Cela s’est produit parfois, en revanche, dans un contexte muséal. C’est le cas, à notre avis, du dressoir de Joinville, actuellement au musée national de la Renaissance à Ecouen, dont la partie inférieure, recréée de toutes pièces, a été très honnêtement datée « 1892 », selon notre lecture (ill. 38) [39].

L’examen méthodique et sans a priori de meubles de ce genre ne peut que contribuer à mieux connaître et comprendre cette production, à séparer le vrai du faux sur une base scientifique incontestable, sans être réduit à une première impression, nécessairement subjective [40].

Addendum

Depuis la rédaction de ces lignes, deux meubles acquis pour le château de Blois viennent d’être publiés par M. Pierre-Gilles Girault, conservateur adjoint [41]. L’un est une copie (mais en chêne et non en noyer) du cabinet Gauthiot d’Ancier de Besançon, sans doute réalisée entre 1886 et 1914, et acquise en 2009 (ill. 39). Son existence atteste le succès de ce meuble depuis son identification assez confidentielle par Auguste Castan en 1879 et surtout depuis sa publication par Edmond Bonnaffé dans la Gazette des beaux-arts en 1886.

39. Copie du cabinet Gauthiot d’Ancier
de Besançon
Chêne
Blois, château
Photo : Daniel Lépissier
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40. Armoire à deux corps en noyer, avec camaïeux d’or
Blois, château
Photo : Daniel Lépissier
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L’autre, beaucoup plus intéressant pour notre sujet, est une armoire à deux corps en noyer, ornée de deux peintures en camaïeu d’or qui sont judicieusement rapprochées des œuvres sûres d’Evrard Bredin et lui sont donc attribuées (ill. 40, 41, 42). La comparaison de la figure de la Justice avec la Cérès du cabinet Bisontin est parfaitement convaincante et conforte au passage, s’il en était besoin, l’attribution à ce peintre, par Magali Bélime-Droguet, du décor peint de la chambre du Zodiaque au château d’Ancy-le-Franc. Qu’il nous soit permis d’ajouter la comparaison du Moïse tenant les tables de la Loi avec le Josué, aidant Moïse à porter l’une des dites tables, peint par Bredin sur le meuble incomplet passé en vente chez Me Tajan le 30 janvier 1998 (signé).

41. Attribué à Evrard Bredin (actif de 1550 à 1596)
Moïse tenant les tables de la Loi, entre la Justice et la Force
Camaïeu d’or
Blois, château
Photo : Daniel Lépissier
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42. Attribué à Evrard Bredin (actif de 1550 à 1596) et assistant
Dieu le Père entre la Charité et la Miséricorde
Camaïeu d’or
Blois, château
Photo : Daniel Lépissier
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En matière de camaïeux d’or peint sur des meubles en noyer, ces deux nouveaux panneaux s’ajoutent aux trois peintures du meuble du Getty comme étant, à notre sens, parmi les attributions les plus probables (même avec intervention d’un assistant comme cela est supposé pour le panneau de droite de l’armoire de Blois).

Nous nous permettons de proposer au passage le rapprochement des quatre camaïeux peints sur le cabinet d’Hardwick Hall avec les deux peintures signées du meuble incomplet vendu par Me Tajan en 1998. De même pour les camaïeux des armoires des anciennes collections Perrenet et Schneider (revoir notes 27 et 30).

Cette « nouvelle » armoire a été acquise en 2008 après une longue négociation auprès de l’antiquaire lyonnais Michel Decours. Bien qu’ayant subie des interventions à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle, un examen minutieux de la menuiserie par le CRRCOA de Vesoul serait sans doute profitable à l’avancement des recherches sur ce type de mobilier, même s’il faut déplorer la disparition de la serrurerie originelle.

On ne peut en revanche que féliciter le château de Blois d’avoir fait cette acquisition.

Alain Prévet

Notes

[1Les recherches sur Hugues Sambin, menuisier mais aussi architecte, ingénieur, dessinateur et sans doute graveur en taille douce, ont beaucoup progressé grâce à l’exposition organisée sous la direction de Mme Marguerite Guillaume au musée des Beaux-Arts de Dijon : Hugues Sambin, vers 1520–1601, 24 juin – 11 septembre 1989. Le sujet a été repris douze ans plus tard, mais de manière plus restreinte, lors d’une exposition-dossier tenue en 2001 au musée national de la Renaissance, sous la direction de M. Alain Erlande-Brandenburg. Nous y reviendrons.

[2http://www.getty.edu/art/exhibitions/cabinet/ avec diverses ramifications et vidéos en ligne. Voir aussi l’article de MM. Arlen Heginbotham et Jack Hinton, « Rediscovering a sixteenth-century Burgundian cabinet at the J. Paul Getty Museum », Burlington Magazine, vol. CXLVIII, n° 1239, juin 2006, p. 390-399 et plus récemment, Arlen Heginbotham et Didier Pousset, « The development and application of non-intrusive dendrochonological methods for wooden furniture analysis : the case of the J. Paul Getty Museum’s Renaissance Burgundian Cabinet », Proceedings of the 34th annual Meeting - American Institute for Conservation of Historic and Artistic Works (16 au 19 juin 2006), Westin Providence RI, 2008, p 26-35 ou encore Didier Pousset, Christine Locatelli, Arlen Heginbotham, "Du développement de méthodes non intrusives pour l’étude dendrochronologique du mobilier à l’expertise de cabinets Renaissance", Techne, n°29, 2009, p. 30-36.

[3Alexandre Du Sommerard, Les arts au Moyen Age, 1846, t. 5, chapitre XII, p. 203-204, planche XIX.

[4La liste complète des propriétaires successifs depuis 1850 est minutieusement établie par Arlen Heginbotham et Jack Hinton, Op. cit., p. 392-394.

[5Wolfram Koeppe, « French Renaissance and pseudo-Renaissance furniture in American collections », Studies in the Decorative Arts, vol. I, n°2, Spring 1994, p. 46-66, fig. 7, en particulier p. 59-61.

[6Hugues Sambin. Un créateur au XVIe siècle (vers 1520 – 1601), Paris, RMN, 2001, fig. 43 p. 96 et nombreuses mentions p. 91-106 et dans les notes p. 115-124. D’autres photographies étaient présentées sur les panneaux pédagogiques de l’exposition, également diffusés sous la forme d’un « petit journal », [p. 10 et 11].

[7Armoiries reconnues par l’érudit Auguste Castan dans les années 1870.

[8Autre découverte d’Auguste Castan en 1879.

[9« Ung cabinet de bois de nouhier, ayant retraicte le corps dessus plus que celluy d’embas, estant racheté pour rendre parade à ladicte besoinge par deux satyres estant remplis de bouillon de feuille pour leur ornement, et de quattre termes suyvant, sçavoir deux au corps d’embas et deux en hault, ayant un panneaul d’architecture où il y a une figure au milieu, verny, haulsé d’or, ayant deux peintures de bronze et une au millieu, ferré ; dehuement taxé cent frans ». Edmond Bonnaffé, « Etude sur le meuble en France au XVIe siècle (5e article) », Gazette des Beaux-Arts, 1886, p. 52-67, en particulier p. 61-62, et du même auteur, Le meuble en France au XVIe siècle, Paris, 1887, p. 166-168. Le site internet du J. Paul Getty Museum reproduit le passage de l’inventaire avec sa transcription.

[10Source également reconnue par Jacques Thirion, « Meubles français des XVIe et XVIIe siècles à sujets sculptés d’après des motifs de Raphaël », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 1983, p. 17-27, en particulier p. 19, mais sans illustration. Le meuble lui-même y est désigné comme « un cabinet extrêmement ronflant ».

[11Hugues Sambin, 2001, note 32, page 118-119. Seul le cadre semble du XVIe siècle, mais il provient sans doute d’un autre meuble.

[12Hugues Sambin, 2001, p. 95 et note 24 et 25 p. 118. Nous y avons déjà expliqué pourquoi, à notre sens, les dates moins visibles n’avaient pas été mentionnées en 1596.

[13Mme Christiane Claerr-Roussel, conservateur à l’Inventaire général en Franche-Comté, a récemment découvert dans un Inventaire des meubles, effets, linges et ornements appartenant et étans dans les église, sacristie et maison du collège de Besançon, dressé en 1776 et conservé aux Archives déptales du Doubs, que deux « vieux buffet[s] de Mr d’Ancier » étaient encore alors dans les deux premières chambres de l’Infirmerie. Il pourrait donc s’agir des cabinets du musée du Temps et du Getty. Je remercie vivement Mme Christiane Claerr-Roussel de m’avoir communiqué ces précieuses informations.

[14Signés et datés 1575, ils proviennent de l’Evêché de Langres et sont déposés par le musée d’Auxonne. Cf. Jacques Thirion, Le mobilier du Moyen Age et de la Renaissance en France, Dijon, Faton, 1998, p.232-233.

[15Paris, Hôtel Drouot, étude de Me Tajan, 30 janvier 1998. L’œuvre peint d’Evrard Bredin s’est enrichi récemment d’attributions bien étayées par Magali Bélime-Droguet, dans sa Thèse de doctorat, Les décors peints du château d’Ancy-le-Franc et leur place dans la peinture en France entre le milieu du XVIe siècle et les premières décennies du XVIIe siècle, Université de Paris IV, 2004. Et tout récemment : Magali Bélime-Droguet, "Un décor à grotesques du château D’Ancy-le-Franc", Renaissance en France, renaissance française, sous la direction de Henri Zerner et Marc Bayard, Paris, Somogy, 2009, p. 341-356 (actes du colloque tenu à l’Académie de France à Rome, du 7 au 9 juin 2007).

[16Hugues Sambin, 2001, p. 99 et note 58, p. 120.

[17Pierre Quarré, « Evrard Bredin, peintre des meubles d’Hugues Sambin », Mémoires de la société Eduenne, t. 51, fasc. 2, 1967, p. 131-138. Les peintures en camaïeu d’or, attribuées à Evrard Bredin, portent la date de 1574.

[18Hugues Sambin, 2001, p. 100 et fig. 48-49.

[19« Matériaux et techniques, analyse comparée », Petit-journal de l’exposition [p. 10] et Hugues Sambin, 2001, p. 100 et note 59, p. 120.

[20La première de ces études est l’œuvre de Didier Pousset, "Etude dendrochronologique du cabinet Bourguignon (71.DA.89) conservé au J.Paul Getty Museum de Los Angeles USA", Rapport d’analyse, Laboratoire de Chrono-Ecologie de Besançon et du Centre de Restauration des Oeuvres d’Art de Vesoul, 2002. Le présent article, rédigé pour l’essentiel en décembre 2005, devait être initialement complété d’un volet scientifique rédigé par Brian Considine, Curator of Decorative Arts and Sculpture au J. Paul Getty Museum de Los Angeles et Aubert Gérard, directeur du Centre Régional de Restauration et Conservation des Œuvres d’Art de Franche Comté à Vesoul. A défaut, nous renvoyons à l’article publié dans le Burlington Magazine de juin 2006 et aux autres publications citées à la note 1.

[21Hugues Sambin, 2001, p. 95.

[22Hugues Sambin, 2001, p. 95 et note 22, p. 117. Attribution faite initialement par Auguste Castan en 1879. Bien que lui-même s’en soit repenti en 1890, d’autres auteurs plus récents ont longtemps repris sans critique cette première attribution. Étrangement, ce que l’on accorde difficilement à un nom, il est vrai très connu et donc parfois galvaudé, on est davantage disposé à l’attribuer à un artisan dont l’œuvre est pour l’heure totalement insaisissable…

[23Jeanne Faton, « Hugues Sambin : certitudes et interrogations », L’Estampille-l’objet d’art, n°365, janvier 2002, p. 4-5.

[24Ancienne collection Givenchy, vente du 6 juin 2004 à l’Orangerie du château de Cheverny par Me Philippe Rouillac, reproduction dans la Gazette de l’hôtel Drouot, n°21, 28 mai 2004, p. 123. Acquisition publiée par Mme Sophie Jugie dans la Revue du Louvre, 2005, n°5, p. 80-81.

[25Cette identification de Jean-Baptiste Legoux de la Berchère (acquéreur, peu avant sa mort en 1631, du château de Thoisy-la-Berchère, où l’armoire fut probablement ainsi transférée), n’a malheureusement pas été commentée par M. Jacques Thirion dans son compte rendu du catalogue publié dans la Gazette des Beaux-Arts de février 2002 (« La chronique des arts », p. 5-6). Il y critique en revanche une toute autre hypothèse de provenance – pourtant totalement absente du catalogue – et suggère quant à lui une autre provenance qui a l’inconvénient de ne pas tenir compte du monogramme I.B.L.B. Dans ce même compte rendu, l’auteur avait jugé par ailleurs que les rapprochements, tels que ceux du meuble du Getty et du cabinet de Besançon, étaient « pour l’instant aventureux ». Cet “instant” semble aujourd’hui révolu.

[26Hugues Sambin, 2001, p. 106, in fine.

[27Galerie Charpentier, 17-18 novembre 1936, n°17, planche III. Poignée délicate sortant du même moule que pour les cabinets du Getty et de Besançon. Les termes en noyer sculpté offrent également de grandes parentés entre ces trois meubles. Les deux panneaux en camaïeu d’or sont malheureusement ruinés, cf. Hugues Sambin, 2001, p. 98 et 100, notes 41 p. 119 ; 61 p. 121 et 87 p. 122.

[28Alors propriété de la famille Perrenet et publiée dans La Vie à la campagne, 15 décembre 1921. Grande parenté des termes inférieurs et des encadrements des vantaux supérieurs avec les cabinet du Getty et de Besançon notamment ; peintures en camaïeu d’or. Hugues Sambin, 2001, p. 92 et 104 et notes 11 p. 116 et 87 p. 122.

[29Puis à Charles T. Barney à New York, vendue ensuite chez French & Co. Grande parenté des termes inférieurs avec les deux cabinets de référence, quoique de qualité un peu moindre, présence, là encore, de deux poignées du même moule sur les tiroirs de la traverse basse. Hugues Sambin, 2001, p. 104 et note 86 p. 122.

[30Collection Amedeo di Castro à Rome. Cf. Burlington Magazine, novembre 1969, p. 708, fig. 9. Nombreux liens avec les meubles précédents mais aussi avec l’armoire de Thoisy-la-Berchère et avec l’armoire Arconati Visconti, entre lesquelles elle pourrait donc constituer un maillon.

[31Revue de l’art ancien et moderne, 10 septembre 1900. Mêmes remarques et présence de peintures en camaïeu d’or. Hugues Sambin, 2001, p. 104 et notes 84 et 87 p. 122.

[32Vente Christie’s, Londres, 29 octobre 1981, n°189, p. 35. Hugues Sambin, 2001, p. 98 et note 41 p. 119.

[33Alexandre Du Sommerard, Les arts au Moyen Age, 1846, t. 5, chapitre XII, planche XIII. Ce cabinet a été notamment commenté dans les publications précitées d’Emile Bonnaffé, en 1886 et 1887.

[34Vente à Saint-Paul-en-Cornillon, 30 mai 1992, par Mes Ader et Tajan ; remis en vente le 30 janvier 1998 par Me Tajan mais n’ayant pas atteint, semble-t-il, son prix de réserve…

[35Hugues Sambin, 2001, note 93, p. 123. D’après La vraye et parfaite science des armoiries... de Pierre Palliot, Dijon, 1660, il pourrait s’agir des armes d’un membre de la famille « Gautherot en Bourgogne, dont un Conseiller au Parlement, portoit d’azur au chevron d’or, accompagné de trois Quinte-feulles d’argent », mais l’alliance n’a pas pu être identifiée pour l’instant.

[36Malgré nos demandes au Victoria & Albert Museum, nous n’avons pas obtenu l’autorisation de publier les photographies de ce meuble sans devoir payer une redevance, qui plus est à renouveler tous les deux ans. Nous remercions donc Alain Prévet d’avoir bien voulu en faire des dessins (note de l’éditeur du site).

[37Fake ? The art of deception, Londres British Museum, 1990, n° 218, p. 207 et Hugues Sambin, 2001, p. 101 et note 72, p. 121.

[38Hugues Sambin, 2001, fig. 35-36, p. 92-93 et Petit journal, [p. 3-4].

[39Nous avons lu cette date en mars 2001, lors d’un examen du meuble avec M. Bruno François, et nous la préférons pour l’instant à la lecture « 1822 » qui est faite par M. Thierry Crépin-Leblond dans Parures d’or et de Pourpre. Le mobilier à la cour des Valois, Paris et Blois, 2002, p. 84-85. En effet, lors de son acquisition par l’Etat en 1846, avec l’ensemble de la collection d’Alexandre du Sommerard, ce dressoir, portant alors le n°62, est décrit comme la « partie supérieure d’une crédence à pans avec pilastres… » et les dimensions données sont celles de cette seule partie supérieure (H. 0,90 m, l. 1.20 m). Cette information est confirmée par Alexandre Du Sommerard, Les arts au Moyen Age, 1846, t. 5, chapitre XII, p. 202 (« … un haut de crédence… »), et planche X du vol. II. On imagine mal qu’Alexandre du Sommerard ait eu scrupule à figurer un piètement restitué, s’il avait déjà fait l’effort de redonner au meuble sa forme d’origine. Le Catalogue et description des objets d’art… de son fils Edmond du Sommerard, publié en 1883, mentionne encore que « le pied manque » (n° 1409, p. 113). Cette lacune semble avoir finalement gêné comme le laisse entendre la formulation de Darcel présentant ce « meuble charmant […]auquel ses pieds manquent absolument » (« L’art décoratif au musée de Cluny », Revue des arts décoratifs, 1889-1890, p. 101). La mention d’un premier piètement moderne apparaît dans C. Ruprich et E . Bajot, Musées du Louvre et de Cluny. Collection de meubles anciens, relevés d’après les originaux,…, Paris, E. Daly, 1890, p. 6 et planche 29. Peut-être ne s’agissait-il là que d’un premier essai, insatisfaisant, remplacé en 1892 par celui que nous connaissons encore aujourd’hui, ce dernier étant assez réussi, il faut bien le dire. Ce piètement n’est pris en compte dans les dimensions du meuble que lorsqu’il est ré-inventorié en 1922, sous le n° 20422.

[40Il faut saluer les efforts en ce sens des responsables de collection comme Madame Sophie Jugie, Directrice du musée des Beaux-arts de Dijon, auteur de « Tripatouillage chez les Trimolet. Contribution à la question du mobilier attribué à Hugues Sambin par un aperçu (inquiétant) sur les usages des collectionneurs du XIXe siècle », in Materiam superbat opus. Hommage à Alain Erlande-Brandenburg, Paris, RMN, 2006, p. 396-403. On s’étonne seulement que le cabinet Gauthiot d’Ancier de Besançon y soit encore donné (p. 396) à Pierre Chenevière, menuisier bisontin dont aucune œuvre de comparaison ne nous est parvenue et qu’aucun document d’archives ne donne comme auteur de ce mobilier.

[41Pierre-Gilles Girault, « Deux meubles à la manière d’Hugues Sambin acquis pour la chambre du Roi », Cahiers du château et des musées de Blois, n°38-39, juin 2007-juin 2009, p. 78-88.

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